Sundar Pichai, le grand patron d'Android et de Chrome, a profité du keynote de Google I/O, le rendez-vous annuel des développeurs Google, pour lever le voile sur de nombreuses nouveautés. Android One, Material Design, Android L, Android Auto, Android Wear, Android TV, Chromecast et Chrome OS, Google Drive, et Google Fit (ouf) : des services et des plateformes (dont certains qui concurrencent directement Apple) que le moteur de recherche veut unifier au travers d'un langage de design commun.
Android compte désormais un milliard d'utilisateurs actifs par mois — un seuil psychologique désormais atteint, puisque l'an dernier Google avait annoncé 900 millions de terminaux Android activés. Ce milliard d'utilisateurs consultent leurs smartphones 100 milliards de fois… chaque jour. Des chiffres qui donnent le vertige, tout autant que les 93 millions de selfies pris tous les jours, les 20 milliards de messages texte envoyés au quotidien, ou encore l'augmentation de 236% des installations d'applications depuis le Play Store. Les tablettes Android représentent désormais 62% du marché mondial, une hausse de 16 points par rapport à 2013, au détriment de l'iPad.
Tout comme Tim Cook avait taclé Android à plusieurs reprises durant le keynote du WWDC, Google n'a pas manqué de répondre du tac au tac en soulignant les différentes innovations d'Android à travers les différentes moutures de l'OS — surtout, le moteur de recherche a annoncé que 93% des utilisateurs sont équipés de la dernière version de Google Play Services, une couche d'API permettant de maintenir les applications à niveau en dehors des (trop longues) phases de test et de validation des constructeurs et des opérateurs.
Android One : pour les regrouper tous
Pour atteindre le milliard d'utilisateurs supplémentaires, Android se doit d'être compatible avec des smartphones aux performances bien moins évoluées que les produits que nous connaissons dans nos marchés occidentaux. L'une des nouveautés les plus importantes d'Android 4.4 avait été le support de terminaux dotés de composants d'entrée de gamme. Plutôt que de poursuivre dans cette voie de l'optimisation (qui à terme, peut freiner l'innovation), Google a préféré lancer le programme Android One.
Cette initiative, qui débutera avec l'Inde cet automne, va permettre aux constructeurs de développer et produire des smartphones low cost avec l'aide d'un cahier des charges de référence. Les terminaux fonctionneront sous Android dans une version « stock » (sans surcouche) et ils recevront des mises à jour automatiquement. Les constructeurs pourront toutefois pré-installer leurs applications maison.
Google a donné une idée de ce à quoi s'attendre du côté du matériel, avec l'exemple d'un modèle de Micromax intégrant un écran de 4,5 pouces, un tuner FM, un slot pour cartes SD et le support de deux cartes SIM, le tout pour moins de 100$. Parmi les partenaires de Google dans cette aventure, on compte, outre Micromax, Karbonn Mobile et Spice Mobile.
À travers Android One, Google vise directement les smartphones bon marché sous Firefox OS, les Asha de Nokia, ainsi que les Nokia X de Microsoft, eux sous Android — mais il s'agit d'un fork sur lequel Google n'a aucun contrôle. Avec son poids dans la téléphonie, le moteur de recherche a là de quoi peser très rapidement sur les marchés émergents, réservoir de la croissance mondiale pour les constructeurs et les éditeurs.
Material Design, un même dessein pour tout Google
Le design a longtemps été le parent pauvre de l'expérience Android et au-delà, des services de Google. Matias Duarte, qui a usé ses fonds de culotte chez Palm (où il s'est chargé de la somptueuse interface de webOS), tente depuis 2010 et son arrivée à Mountain View d'insuffler de la cohérence, avec quelques résultats tangibles. La version 4 d'Android a considérablement amélioré l'expérience utilisateur en terme de design, tandis que l'usage des services en ligne de Google (exception faite de Gmail, toujours très brouillon) ne fait plus pleurer des larmes de sang.
