[Accès libre] En route #1 : le travail de fourmi des éditeurs de Waze

Florian Innocente |
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Pour cette nouvelle série en trois articles, nous allons parler de cartes géographiques et de ceux qui les font. D'abord un coup de projecteur sur la manière dont la carte de Waze vous renseigne chaque jour sur l'état de la circulation et les trajets à éviter.

En route !
  1. Le travail de fourmi des éditeurs de Waze
  2. Quand Waze et les villes roulent ensemble
  3. Et si vous conduisiez une voiture Apple Maps

Quiconque utilise Waze a certainement déjà ressenti un brin de satisfaction lorsque l'app affiche le remerciement pour avoir aidé d'autres conducteurs par des signalements d'événements sur la route.

Au travers de ces attentions désintéressées, mais utiles à une foule d'inconnus lancés dans la même direction, on prend la mesure de la fameuse dimension communautaire du service. Ces gestes n'en sont pourtant que la surface, la démonstration la plus sommaire, car cette notion de communauté plonge jusque dans les racines du service et de son fonctionnement au quotidien.

À toute heure du jour, des éditeurs, comme ils sont nommés, modifient la carte de Waze, signalent des routes bloquées, rapportent des accidents, indiquent des déviations, renomment des rues, améliorent le tracé des voies à l'écran, etc. Un travail de fourmi qui fait de la carte de Waze un terrain en mouvement perpétuel et en constante amélioration. Un chantier sans fin, silencieux et conduit par des équipes organisées mais bénévoles, qui n'ont aucun lien contractuel avec Waze ou son propriétaire Google.

C'est le secret le moins bien gardé de Waze, mais pas forcément connu de tous ceux qui lancent cette app avant de démarrer leur voiture : cette carte et ce service de guidage fonctionnent grâce au sens du partage des conducteurs mais aussi, et surtout, par les efforts déployés en coulisses par ces éditeurs, dont quelques-uns nous ont raconté leur engouement pour ce travail sans salaire.

Un service très francophile

Né en Israël en 2006 et acheté par Google en 2013 pour 1,15 milliard de dollars, Waze compte plus 130 millions d'utilisateurs actifs par mois dans le monde. La France, avec 14 à 15 millions d'entre eux, est son troisième marché. Un podium sur lequel trônent les États-Unis, suivis par le Brésil (Sāo Paulo est la première ville au monde pour Waze grâce à ses embouteillages, les Paulistes y passeraient l'équivalent d'un mois par an, pare-chocs contre pare-chocs).

Sur la raison de cette popularité en France « il n'y a pas d'explication officielle », déclare Christophe, alias DrSlump34, l'un des éditeurs de la carte de Waze, de ceux aussi qui ont le grade le plus élevé (niveau 6), ce qui lui confère le droit de modifier n'importe quel élément sur la carte, partout dans le pays (il s'implique dans les partenariats entre Waze et des tiers et il contribue aux cartes du Maroc et du Laos). Il avance néanmoins quelques pistes pour éclairer cet engouement hexagonal :

Un service cartographique historique (IGN), extrêmement détaillé, qui a donné une cartographie de base à Waze déjà très riche, et donc rapidement utilisable pour les Wazers à l'arrivée de l'application sur les stores. Un pays de 60 millions d'habitants, plutôt bien répartis sur le territoire, ce qui a induit un nombre intéressant d'éditeurs potentiels sur l'ensemble du pays. Un pays également très râleur culturellement, avec un profil d'insatisfait permanent, mais également très soumis à une législation compliquée et unique sur certains points. De quoi générer un attachement fort à l'envie de vouloir toujours plus : gagner du temps, trouver des failles (raccourcis sur les routes) et éviter les radars (une obsession !).

À tout cela, il faut peut-être ajouter un service comme Coyote, efficace mais payant. Dès lors Waze, le « GPS social », pouvait espérer un public tout acquis à sa cause à son arrivée en France en 2010 (Waze n'avait alors que 500 000 utilisateurs dans le monde). Mais encore fallait-il proposer une carte précise de l'Hexagone pour que cela fonctionne auprès des conducteurs. Pour la France, Waze a utilisé un fond de carte de l'IGN puis a amélioré sa base de routes pour l'Europe et les États-Unis avec les informations fournies par l'américain Intermap.

