Oracle : la Cour suprême retire une grosse API du pied de Google

Florian Innocente |

La Cour suprême des États-Unis a fait pencher sa balance du côté de Google dans l'affaire qui l'opposait depuis 11 ans à Oracle. La création d'Android s'était retrouvée au cœur d'un procès dans lequel Oracle accusait Google d'avoir copié plus de 11 330 lignes de code de Java (dont Oracle avait hérité des droits après son acquisition de Sun) afin de développer le système d'exploitation mobile.

Après des décisions de justice d'abord favorables à Google puis à Oracle, la question était remontée au plus haut de la hiérarchie judiciaire. Les membres de la cour ont, en majorité, estimé que Google n'avait pas enfreint de loi sur le copyright en réexploitant des API déjà existantes.

Une distinction est ainsi faite entre l'interface de programmation (l'API), proposée aux développeurs tiers pour concevoir leur apps qui tourneront sur un OS, et le code formant ce système d'exploitation dont les API sont les portes d'entrée.

« Google n'a copié que ce qui était nécessaire pour permettre à des développeurs de travailler dans un environnement informatique différent sans être obligés de renoncer à une partie d'un langage de programmation qui leur était familier », écrivent les juges.

Et d'ajouter que l'intention de Google était non pas de plagier — comme cela peut arriver ailleurs pour des articles de presse, ou des produits qui restent couverts par la notion de copyright — mais de concevoir un nouveau système, pour un nouvel environnement — celui des smartphones — et de créer une nouvelle plateforme — Android — qui réponde à cet objectif et en assure la popularité. En somme, ces API ont été reprises dans le but de créer quelque chose d'unique et différent et non pas pour reproduire un environnement à l'identique.

Cette décision peut s'appliquer dès lors à toutes les API au sens large, cela ne concerne pas seulement celles d'Android/Java. La Cour suprême épargne également à Google le versement de copieux dédommagements. Au début de leur contentieux, Oracle avait réclamé 9 milliards de dollars, puis une grosse fourchette de 2,6 à 6 milliards.

L'un des juges, Clarence Thomas, s'est toutefois prononcé en contradiction avec ses pairs, estimant qu'il n'y avait pas lieu de faire cette séparation entre les API et le code auquel elles sont associées. Le risque étant que le copyright sur le code ne pâtisse de la relative liberté d'usage accordée maintenant aux API.

Google s'est réjoui de cette issue favorable, la considérant comme une victoire pour les consommateurs, pour l'interopérabilité et le milieu du développement. Oracle de son côté y voit le renforcement d'un monopole que représente à ses yeux Google, qui a « volé Java » et a passé des années à intenter des procès, et d'appeler sa régulation par les autorités américaines.

avatar julien74 | 

Oracle est devenu le roi pour se faire du pognon à coup d’attaque sur ses licenses envers les entreprises.
De partout où je passe j’entends parler de bisbilles entre Oracle et ma boîte au sujet des licenses Oracle sur environnement VMware. Tout ça pour récupérer du pognon en faisant peur à l’entreprise et/ou pour pousser sur sa solution Oracle VM.

Ça ne m’étonne pas que Oracle ait tenté le coup avec Google...

avatar occam | 

« Google n'a copié que ce qui était nécessaire pour permettre à des développeurs de travailler dans un environnement informatique différent sans être obligés de renoncer à une partie d'un langage de programmation qui leur était familier »

Floodgates of Hell, qu’on dit.

En d’autres niouzes, Clarence Thomas ne s’est pas seulement réveillé — on a vu, parfois, rejaillir le feu d’un ancien volcan qu’on croyait trop vieux —, non, Justice Thomas entre en campagne :

https://www.npr.org/2021/04/05/984440891/justice-clarence-thomas-takes-aims-at-tech-and-its-power-to-cut-off-speech?t=1617706200290

avatar YetOneOtherGit | 

@occam

"on a vu, parfois, rejaillir le feu d’un ancien volcan qu’on croyait trop vieux"

Is Alive and Well and Living in Paris ?

avatar occam | 

@YetOneOtherGit

😉

avatar YetOneOtherGit | 

Décision fort intéressante qui donne son vrai statut d’abstraction aux API.

Il est intéressant de voir la finesse de la source de droit que devient cette décision d’un point de vue technique 👍

Et très intéressant pour les modèles émergents de l’API Business au passage 😋

avatar MGA | 

@YetOneOtherGit

Mes compétences ne sont pas suffisantes pour l’argumenter mais j’ai l’impression que cette décision peut avoir des répercussions importantes sur certaines API et leurs usages voir même sur l’existence de certaines API. Si vous avez ces connaissances je suis preneur de quelques lignes de vulgarisation. 🙏

avatar YetOneOtherGit | 

@MGA

Pour essayer de schématiser: une API c’est une abstraction permettant de définir les structures de données que l’on manipule et comment on peut les manipuler.