Material Design est une initiative dont l'objectif est particulièrement ambitieux : donner à tous les services, plateformes et applications de Google un langage de design commun. Elle va profiter à Gmail, dont l'interface minimaliste présentée durant Google I/O va enfin redonner envie de se connecter de nouveau à son courriel via un navigateur web !
Plus globalement, Material Design ressemble beaucoup à la réponse de Google à iOS 7. Le design « plat », qui était déjà à l'oeuvre chez Google avant qu'Apple et Jony Ive ne lui donnent ses lettres de noblesse, est désormais l'alpha et l'omega pour les interfaces des différents services du moteur de recherche. Le contenu, comme sur iOS 7, est au centre du système.
Cela passe par des boutons ronds, des couleurs éclatantes, une police (la Roboto) optimisée pour tous les écrans, des animations discrètes mais signifiantes. Le tout ressemble beaucoup au design responsive qui permet d'afficher un site web en l'adaptant à n'importe quel écran, qu'il s'agisse du 27 pouces d'un iMac aux 4 pouces d'un iPhone.
Le nouveau site web mis en place par Google pour présenter Material Design est caractéristique de la volonté nette et affichée de proposer aux utilisateurs Google une interface unifiée quelle que soit la plateforme. Les développeurs y trouveront eux des exemples de bonnes pratiques… et de moins bonnes.
Android L
Parmi les produits qui vont bénéficier à plein de l'interface Material Design, on trouve bien évidemment la nouvelle version d'Android, dont Google a offert un long aperçu… mais pas le nom définitif ! Il faudra se faire à Android L en attendant la révélation. Couleurs vives, nouveaux boutons, des animations… avec toujours cette volonté, partagée avec Apple, de placer le contenu en avant. Si le redesign a visiblement bénéficié du plus grand investissement de la part des ingénieurs de Google, les nouveautés en matière de fonctions n'ont pas été oubliées même si elles sont en sourdine.
Les notifications interactives permettent de répondre à un message, y compris depuis l'écran de verrouillage (ce qui rappelle évidemment iOS 8). Cet écran, que l'on pourra déverrouiller à la voix, fait aussi office de panneau de notifications; il s'accompagne d'une nouvelle gesture d'activation dite « heads up ».
La version mobile du navigateur Chrome, utilisée par plus de 300 millions de personnes chaque jour, comporte dans son historique un système de cartes. Surtout, le butineur promet des performances de webapp équivalentes aux applications natives.
Google a aussi planché sur l'amélioration des performances d'Android; la future version fonctionnera exclusivement avec le moteur Runtime, lancé avec Android 4.4. Runtime offre des performances doublées par rapport à Dalvik, une meilleure gestion de l'énergie et des ressources (lire : Des apps Android plus rapides ? C’est de l’ART !). Les concepteurs de jeux vidéo gourmands s'intéresseront tout particulièrement à l'Android Extension Pack, qui leur permettra de tirer le meilleur parti des capacités graphiques des processeurs les plus puissants, comme le Tegra K1 de Nvidia.
On en saura beaucoup plus sur Android L dans les heures qui viennent, puisqu'un premier aperçu ainsi que le SDK seront disponibles au téléchargement pour les développeurs dès aujourd'hui. La version grand public sera elle disponible cet automne.
Android Auto sur la route de CarPlay
L'Open Automotive Alliance, ce regroupement de constructeurs automobiles autour des futures solutions de Google, a finalement porté ses fruits. Android Auto est un concurrent direct du CarPlay d'Apple : l'écran du tableau de bord des véhicules compatibles afficheront des applications Android optimisées.