Sur le premier fond de carte fourni par l'IGN, toutes les voies de circulation étaient présentes, mais sans être catégorisées, se souvient Lionel, alias no1ne (éditeur de niveau 6 aussi) : « La carte IGN, tu enlèves toutes ses infos, il ne reste plus que des segments qui sont de même niveau pour un sentier, un chemin ou une autoroute. » Un outil en ligne (que l'on peut tester en mode entrainement) permet ensuite de refaire une carte complète, exploitable pour la navigation. Les éditeurs tracent les voies et les caractérisent au moyen d'un foule de critères :

À une époque, quand on était le premier à rouler sur un segment, la voiture passait en mode "Pac-Man". Ce faisant on confirmait l’existence du segment de la basemap de l’IGN. Aujourd’hui, un segment qui n’a pas été encore validé va apparaître en blanc avec de petits points bleus dessus, comme un chemin dans Pac-Man.

Le mode "Pac-Man" des débuts. Image : Kablages

Ce mode de création d'une route pour la carte depuis l'app, tout en conduisant sa voiture, existe encore dans Waze. Il est symbolisé par un bulldozer, accessible dans la partie de l'app où l'on signale un problème de carte. Toutefois la France est aujourd'hui bien détaillée et les zones blanches sont rares voire inexistantes. Ce qui ne veut pas dire que le travail est terminé, loin s'en faut. La carte est vivante, avec des mouvements dictés par les événements de l'actualité, les catastrophes naturelles et l'aménagement du territoire.

Sans relâche et avec une disponibilité presque permanente, il faut continuer d'améliorer la carte de Waze, à la main, artisanalement pourrait-on dire. Un travail qui n'est pas du ressort du siège de Waze à Tel-Aviv et encore moins de son bureau français, chargé d'un rôle commercial.

La communauté de la carte

Ces améliorations sont apportées par une armée d'éditeurs. Sauf à de rares exceptions, elles sont de leur seule responsabilité. En 2019 il y avait environ 800 éditeurs actifs (ayant réalisé au moins une intervention sur la carte) et il y en aurait une bonne cinquantaine de vraiment impliqués. Une équipe qui est régie par une hiérarchie organisée en six rangs et que toute personne motivée peut un jour rejoindre. Une chose qui serait inimaginable pour l'application Plans d'Apple où le mode de fonctionnement est complètement opaque (lire : Apple Plans : le dessous des cartes).

Il faut bien garder à l'esprit que cette implication dans l'amélioration de Waze coûte du temps et ne rapporte que la satisfaction d'aider, dans l'ombre, les utilisateurs de l'app. Devenir éditeur de la carte n'est pas un plan de carrière.

« Pour débuter comme éditeur, il faut beaucoup rouler sur une zone et plus tu as de points, plus ta zone où tu peux éditer autour de ton itinéraire est large », explique no1ne, qui précise les paliers que l'on peut franchir au fil de son engagement : « Au début, par exemple, on pourra éditer jusqu’à 100 m de part et d’autre de sa route, puis ça augmentera. Ensuite on peut demander la responsabilité d’une zone. Ce sera un carré ou un polygone qui est découpé et qui t'es affecté. Et tant que tu édites, cette zone est renouvelée 3 mois, sachant que plusieurs "area manager" peuvent être sur cette zone. »

Source : Wazeopedia

Une zone géométrique pour un « area manager », un département pour un « state manager », une région pour un « region manager » puis le pays entier pour un « country manager »… Chaque niveau ouvre à des droits d'édition plus vastes et à la supervision du groupe en dessous. Au sommet, ensuite, « il y a des "local champs" qui ont une responsabilité organisationnelle sur le pays et les "global champs" qui font le lien entre les "local champs" et l'équipe de Waze à Tel-Aviv ». Ces hauts gradés peuvent également animer les programmes de mentorat conçus pour former les éditeurs encore peu expérimentés.

Dans ce groupe français, des sous-groupes s'occupent de tâches plus ciblées. « On a une équipe de gros bras qui est spécialisée dans les fermetures de route, la "french team closures" dans le jargon », détaille DrSlump34 :

Côté utilisateur, le signalement de la fermeture sera affiché immédiatement dans la carte. Cela fait 3 ou 4 ans que l’on peut fermer ainsi les routes en temps réel. Auparavant ça pouvait prendre un jour ou deux pour les fermetures qui n'avaient pas été programmées.

Par exemple, sur l’autoroute A9, il y a 3 jours, on a eu un véhicule qui a circulé à contresens sur 30 km, l’autoroute a été fermée le temps de l’intervention des forces de l’ordre. On a été informés en même temps et on a aussitôt bouclé l’autoroute sur la carte. Sitôt l'événement terminé, on a rouvert. Les gens qui ont le droit de fermer des routes sont des anciens dans l’équipe.

