Le streaming pousserait à réduire la longueur des morceaux

Florian Innocente |

L'essor du streaming a conduit à raccourcir la durée moyenne des morceaux, expliquent Charlie Harding et Nate Sloan du podcast Switched on Pop. Depuis les années 90, ils ont perdu au minimum 30 secondes et le streaming a encouragé ce phénomène, observent-ils.

Au milieu des années 1990, un titre faisait en moyenne 4 min 30s contre 3 min 42s aujourd'hui. Auparavant l'artiste était payé sur ses ventes physiques de singles et d'albums. Aujourd'hui on raisonne en termes de streams et le paiement ne se déclenche que si l'on a écouté au moins les 30 premières secondes.

Partant de là, il y a tout intérêt à ne pas faire s'éterniser un morceau, si l'on veut que l'utilisateur enchaîne l'écoute de plusieurs titres :

Si vous vous prenez un album comme Scorpion de Drake, qui est véritablement un très long double album s'étendant sur 90 minutes, il a mis une tonne de chansons très courtes, parce qu'il est payé pour chacune que vous écoutez, que vous écoutiez l'album en entier ou non.

Le hip hop en particulier suit cette tendance, Harding et Sloan citent l'exemple de Lil Pump dont les albums sont remplis de titres inférieurs à 3 minutes, voire même 2 minutes.

Le principe de morceaux courts ne date pas de l'arrivée de Spotify et consorts. Dans les années 60 ou 70 les albums regorgeaient de titres concis dans leur durée, faits pour être enchaînés sur les radios. Seulement ce mode de rémunération du streaming n'encourage pas les œuvres longues.

Autre évolution constatée par le duo : la structure des morceaux. Un avant-goût du refrain est utilisé dès le départ, pour capter l'attention et espérer retenir la personne durant les 30 prochaines secondes, lorsque ce refrain donnera toute son ampleur.

Un procédé qu'ils rapprochent de celui employé avec des bandes-annonces de films : juste au début on voit un enchaînement rapide de scènes qui donnent immédiatement le ton, puis la bande-annonce proprement dite prend le relais.

Faut-il craindre des titres de plus en plus courts ? Pas nécessairement, l'artiste a intérêt à ce que ses morceaux soient écoutés dans leur intégralité par le plus grand nombre. Ce sera un signe qu'ils ont capté l'attention des utilisateurs et c'est une opportunité pour figurer peut-être dans les playlists conçues par ces plateformes.

Les playlists étant devenues un mode d'écoute extrêmement populaire, c'est l'occasion de multiplier les streams…

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avatar MKO | 

C’est surtout la qualité qu’il faudrait changer.
Car 3mn ou 2 mn de la merde reste de la merde

avatar iBaby | 

C’est comme le formatage radio.

Je n’écoute que des artistes musicaux, qu’ils s’expriment et 2 mn ou en 10 mn ou plus, pas des commerciaux du son.

avatar Max1000du35 | 

@iBaby

Sauf qu’à la radio, c’est souvent la pub qui est coupée par la musique
Et bien souvent, on n’a pas le temps de sortir Shazam pour en connaître le titre

avatar raoolito | 

on oublie que « par le passé » c’était meme les largeurs des disques qui définissaient la durée des morceaux, et si on remonte plus loin encore, les chansons des années entre deux guerre etaient bien plus courtes que maintenant…
bref, la musique suit son époque et les technologies, de tout temps ca a ete cela.

@MKO c’est sur que « tirlipompom sur le chiwawa » c’était d’une profondeur complètement autre…   :)

avatar occam | 

@raoolito

"si on remonte plus loin encore, les chansons des années entre deux guerre etaient bien plus courtes que maintenant…"

C’est ce que l’on croit, mais cela ne correspond pas nécessairement aux faits.

D’abord, les disques à écriture latérale 78 tours de 30 cm pouvaient aisément atteindre une durée de 5min par face. Les 3 min 15 s communément évoqués sont dûs aux 10 inch / 25 cm plus économiques.

Mais pour les chansons, justement, nous disposons du catalogue des Edison Diamond Disc Records, 80 tours de 25 cm à écriture verticale, commercialisés de 1912 à 1929. Leur durée minimum standard était de 4 min 30 s par face. Beaucoup vont jusqu’à 5min.
Comme Edison était grand amateur de chansons, et qu’il pesait sur les choix de son catalogue, nous avons là un gros échantillon de chansons de l’époque.

En 1926, Edison commercialisa même ses premiers Diamond Discs 30 cm à micro-sillon, d’une durée de 40 min. L’usure prématurée du matériau à cette densité, qui n’était pas un problème sur les Diamond Discs standard, ainsi que la crise de 1929, mirent cette expérience entre parenthèses.

avatar Lonsparks23 | 

C'est pas pour dire mais l'album date de 2002 quand même. Ça nous vieillit sans doute mais ça fait quand même 17 ans, ce qui est une éternité en média audiovisuel. ? Je pense que quand on parle de "récent", on parle de post-streaming :p

avatar Crkm | 

Vu que Drake c’est de la bonne grosse bouse de vache, cela ne m’étonne pas. Ce type est le symbole même du déclin de la créativité musicale.

