A une semaine de la date limite de dépôt des candidatures pour la quatrième licence de téléphonie mobile 3G, les candidats potentiels se sont retirés les uns après les autres.

Kertel, Orascom, Bolloré avaient déjà fait part de leur abandon, cette fois c'est au tour de Virgin Mobile et de Numéricable de se retirer de la course, soulignant l'aspect techniquement "incertain et potentiellement inexploitable" de la licence. Il ne reste donc plus qu'Iliad en lice, à moins qu'un candidat surprise ne fasse irruption à la dernière minute.

Ca ne signifie pas pour autant une attribution de facto au trublion des télécoms : en 2007 la maison mère de Free faisait également cavalier seul lors du premier appel d'offre, mais s'est vu refusée sa candidature pour n'avoir pas satisfait aux conditions d'attribution : Free avait conditionné sa candidature au fractionnement du paiement, ce qui n'entrait pas dans le cadre de l'appel d'offre.

D'autant que Free fait face à une adversité certaine : les trois opérateurs mobiles font de la résistance, face à un nouveau concurrent qui promet de diviser par deux la facture de téléphone mobile d'un foyer français moyen. Outre les arguments classiques à l'arrivée d'un nouveau concurrent tels que la menace de pertes d'emplois, le cartel du mobile a intenté nombre de recours devant différentes instances : Bouygues Telecom a ainsi déposé deux recours auprès du Conseil d'Etat, l'un concernant le prix de la quatrième licence, et l'autre concernant les conditions de son attribution. Vivendi, la maison mère de SFR, en a fait autant hier, après avoir annoncé un premier recours auprès de Bruxelles, tout comme Orange, également concernant le prix de la licence.

Les trois opérateurs avaient payé 619 millions d'euros chacun en 2000 pour obtenir la licence 3G. La quatrième licence quant à elle sera vendue à 240 millions d'euros, mais n'offrira qu'un tiers de la bande de fréquence. SFR, Bouygues Telecom et Orange estiment que le quatrième opérateur devrait payer autant qu'eux pour avoir le droit d'entrer sur ce marché. A cela s'ajoutent les déclarations du Président de la République, qui s'est montré réservé sur le choix d'un quatrième opérateur. A cette occasion, certains n'ont d'ailleurs pas manqué de rappeler que Martin Bouygues fait partie des proches de Nicolas Sarkozy, dont la mouvance politique est d'ordinaire plutôt favorable à la compétition économique.

Toujours est-il que l'appel d'offre se destine exclusivement à un nouvel opérateur, afin de stimuler la concurrence qui précisément manque d'allant sur le marché français : alors que les 3 opérateurs mobiles ont été condamnés pour entente illicite sur les tarifs à verser 442 millions d'euros de dommages et intérêts, et qu'une étude de l'OCDE soulignait que les prix pratiqués en France étaient parmi les plus élevés d'Europe, et la consommation parmi les plus faibles des pays membres.

La facture moyenne pour les pays en tête s'échelonne entre 11 et 12 dollars par mois, contre 31,50 dollars par mois pour la France, la plaçant en vingtième position sur la consommation de services mobiles. A l'inverse, concernant la facture Internet, la France est le pays le moins cher, et l'offre triple-play de Free n'y est pas étrangère. Lancée en 2002 à la faveur de la dérégulation du dégroupage de la boucle locale, initiée par l'Europe, et à l'augmentation des pouvoirs de l'ARCEP, la situation française fait figure d'exemple à l'international, souvent citée dans un rapport de la FCC qui s'appuie également sur les chiffres de l'OCDE.

Il est clair que cette question est hautement stratégique : chacun des opérateurs de téléphonie mobile dispose également d'une offre ADSL, et les offres quadruple-play commencent à apparaître (voir notre article Bouygues Telecom lance le quadruple play). En mêlant téléphonie mobile et Internet haut débit en un seul forfait, les opérateurs peuvent reprendre la main sur Free qui se retrouverait démuni face à ces offres. Free a eu beau lancer un réseau wifi national et s'offrir une licence Wimax, il n'y a guère d'autre issue pour eux que de monter au créneau.

Au vu des chiffres indiqués plus haut, on ne peut qu'espérer qu'un quatrième opérateur effectue dans la téléphonie mobile les mêmes bouleversements que ceux qu'a connu l'ADSL en France ces dernières années.