L'éditeur de carte de Waze avec tous les outils pour créer, définir et modifier un segment de circulation

Une carte en mouvement permanent

Titan-ium (rang 5), est l'un de ces responsables très actifs, membre d'un groupe de sept personnes ayant autorité pour fermer des axes de circulation petits ou grands :

On fermera des routes suite à des intempéries, des accidents, des événements marathon, Tour de France, rallye, travaux, attentat, gros incendies (comme celui de Lubrisol fin 2019 à Rouen) ou comme le Grand Prix de France où certains éditeurs étaient directement présents sur le circuit du Castellet pour réaliser des fermetures au cas par cas. Dans mon secteur, je suis moi-même en contact avec les pompiers, la gendarmerie, les communautés de communes et la préfecture.

De fait, dans le forum sur Discord où les éditeurs les plus actifs se retrouvent, se trouve un salon baptisé « Demandes Urgentes ». Il s'y s'échange continuellement des consignes de fermeture partout en France. « Il y a généralement toujours un éditeur de niveau 5 au moins qui regarde ce salon et traite les fermetures. Une action qui est ensuite surveillée pour réouvrir la route dès que possible » précise Michaël, alias InstantT (rang 4).

Un jour c'est une reconstitution judiciaire qui bloque temporairement un accès, un autre c'est une impressionnante collision entre voiture et poids lourds sur l'autoroute. Le 11 mai, c'est une longue liste de routes barrées en Gironde après des inondations qui est proposée. Plusieurs éditeurs se sont alors partagés le travail de modifier immédiatement la carte. Les éditeurs s'échangent des photos des événements, relaient des infos depuis les réseaux sociaux… Toutes sortes d'informations permettant d'affiner l'intervention sur la carte et d'en définir la durée.

Au-delà des urgences et situations exceptionnelles, un grand nombre de petites modifications sont apportées aux informations déjà dans la carte. Elles se fondent sur les observations faites par les éditeurs eux-mêmes lorsqu'ils circulent ; sur les signalements des conducteurs ; sur une veille permanente de l'actualité avec des filtres dans Google, des publications administratives, des articles de presse ou des réseaux sociaux ; et par le biais de partenariats avec des entités publiques ou privées.

Le tracé lui-même des voies est sujet à de fines retouches, explique DrSlump34, de façon à améliorer in fine les consignes vocales de l'assistant-e :

Certains aiment bien revoir les angles des voies pour les instructions données par Vanessa [l'une des synthèses vocales de Waze, ndr]. Elle génère ces consignes en fonction des angles qui existent entre deux segments et du nombre des voies. Sur une autoroute, si on a un angle de 13° vers la droite avec le mot « Sortie », elle va générer l’instruction, à X mètres en amont, de sortir sur telle voie. Mais en ville on se retrouve parfois avec une instruction « Sortez » alors qu’il faudrait plutôt une consigne « Serrez vers la droite ».

Sur certains axes autoroutiers, ils changent aussi les panneaux de sortie. Le choix des villes desservies par la sortie évolue et on doit le mettre à jour. C’est ce genre de peaufinage qu’on fait aussi.

À ces améliorations éparses répondent des actions groupées et localisées géographiquement, ce que les éditeurs appellent les « map raids ». Une équipe va s'occuper d'un département en particulier pour l'améliorer tous azimuts sur la carte. Une opération à plusieurs avec comme émulation parfois l'envie d'en faire plus que ses coéquipiers, explique Lubin, alias Lulucmy (rang 3) :

En ce moment nous sommes dans la Loire-Atlantique, et pendant un mois il y a 33 éditeurs qui ont les droits d'édition sur cette zone et qui seront en compétition. On passe dans chaque ville pour ajouter des rues, des nouveaux lieux et les limites de vitesse, par exemple.

Ce sont les éditeurs qui choisissent un département à traiter et l'un d'entre eux s'occupe de gérer cette équipée dont la progression est consignée :

On remplit un "tableau d’avancement", c’est un Google Sheets sur lequel toutes les villes, villages et hameaux sont répertoriés et où différents critères sont à valider : nommage des routes ; ajout de POI (mairies, cimetières, églises…) ; ajout de limites de vitesse ; d'emplacements de parking, etc.

Tableau de bord, pour le département 44, avec tous les types de voies pour lesquelles les indications de limite de vitesse existent ou pas.

Personne n’est obligé de remplir ce tableau et les éditeurs peuvent aller de lieu en lieu et corriger ce qu'ils veulent. « Mais ça évite de se marcher sur les pieds », ajoute InstantT, et si certains se sentent pousser des ailes, ils peuvent aller au-delà de la liste minimum des POI et ajouter à la base les « gares, les arrêts de bus, de métro ou de tram ».