Elle est “la façade” visible publiquement du code qui va traiter les choses.

Pour continuer à schématiser cela définit comment échanger avec un logiciel qui offre des services: comment lui préparer les données à traiter, comment lui dire ce qu’il doit faire, comment contrôler son travail...

Cette interface est théoriquement totalement indépendante du code sous jacent : on peut respecter les définition d’une API avec des bases de code fort différentes, dans des langages différents...

L’API définit la forme de ce qui doit être traité, les traitement que l’on peut effectuer mais pas la façon opérationnelle dont sont effectué les traitements.

Comme toujours la vulgarisation est un art délicat, j’espère ne pas faire naître trop de fausses idées avec ces schématisations.

Séparer les droits sur la définition de l’API et son implémentation ouvre pas mal d’opportunités.

avatar YetOneOtherGit | 

@MGA

Si tu veux aller plus loin que ma rapide introduction sans doute maladroite je t’ai trouvé ce papier de Red Hat qui me semble pas mal :

https://www.redhat.com/fr/topics/api/what-are-application-programming-interfaces

avatar MGA | 

@YetOneOtherGit

Merci pour le lien et surtout pour les rappels.
« Séparer les droits sur la définition de l’API et son implémentation ouvre pas mal d’opportunités. » c’est effectivement mon impression, mais j’ai du mal à imaginer les répercussions pratiques. En tous cas merci.

avatar YetOneOtherGit | 

@MGA

"mais j’ai du mal à imaginer les répercussions pratiques"

Tu peux proposer une implémentation d’une API respectant la definition de celle-ci sans violer de droits si l’implémention est originale.

avatar valcapri | 

@MGA

Cela veut dire que ce que fait Wine en re implémentant des API DirectX, Win32 et autres API de Microsoft est considéré comme légal.

Idem pour GNUStep en implémentant des APIs de macOS X sous Linux, pour permettre à des programmes fait avec Objective-C de tourner sous Linux.

Tout comme Xamarin lorsqu’ils ont fait tourner C# et autres sous macOS, Linux, iOS et Android en open source. Xamarin a d’ailleurs été racheter par Microsoft.

Maintenant, il faut voir si cela s’étend aux API Web, aussi.

Reste aussi a voir ce que cela aura comme répercussions sur le code source et sa propriété. Mais cela est une histoire encore plus complexe.

Maintenant, on sait que les APIs sont « libres », c’est déjà une bonne chose.

avatar MGA | 

@valcapri

Merci j’avais en tête Wine mais je pensais que les aspects juridiques avaient déjà été tranchés, c’est plutôt une bonne nouvelle que certaines solutions borderline existantes soient sécurisées.

avatar MGA | 

@valcapri

« Reste aussi a voir ce que cela aura comme répercussions sur le code source et sa propriété. Mais cela est une histoire encore plus complexe. » c’est sur ces sujets très complexes qu’il peut en effet y avoir des effets indésirables...

avatar bibi81 | 

Maintenant, on sait que les APIs sont « libres », c’est déjà une bonne chose.

Tu vas peut-être un peu vite, il est dit :

En somme, ces API ont été reprises dans le but de créer quelque chose d'unique et différent et non pas pour reproduire un environnement à l'identique.

Donc "libres", oui, peut-être, mais pour faire quelque chose de différent.

avatar victoireviclaux | 

Oh le jeu de mots, une grosse API du pied 😱

avatar Gilles Derval | 

Google est bien un voleur comme Apple parfois et il utilise bien sa puissance pour obliger les personnes à utiliser Google pour utiliser des météos.... créées par d'autres : Google gagne grace au nouveau pouvoir et aux idées politiques des juges

avatar YetOneOtherGit | 

@Gilles Derval

"Google gagne grace au nouveau pouvoir et aux idées politiques des juges"

Dieu sait que je ne suis pas un thuriféraire de Google, mais ce propos est franchement idiot 🤯

avatar Godverdomme | 

Gilles, le gars qui fait passer sa haine pour une marque avant la logique.
Bienvenue en 2021

avatar YetOneOtherGit | 

@Godverdomme

Essayes donc de trouver un de mes propos qui soit une apologie de Google sur ses bien fait pour la société 🙄

Par contre imaginer que ce jugement absolument logique et rationnel au dépend d’Oracle c’est une dérive terrible dans les affres de la post-verité 🤢

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