Google a particulièrement travaillé l'interaction avec la voix : le conducteur n'aura pas nécessairement besoin de manipuler des boutons physiques pour activer tel ou tel logiciel (même si Android Auto pourra être piloté avec les équipements sur le volant ou le tableau de bord). Les apps justement, sont grosso-modo celles qu'Apple a adaptées aux écrans des systèmes de divertissement : téléphone, musique, Hangouts (messages), mais aussi Spotify, Pandora, Stitcher, Pocket Casts…
Android Auto fera son apparition dans les premiers véhicules dès la fin de cette année. Pour en profiter, il faudra un smartphone (s'il est puissant, l'expérience n'en sera que meilleure, prévient Google) sous Android L, qui sera lui disponible à l'automne. Un kit de développement sera lui aussi téléchargeable, mais seules les apps musicales et de messagerie pourront en profiter (pas question de jouer à Flappy Bird derrière son volant…)
Android Wear : quelle heure est-il monsieur Google ?
Android Wear n'est pas une nouveauté : cette nouvelle plateforme destinée à équiper les montres connectées a été annoncée en mars (lire : Android Wear : Google dévoile son système pour montres connectées). Google I/O a néanmoins été l'occasion pour le moteur de recherche et ses partenaires de dévoiler des informations supplémentaires sur les périphériques en développement.
LG et Samsung ont ainsi annoncé qu'il était possible, à partir de ce jeudi, de pré-commander leurs G Watch et Gear Live depuis le Play Store. Le modèle de Samsung (qui inaugure ici la troisième plateforme pour sa famille de montres, après Android et Tizen) ressemble à la Gear 2, et il partage avec la G Watch un écran carré. Malheureusement, la montre la plus intéressante, à savoir la Moto 360 et son écran circulaire, ne sortira pas avant cet été, sans plus de précision. Autre déception : aucun prix n'a encore été annoncé.
Le SDK pour Android Wear sera disponible sous peu, a promis Google. Il permettra de concevoir ses propres interfaces, de contrôler les capteurs des périphériques, d'utiliser les commandes vocales et d'envoyer des données dans un sens comme dans l'autre. Google a fait la démonstration sur scène de la commande d'une pizza depuis la Moto 360. On a hâte.
Android TV : un robot vert dans le poste
L'annonce était attendue, et Google n'a pas failli. Le moteur de recherche a dévoilé avec Android TV le remplaçant/successeur du moribond Google TV. Comme annoncé par la rumeur, il s'agit surtout d'un logiciel qui permet d'accéder à du contenu vidéo provenant du Play Store ou des services tiers comme Netflix et Hulu. On est loin de l'ambition proclamée en 2010 de transformer le téléviseur en smartphone grâce à Google TV.
Android TV proposera aux téléspectateurs des recommandations basées sur leurs goûts et préférences; Google oblige, la recherche de contenus a été particulièrement soignée : les résultats afficheront ainsi des informations complémentaires tirées du Knowledge Graph du moteur de recherche. À l'image du Chromecast, on pourra diffuser le contenu d'un appareil mobile sur le téléviseur. Le logiciel pourra être piloté depuis une montre Android Wear ou avec un contrôleur qui permettra lui de s'adonner aux jeux — à télécharger depuis le Play Store, évidemment. Les joueurs pourront batailler avec ou contre d'autres joueurs et décrocher des trophées.
Contrairement à ce qui avait été annoncé, Google n'a pas dévoilé de boîtier maison pour Android TV. En revanche, des constructeurs partenaires vont intégrer ce nouveau service dans leurs produits : Sony, Philips, TP Vision et Sharp vont proposer des téléviseurs, Razer et Asus des box. Il faudra attendre cet automne pour voir les premiers produits en magasin.
Chromecast et Chrome OS : évolution dans la continuité
Le Chromecast, la petite clé HDMI lancée par Google l'an dernier, a vu son utilisation calculée en minutes par jour augmenter de 40% depuis le troisième trimestre 2013. Google se réjouit des ventes du périphérique (même si la société ne va pas jusqu'à donner de chiffres précis). Néanmoins, ce succès pousse Google à créer son propre répertoire d'applications sur le Play Store et en ligne.