Signalements et modification de la carte

InstantT, comme d'autres éditeurs, fait de l'observation de ses environs une activité quasi quotidienne. Depuis peu, il est « State Manager » pour les Hautes-Alpes, ce qui lui ouvre des droits d'édition sur tout ce département : « J'y suis né et j'y habite et j'ai envie que les routes y soient correctement présentées. Chaque mois je fais entre 3 et 5 000 km, j'ai donc tout intérêt à ce que les routes soient bonnes pour mes déplacements et ceux des autres ».

À la manière d'un utilisateur lambda de Waze, il note les écarts entre ce que dit la carte et ce qu'affiche l'app : « Je fais un signalement avec l'application et je m'envoie — en main-libre — un SMS pour me rappeler les détails, et j'ai aussi une dashcam avec laquelle j'enregistre ma route ».

Entre les détours faits pour déposer des auto-stoppeurs et ceux pour s'enquérir de l'avancée de travaux, il vérifie ainsi le périmètre proche de son village :

En ce moment c'est très calme, cela permet de me concentrer sur les villes et villages qui n'ont pas forcément les noms de rues ou les bâtiments administratifs correctement renseignés, de manière à ce que les automobilistes ou même les livreurs puissent être dirigés au mieux vers leur destination.

En parallèle à cela, InstantT réalise un travail de veille comme ses pairs, en suivant les informations distillées par le conseil général, les publications Facebook des gendarmeries, des pompiers, des municipalités ou les sites d'Inforoute. Et puis il y a tous les signalements envoyés par les autres conducteurs.

C'est ce que l'on pratique lorsqu'on est simple utilisateur de Waze : ces remarques envoyés au fil des choses et événements constatés sur la route. Ces messages sont reçus dans l'interface d'administration des éditeurs, raconte no1ne, où des scripts permettent parfois d’automatiser en partie la supervision de la carte :

Je suis conducteur et je vais signaler un événement qui s’inscrit dans la durée. Ça part de l’app mais l’alerte n’est pas transmise tout de suite. Le trajet doit être d'abord passé à la moulinette. Une fois que tu es arrivé, tu quittes l’application, elle va transmettre les données à Waze qui va les traiter. S’il y a un signalement, il apparaîtra dans les demandes de mise à jour.

Le conducteur a aussi la possibilité de l'accompagner d'un message — d’indiquer par exemple qu’il y a une fermeture de route pour travaux de telle date à telle date. Si on est dans les parages, on peut le vérifier et programmer une fermeture de route sur la carte qui sera représentée par un segment rouge et blanc

Réception d'une demande de mise à jour d'un POI pour signaler un nouveau lieu
Signalement d’une erreur de carte. Ici le signaleur était peu disert, dans ce cas l’échange avec l'éditeur peut continuer via la messagerie de l’app ou via l’éditeur de carte

Est-ce qu'un éditeur peut remonter la route suivie par un conducteur ayant signalé quelque chose ? Non, tempère no1ne, et tout dépend d'où on se trouve dans son trajet :

Tout comme sur la carte les icônes des Wazers apparaissent et disparaissent pour éviter que tu cherches à suivre quelqu’un, il faut éviter aussi, côté administrateur, qu’on puisse remonter tous les signalements d’une personne et retrouver son domicile.

Mettons que tu fasses une demande de mise à jour, par exemple une erreur de guidage dans un rond-point. Si le conducteur est à plus de 500 m de son point de destination, je vais avoir, attaché au signalement, le trajet que Waze t’a proposé sur 200, 300 ou 400 m. Mais si tu es à moins de 500 m de ton point de départ ou de ta destination, je n’aurai rien : ni ta position exacte, ni qui tu es, c'est complètement anonyme.

Qui dit interventions manuelles, implique des risques d'erreur humaine, soit par accident, soit de manière volontaire. Des cas assez exceptionnels, rassure no1ne, et aux conséquences limitées : « Si un éditeur fait quelque chose de travers, par accident ou par malveillance, les gens qui roulent dans le coin le signalent et c’est corrigé assez rapidement. Quelqu’un qui agirait de manière erronée ou malveillante abîmera la carte pendant une semaine, grand maximum ». Et plus le segment erroné est fréquenté, plus grandes seront les chances de le voir signalé et vite corrigé.

