L'application d’alerte et d’information des populations, alias SAIP, est très loin de remplir sa mission. L'app mobile, lancée en juin 2016 par le ministère de l’Intérieur juste avant l’Euro de football, est censée alerter l’utilisateur d’une crise majeure ou d’un événement au caractère particulièrement exceptionnel. Cette app, développée en quelques mois seulement, n’est pas parvenue à démontrer son utilité.
Lors de l’attentat de Nice, le 14 juillet 2016, l’application a envoyé les notifications pratiquement trois heures après les événements. Un retard dommageable pour une app dont l’intérêt est justement de prévenir les populations très rapidement. Une « faille technique » a été à l’origine de ce bug (lire : Nice : explications sur le fiasco de l'app SAIP). Le ministère de l’Intérieur annonçait pourtant la diffusion des messages d’alerte sous les quinze minutes et moins.
Rebelote début février, suite à l’attaque d’un groupe de militaires au musée du Louvre. Dans ce cas, mieux valait suivre le compte Twitter de la place Beauvau, mis à jour en quasi temps réel. Les autorités ont ici expliqué que l’absence de notification d’alerte avait été volontaire. Et puis il y a également eu de fausses alertes, comme le 17 septembre dernier suite à la suspicion d’un attentat dans une église.
L’utilité et la pertinence de SAIP sont donc interrogées. Un rapport d’information sénatorial, qui sera publié aujourd’hui mais dont Le Monde a obtenu copie, est particulièrement sévère pour cette application. Jean-Pierre Vogel, le sénateur (LR) qui a planché sur le sujet, pointe du doigt une efficacité toute relative de cette app, ainsi que des défaillances qui nuisent à sa fiabilité et à son ergonomie. Il est vrai que SAIP a été développée très rapidement (le projet a été lancé en janvier 2016, dans la foulée des attentats de novembre 2015).
Autre sujet d’inquiétude, l’application n’a pas atteint la masse critique suffisante pour alerter convenablement un maximum d’habitants sur une zone de danger. Ce seuil est fixé à 5 millions d’utilisateurs, actuellement SAIP n’en compte que 900 000. Sur le fond, le sénateur de la Sarthe critique le « choix stratégique » du développement de l’app. Pour lui, SAIP est un « non-sens » au vu des enjeux, et quand il y aura un nouvel attentat, « il sera trop tard pour s’en préoccuper ».
Parmi les pistes proposées par le rapport pour sortir l’app de l’ornière, on trouve une demande d’évaluation de l’application qui devrait être menée d’ici la fin 2019 (une évaluation est bien prévue par le ministère, qui n’a pas précisé de date). Surtout, le sénateur déplore que les autorités n’aient pas voulu mettre en place un système d’alerte par SMS comme il en existe en Allemagne, en Espagne ou en Chine avec une technologie de Diffusion cellulaire.
Ce système permet d’envoyer un même message à tous les abonnés à l’intérieur d’une zone géographique ; pour en bénéficier, il faut s’inscrire (ou pas selon les technologies employées), ce qui n’est pas pire que de télécharger une application. Évidemment, il reste le problème de la prise en charge des coûts d’un tel système, qui pourrait échoir à l’État, aux opérateurs, ou aux deux.