avatar alan1bangkok | 

@Crkm

le problème n’est pas Drake
que t’aimes ou pas on s’en tape

avatar Crkm | 

Vu que c’est un chanteur (malheureusement) très populaire au niveau mondial, ce qu’il fait a de fortes chances d’être suivi ?

avatar fabricepsb71 | 

@Crkm

1 milliard de mouches à merde finissent quand même par se tromper.
Les humains encore plus.

avatar Gueven | 

La musique prog est éternelle !!! Elle résistera au streaming qui impose des formats courts et standardisés.

avatar ys320 | 

@Gueven

Yes et un bon Genesis de 25 minutes ou un Transtlantic l’Epic c’est la gloire du concept album ! Recommandation perso pour ceux qui veulent entendre du Prog http://www.morow.com et découvrir des trucs !

avatar occam | 

« Dans les années 60 ou 70 les albums regorgeaient de titres concis dans leur durée »

Ce n’est pas tout à fait vrai.
La durée moyenne des morceaux a augmenté constamment de la fin des années 50 jusqu’au milieu des années 90, de 150 à 250 secondes en moyenne :
https://www.vox.com/2014/8/18/6003271/why-are-songs-3-minutes-long

Le système de rémunération du streaming pénaliserait lourdement mon compositeur moderne préféré, Anton Webern, dont l’oeuvre la plus connue, l’Op. 11 no. 2 pour violoncelle et piano, ne fait que 29 s.

Sur mon album favori de Scott Walker, Tilt, tous les morceaux de la face A font plus de 6 min.
Et dans mon Top Ten personnel, The Iron Man de Tom Paxton avec ses 15:02 n’est même pas le plus long.

Alors, si on s’interrogeait sur l’effet du streaming — tel qu’il est pratiqué et tarifé — sur la musique ?

avatar macinoe | 

Toute la production musicale de l'ère du vinyle a été formatée par les contraintes physiques de ces supports.

5 minutes 30 maximum par face pour un 45 tours
20 minutes maxi par face pour un maxi 45
Et 30 minutes maxi par face pour le 33 tours.

Il est plus que temps de se libérer de ces contraintes qui n'ont plus aucune raison d'être.

avatar abalem | 

@macinoe

Oui ben je crois que c’est fait là pour le coup, non ? ?

avatar coloribus | 

Unknown Mortal Orchestra vient de sortir un titre de 19min (SB-06) ; c’est devenu très rare ce genre de durée selon moi

avatar dvsn | 

Quelqu’un connaît Tierra Whack ? Son dernier album Whack World fait en tout et pour tout 14mins, 14 titres de 1min chacun.

Réflexion faite après cet article, on en comprend les raisons, du moins une partie outre le côté artistique!

avatar lebois974 | 

@dvsn

Je viens d’écouter. On dirait qu’elle cherche à vendre sa musique pour les tv-shows ou pour de la publicité commerciale. Apple/Coca...etc sont friands de musique simple.

avatar Rodolphe69 | 

Bientôt les quelques secondes d’écoute gratuite d’iTunes seront suffisantes pour écouter le titre complet ?

avatar esclandre77 | 

Je vais réécouter tous les bob marley à base de titres de 2m40

avatar debione | 

Cette étude rencontre complètement une autre que j’avais vu passée et qui décrivait la différence de temps des intros... Actuellement il n’y en a plus ou quasi plus, le chant commence bien plus tôt, Adèle avec «  Hello » avait été cité comme contre exemple parfait... En cause principale la possibilité de switcher très vite de musique quand on utilise des média numérique...
C’est visible comme le nez au milieu de la figure pour soi même... Si je mets un vinyl ou un CD, je prends un certain temps à la préparation de l’ecoute Musicale, allumer ma stéréo, sortir l’objet, le positionner etc... je me mets en condition d’ecoute, de fait je ne vais pas après 10 secondes aller lever la cellule pour la changer de place , je laisse filer.

Ce qui me chagrine ici, mais c’est personnel, c’est que l’on pousse les artistes, non plus ( peut être n’est ce jamais été le cas) a exprimer quelque chose qui leur est propre, à catharsiser certaine chose ( qui un peu une des bases de l’art) au profit seul... du profit. Complètement engluer non pas dans ce que j’ai envie d’exprimer, de dire et de la façon de le faire , mais dans ce que je pense que les autres attendent de moi.

avatar rua negundo | 

@debione

Pour la diffusion à la radio, on disait traditionnellement avant l’essor du streaming que le refrain devait commencer avant la 50ème seconde du morceau pour éviter que les auditeurs ne s’impatientent et zappent. Le streaming renforce cette pression de frapper fort le plus tôt possible dans le morceau.

Dans certains genres, il est courant d’avoir plusieurs versions d’un même morceau : une version single ou radio edit de 3 minutes et une version album de 4 ou 5 minutes, parfois une version club entended pour DJ de plus de 6 minutes.

avatar cyrcle | 

Du coup, la rémunération des morceaux écoutés en streaming pourrait changer. Elle pourrait devenir proportionnelle à leur durée.

avatar rua negundo | 

@cyrcle

C’est une idée intéressante. Aujourd’hui, écouter 2 morceaux de 3 minutes chacun rapporte 2 fois plus que d’écouter un morceau de 6 minutes.

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