En fonction de la nature du signalement, le message ne sera toutefois pas redirigé vers ces équipes d'éditeurs, complète DrSlump34, qui prend l'exemple d'un événement temporaire sur une autoroute : « Ça ne sert à rien de signaler un véhicule à contresens, il faut plutôt prévenir au plus vite les forces de l’ordre. Les signalements effectués depuis l’application, comme les dangers, la pluie, les embouteillages ou la police ne sont là que pour informer les conducteurs derrière vous (exception faite des erreurs de carte). Ces alertes ne remontent pas vers la communauté des éditeurs. »

Il explique ensuite, dans les grandes lignes, comment vont perdurer ou disparaître ces événements, temporaires par nature. Chaque incident rapporté par un utilisateur possède une durée de vie définie par la combinaison de quelques critères :

Il y a le "score". Le système va considérer par exemple que la présence des forces de l’ordre vaut 10 points, alors qu'un véhicule rangé sur le bas-côté vaut 6 points. Il ajoute ensuite une autre donnée : la durée de vie initiale de l’événement. Pour la police, le système va considérer que cet événement a une durée de vie initiale de 1 h, tandis que celle du véhicule à l'arrêt sera de 15 minutes.

Puis il y a la donnée du renouvellement plausible ou pas du signalement. Pour la police, si dans les 25 % de temps restant de la durée de vie initiale l’événement est confirmé par un autre conducteur, il sera prolongé d’une quantité « T » de temps supplémentaire. À l'inverse, s'il est infirmé, l'événement sera supprimé. Mais pour cette suppression, il faudra que le cumul du niveau des utilisateurs l’ayant infirmé atteigne le score initial de l’événement. La police valant 10, il faudra que 10 utilisateurs de niveau 1 l'aient infirmé ou seulement deux utilisateurs ayant ou dépassant un niveau 5, comme moi.

Les motivations des éditeurs

Pour quelle(s) raison(s) chacun de ces éditeurs a-t-il franchi le pas et choisi de ne plus se contenter de signalements derrière son volant et de s'impliquer dans la vie de la carte ? C'est un mélange de convenance personnelle — « on n'est jamais mieux servi que par soi-même » pour améliorer sa zone géographique de résidence — et d'envie de participer à l'amélioration d'une ressource, certes privée puisqu'appartenant à Google, mais gratuite et utile à tous.

Pour Titan-ium c'est une mauvaise expérience avec un assistant concurrent qui l'a amené vers Waze au printemps 2017 : « Je me suis retrouvé un jour à plus de 50 km du lieu de mon itinéraire souhaité, j'ai donc signalé mon problème de guidage. Même un mois plus tard je me suis rendu compte que ce même GPS me guidait toujours au mauvais endroit. Rien n'avait été fait ! »

Peu à peu, guidé par le programme de mentorat avec un éditeur plus gradé que lui, il a gravi les échelons jusqu'au niveau 5 et a rejoint le groupe autorisé à fermer des routes. Il intervient désormais sur les régions Bas-Rhin et Vosges et donne un coup de main en Algérie avec l'équipe qui aide à la création de la carte Waze pour ce pays.

C'est en 2011 que Lulucmy a commencé à utiliser Waze, à une époque où tout n'était pas encore d'équerre : « La carte était très imparfaite, certaines routes n'existaient pas, d'autres n'étaient pas nommées et c'était plutôt complexe à utiliser au quotidien ».

Deux ans plus tard, il a commencé à éditer les lieux autour de chez lui, comme ajouter des noms de rues ou en corriger. Une occupation de chaque jour, avec la responsabilité de zones dans la Sarthe et près de Valenciennes : « Je me connecte tous les soirs en semaine, je suis étudiant donc quelques fois je n'y passe qu'une demi-heure ou une heure si j'ai du travail et le week-end je peux y passer beaucoup plus de temps ».

Une sorte d'addiction, encouragée par le mécanisme de progression que l'on peut comparer à celui d'un jeu : « Le système de niveaux et de points nous motive tous je pense, car à chaque niveau on débloque de nouvelles fonctionnalités et de nouvelles zones ».

Un an plus tôt, en 2010, no1ne se lance sur Waze alors que tout est à faire sur la carte. Cet habitant de Lorient, qui travaille dans la fabrication de voiles, s'était équipé de la première génération d'iPad, dans sa version cellulaire, qu'il utilisait comme GPS à grand écran pour ses trajets en voiture : « Je n’avais pas envie d’acheter un GPS ou une app type Navigon, qui devait coûter 150 ou 200 € à l’époque, et fonctionnant sur un écran de 3" ». Plans d'Apple n'existait pas et Google n'était pas forcément bien vu, donc Waze :

Je voulais une carte évolutive sans avoir à repayer systématiquement. Au tout début, l’application permettait de donner des noms de rues et d’emplacements au fil de la conduite, ce n’était pas très prudent, mais je l’ai fait entre Lorient et Rennes, avec des copier-coller entre chaque tronçon. Au départ on est simple utilisateur, puis lorsqu’on a un peu de temps, on se dit qu’on va améliorer la chose et on devient un éditeur de carte.