La clé va également être dotée d'une fonction de recopie vidéo de son smartphone Android sur l'écran du téléviseur. Cela rappelle évidemment AirPlay et peut se révéler comme une future « killer app », pour afficher des jeux ou des applications par exemple (en espérant que le ping soit bon). Autre nouveauté appréciable : il ne sera plus utile d'être sur le même réseau wi-fi pour diffuser du contenu sur Chromecast. Enfin, la fonction Backdrop affichera un diaporama photos (provenant de… Google+, évidemment, ou d'autres sources).
Chrome OS, de son côté, va recevoir un renfort appréciable : les applications Android vont pouvoir fonctionner sur le système d'exploitation des Chromebook. Il s'agit d'un émulateur (gare aux performances donc) qui offre des résultats plus convaincants avec les applications pour tablettes que pour smartphones, notamment celles qui s'utilisent au format portrait.
Google a également mis au point une poignée de fonctions qui rappellent le bouquet de services Continuity d'Apple. Un Chromebook pourra se déverrouiller lorsqu'il détecte la présence d'un smartphone sous Android; le Chromebook préviendra lorsque la batterie du smartphone est à plat; des notifications apparaîtront sur l'écran de l'ordinateur portable lors d'un appel ou un message texte. Il ne sera pas possible en revanche de passer un coup de fil depuis son Chromebook.
Google Drive et des outils bureautique un peu plus pro
La guerre des nuages se transporte du côté des utilisateurs « prosumers » et professionnels. Microsoft a lâché une bombe il y a quelques jours en abaissant drastiquement les prix d'Office 365 et de OneDrive (lire : Microsoft : OneDrive désormais au niveau de Google Drive). Google ne pouvait laisser passer l'occasion d'annoncer des nouveautés pour son propre Google Drive, qui propose désormais un stockage illimité pour 10$ par mois et par utilisateur. Baptisée Drive for Work, ce forfait pro comprend également des outils d'administration améliorés, des API d'audit et d'activité, ainsi que le chiffrement des données en transit et sur le serveur.
Au rayon bureautique, Google a dans ses tuyaux une version mobile native de Slides, bientôt disponible sur l'App Store (le temps pour Apple de donner son aval). Elle complète Google Documents [1.0.1 – Français – Gratuit – iPhone/iPad – iOS 7 - Google, Inc.] et Google Feuilles de calcul [1.0.1 – Français – Gratuit – iPhone/iPad – iOS 7 – 39,0 Mo - Google, Inc.], qui sauront ouvrir les fichiers Microsoft Office sans conversion. Ces trois modules fonctionnent de concert avec Drive et QuickOffice, la suite bureautique plus professionnelle, passée dans l'escarcelle de Google (lire : Google rend QuickOffice gratuit et offre des giga-octets).
Dans Google Documents, une fonction d'édition collaborative en temps réel va faire son apparition, qui permettra à plusieurs utilisateurs de travailler sur un même fichier. Le moteur de recherche, qui conserve donc la structure autonome de ses applications bureautiques (qui étaient auparavant regroupées dans Drive), ne compte cependant pas concurrencer la richesse de Microsoft Office.
Google Fit sur la ligne de départ
Sans trop de surprise, Google a fini son keynote par la présentation d'une nouvelle plateforme destinée à concurrencer l'Healthkit d'Apple. Google Fit se propose d'organiser les données provenant des bracelets et autres périphériques santé. Pour l'occasion, le moteur de recherche a noué des partenariats avec Nike, Adidas, Withings, RunKeeper ou encore Basis, soit grosso modo les mêmes entreprises qui ont aussi signé avec Apple.
Les applications qui se connecteront au nuage de Google Fit pourront en analyser les informations. Comme pour le reste des nouveautés présentées en ce jour de keynote, il faudra patienter avant de voir les premiers résultats de Google Fit.
Et les Google Glass dans tout ça ? Rien, pas un mot sur les lunettes connectées…
Images TechCrunch