L'expérience de DrSlump34 est une synthèse des motivations de ces éditeurs : « Voir que les modifications signalées 48 h plus tôt étaient déjà là avait quelque chose de génial et d’innovant. On ne risquait pas de voir ça chez TomTom. Waze a un bon outil et un excellent système de progression pour les éditeurs : plus on en fait, plus on a le droit d’en faire. L’arc de jeu s’agrandit ».

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avatar zeveto | 

Excellent premier article ! Merci !

avatar povpom | 

Merci. J’en ai appris des choses.

Aussi j’ai apprécié la capture d’écran avec le cabinet médical “ka bobo” et la “boutique de pêche” contiguë.

Merci aux passionnés éditeurs.

avatar Cactaceae | 

Incroyable travail de communauté 🙌🏻

avatar MacGruber | 

Une intégration de Coyote serait géniale

avatar fousfous | 

Google et le travail gratuit, une longue histoire...

avatar raoolito | 

@fousfous

mmhmm l'open source c'est aussi pas mal dna sle genre. On ne parle meme pas des associations, des comités de fetes, des parents d'élèves etc.. A chaque fois les commerces ou la ville/le village en profite et finalement ne donnent rien en retour.
et que dire des podcasteurs qui font cela gratos ou des nerds sur MMORPG 18h par jour?
finalement Waze utilise ce fameux temps de cerveau disponible et quitte à choisir entre la TV et cela, il y a un avantage à ce travail là.
Après, oui je suis d'accord...

avatar Leborde | 

Bah en l'occurence, c'est plus pour prendre possession de son outil et être servie par soi-même.

Je suis éditeur aux Emirats, je te fais le topo: Apple Plans n'est même pas capable de créer une route; le "service n'est pas disponible". Digression: imagine celui qui avait une caisse toute neuve avec Apple Car Play mais qui ne pouvait utiliser Waze car ça "n'était pas compatible".
Il y a encore 2 ans, quand tu demandais Burj Khalifa le service ne trouvait rien.
Google Maps? Toujours à la traîne et les infos trafic jamais pertinentes ou avec trop de latence, surtout pour les évènements saisonnier qui changent complètement la nature du traffic, comme par exemple le Ramadan.
Les GPS des bagnoles? Pas sortis qu'ils ont déjà 1 an de retard.
Car il se trouve qu'aux EAU, on construit des routes et des ouvrages dans tous les sens tout le temps.

Donc, j'en avais marre de perdre 25 minutes et 2 échangeurs sur chaque trajet, donc j'ai découvert Waze et me suis mis dévelopeur. Et vu la vitesse à laquelle changent les routes dans ce pays, il n'y a que Waze qui marche, avec des MàJ presque quotidiennes de nos motif'.

Entre temps, j'ai déménagé pour habiter dans un coin désertique des EAU au nord, et franchement, sans un travail d'édition locale, Plans en a pour 5 ans et sera toujours en retard de plusieurs années, et Google Maps peut dire merci aux éditeurs de Waze, parce que franchement, d'un point de vue cartes, c'est VRAIMENT le désert.

Au final, j'ai carrément l'impression d'éditer Waze pour moi (je suis le seul éditeur du coin) et j'en suis très content.

avatar Lightman | 

@Leborde

Merci d'avoir partagé ton expérience. 😀

avatar RonDex | 

@Leborde

Je suis d’accord, sauf sur un point. Je pense que Google devrais rémunérer les éditeurs actifs des cartes. car ils se font de l’argent sur le dos de bénévoles. Je ne trouve ça pas vraiment correct. Ils rémunèrent, (très) très bien, les développeurs qui trouvent des failles dans leurs systèmes…
Sans cette communauté, Waze ne serait pas aussi populaire et les cartes aussi précise.
J’avais déjà contacté Waze une fois. J’étais en contact par mail avec un éditeur de cartes. C’était juste pour un rond-point. Et au final, il m’a demandé des informations beaucoup plus complémentaire sur le lieu en question : chemin, piste cyclable, etc.
De ce point de vue, le plan c’est le désastre . Il y avait des erreurs dans mes rues. J’ai envoyé au moins une vingtaine de fois des photos et des informations précises. Je n’ai jamais eu de retour. Cependant, ça a été corrigé avec les nouvelles cartes. Mais ce n’est pas à partir de mes informations, C’est à partir des voitures d’Apple.

avatar PierreBondurant | 

Excellente idée d’article, ça me rappelle la sympathique emission de télé « le dessous des cartes »
https://www.youtube.com/c/LeDessousdesCartesARTE

avatar Paul Position | 

Moi, à par le nom carte, je n'y vois aucun rapport.
L'un parle de géopolitique au sens large du terme, et l'autre de cartographie.

avatar memy | 

Article excellent. J’ai hâte de connaître la suite, notamment l’article, s’il existe, sur Plan

avatar Stéphane Moussie | 
@memy : Sur Plans, on avait fait ça il y a un petit moment : https://www.igen.fr/ios/2017/06/apple-plans-le-dessous-des-cartes-100029
avatar docdav | 

Même pas un petit dédommagement, ils ont bon dos les passionnés...

avatar Cactaceae | 

@docdav

C’est le concept même du bénévolat. Les bénévoles des associations caritatives comme les resto du cœur etc méritent une compensation bien plus que les bénévoles de waze, mais non, faux débat.

avatar Oliviou | 

@Cactaceae

Le classement des bénévoles en fonction de qui « mérite » une compensation, c’est bizarre. Les bénévoles dans tous les domaines, considèrent que leur compensation n’est pas monétaire, mais plus de l’ordre de la gratification personnelle et du sentiment de faire partie d’un groupe qui œuvre pour le bien commun.
En revanche, la question de savoir qui emploie des bénévoles est pertinente. Comment une des plus grosses entreprises privées de la planète, assise sur des dizaines de milliards de dollars, ose-t-elle faire appel à des bénévoles ???
Les restos du cœur n’ont pas le choix. Google pourrait payer les éditeurs de Waze 2000 balles par mois + charges sans que ça égratigne son résultat annuel.

avatar max351 | 

@Oliviou

+1

avatar MKO | 

@Oliviou

Pourquoi Google payerait il les éditeurs alors que sans les payer cela marche ?
Par contre c’est sur attention au retour de bâtons potentiels le jour ou les éditeurs fuiront...(si cela arrive)

avatar docdav | 

@Cactaceae

Google qui a des milliard à ne plus savoir qu’en faire et qui se base sur des bénévoles pour un produit qui leur rapporte (publicités), ce n’est pas comparable aux restos du cœur etc...

avatar bbibas | 

@docdav

Entièrement d’accord !

Je trouve ça lamentable de la part de Google ! Même pas capable de les rémunérer ! C’est comme donner son avis sur des sites ...c’est du salariat bénévole....les équipes internes ne peuvent-ils pas analyser les problèmes pour les améliorer ?

avatar pagaupa | 

@bbibas

Et les bêta testeurs? T’en penses quoi?

avatar bbibas | 

@pagaupa

La même chose...tout travail mérite salaire...

avatar pagaupa | 

@bbibas

Sauf que personne n’est forcé à faire du bénévolat...

avatar bbibas | 

@pagaupa

Et encore pire, c’est le salariat déguisé comme les Uber, Delivroo etc ...

avatar pagaupa | 

@bbibas

« le salariat déguisé comme les Uber, Delivroo etc ... »
Non ça c’est l’esclavage du monde moderne des startups que le monde entier encense !

avatar Insomnia | 

@docdav

Généralement ils ont une ristourne sur les achats dans la boutique de Google, étant local guide j’obtiens une réduction sympa sur leur boutique.

avatar RonDex | 

Quand je pense que chez moi la rivière (importante) est toujours totalement mal dessinée.
Initialement, le dessin de la rivière était totalement fantaisistes. Le nom des rues, les croisements, le sens de circulation… À plus de 10 reprises. Ensuite j’ai laissé tomber.

J’ai pris des photos et expliquer précisément les problèmes, Alors même que les cartes satellite était totalement à jour.

Ils ont rectifié de trois trucs, ensuite j’ai encore rectifié mais de façon érroné !

Et ce n’est toujours pas un jour. À certains endroits je marche et je roule sur l’eau… Des routes qui se termine par un escalier… Ça ne pose pas de problème à Apple de circuler avec une voiture !

Dommage qu’Apple ne se repose pas sur la communauté. Sans aller jusqu’à déléguer à n’importe quelle personne souhaitant modifier la carte. Mais au moins pouvoir facilement signaler des erreurs pour qu’ils les corrigent.

Apple plan à un retard considérable par rapport à Google Maps et Waze. C’est deux derniers se reposant sur la communauté.
À mon avis, Apple ne peut pas avoir une cartographie aussi précise etEn « temps réel » sans se reposer sur la communauté.

avatar Furious Angel | 

@RonDex

J’ai plusieurs fois signalé des erreurs à Apple (notamment des commerces placés automatiquement et pas vraiment au bon endroit). En général le changement est fait en quelques jours. Mais tu décris des problèmes plus complexes (comme la rivière) donc c’est peut-être plus difficile pour ce genre de choses.

avatar jmy2905 | 

Extrêmement intéressant. Je ne connaissais pas le principe ( je n’ai pas cherché, je l’avoue). Merci.

avatar TheRainb0w | 

Dommage qu’il n’y ai pas plus d’intégration d’OpenStreetMap qui est le penchant libre et open.

avatar M-Rick | 

Sur OpenStreetMap il y a Scout GPS et OsmAnd, tous les deux des produits allemands ou Maps.Me qui est hollandais.
Le gros avantage par rapport à Waze, c'est qu'ils sont aussi compatibles avec le vélo et la marche. Waze n'est que automobile.

avatar Guibel | 

Article très intéressant !

avatar kifkif | 

Magnifique cet article ! Bravo et merci.
Quelques bémols cependant : j’utilise Waze environ 10h par jour dans Paris et proche banlieue, outil totalement indispensable pour voir ou ça coince. Mais dans le 13eme par exemple, j’ai plusieurs fois signalé une route fermée pour travaux, même 2 mois après ce n’était pas intégré.
Ensuite le trafic : leurs algorithmes ne sont pas très au point même si depuis deux ça s’est amélioré. En vacances scolaires les trafics est moindre. Voir inexistant en août. Waze suivait les infos des semaines précédentes, en l’affichant 1h30 alors qu’en 30mn c’était plié.
Ça a changé mais ce n’est encore pas ça. Et puis les équipes de Waze ont eu un rejet profond de celles de Google. Les premières années les interactions étaient inexistantes. J’ai discuté avec de stars de Waze il y a 18 mois environ. Ils disaient que ça s’améliorait mais très lentement.
Reste que c’est un formidable outil.

avatar max351 | 

Le problème des itinéraires de Waze, c'est aussi que comme énormément de gens ont Waze, vous vous retrouvez finalement avec des bouchons causés par un trop grand nombre de personnes qui empruntent les mêmes petites routes que vous. ^^

avatar raoolito | 

@max351

en théorie, waze comme d'autres, ne donne pas le meme chemin suivant la demande (en théories 10 personnes demandent un autre chemin 5 auront un et 5 un autre)
j'ajoute que le système etant ainsi fait, il devrait détecter le ralentissement et proposer un nouveau chemin aux futurs arrivants.

avatar max351 | 

@raoolito

En théorie...

avatar raoolito | 

@max351

🙂
En théorie oui

avatar povpom | 

@raoolito

En théorie ?

avatar cecile_aelita | 

@povpom

En théorie ...
(C’est sympa comme jeu 😅. On dirait un jeu inventé par Perceval 😂- personne ne comprend les règles mais on y joue quand même lol)

avatar pagaupa | 

@max351

Ce sont les travers de la gratuité...
Imagine un ipod gratuit dans les Apple store... ce serait l’apocalypse ! 😂

avatar david66 | 

Waze a pourri la vie de tellement de gens, qui vivaient dans des quartiers tranquilles, et voient aujourd’hui la rue passant devant chez eux transformée en périphérique...

avatar macosZ | 

Par contre pour l’interface ils ont fait travailler des enfants de maternelle et ça c’est moche 😃

avatar Furious Angel | 

@macosZ

Justement c’est une des raisons du succès. Rendre les déplacements ludiques et sympa, et pas froids et techniques

avatar Tatooland | 

Tout ce travail bénévole et communautaire au service de Google... ça me fait mal au cœur, surtout quand on connaît le projet OSM etc...
Des fois ça me rend triste.

avatar pagaupa | 

@Tatooland

Bienvenu au monde! 😜

avatar Furious Angel | 

@Tatooland

Oui mais au final les projets open-source sont souvent très confidentiels et peu ouverts (sur le plan technique) au grand public...

avatar Calorifix | 

D'ailleurs, Internet, ce projet basé sur des logiciels libres, est assez confidentiel.

avatar Furious Angel | 

@Calorifix

Qui soit son succès à des entreprises privées. Google, t’as déjà entendu parler ?

avatar Calorifix | 

Tout dépend ce que tu appelles succès. Le web pré-Google était bien mieux que le web post-Google, où tout n'est plus que marchandise.

avatar Furious Angel | 

@Calorifix

Mais il était... confidentiel. Et je dis ca sans jugement de valeur. Et même avant Google, on pourrait parler de Yahoo! ou AOL.

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