Beaucoup regrettent l’absence de prise en charge de la 4K dans la nouvelle Apple TV, mais d’une certaine manière, si Apple ne l’a pas fait, c’est qu’elle a de bonnes raisons. Dans un monde « parfait », on aimerait que cette définition soit prise en compte. Mais dans le monde des technologies, on a rarement tout du premier coup. Encore moins avec Apple !
L’objectif avec ce modèle 2015, c’est avant tout l’expérience utilisateur avec les apps, une nouvelle télécommande, un système d’exploitation dédié… C’est le véritable enjeu de cette génération, le reste est accessoire.
Apple cherche avant tout à construire un écosystème autour de son « ex-hobby » (lire : En 2015, l’Apple TV fait sa révolution). Ce n’est pas pour rien qu’elle a offert à de nombreux développeurs un exemplaire pour la modique somme de 1 $ et qu’elle part à leur rencontre dans le cadre des Tech Talks.
Le développement de cette nouvelle génération d’Apple TV a été assez désordonné selon nos informations. La plateforme matérielle a été finalisée l’année dernière alors que toute la partie logicielle est beaucoup plus récente.
Le boom des téléviseurs 4K
Mais revenons-en à la 4K. Il y a plusieurs facteurs qui expliquent que la 4K n’était pas la priorité numéro un d’Apple.
Les ventes de téléviseurs 4K sont en plein boom. C’est incontestable ! Le cabinet d’étude IHS rapportait récemment que 3 millions de téléviseurs Ultra HD / 4K avaient été vendus dans le monde en avril. Un record ! Cela représente 14 % de tous les téléviseurs vendus durant cette période. Ce chiffre devrait avoisiner les 20 % en 2016. Dans certains pays, comme au Royaume-Uni, près d’un téléviseur vendu sur deux est 4K.
Mais si l’on raisonne en matière de parc installé, nous n’en sommes qu’au tout début. La durée de vie d’un téléviseur en France est entre 8 et 10 ans.
Comme le montrent les projections effectuées par Strategy Analytics, il faudra sans doute attendre la fin de la décennie avant que le parc des téléviseurs 4K atteigne les 50 % du parc total en Amérique du Nord. Cela va sans dire qu'il s’agit du marché le plus avancé au monde.
En 2015, les téléviseurs 4K représentent environ 5% du parc outre-Atlantique. Ce chiffre famélique explique à lui seul le peu d’entrain d’Apple à adopter cette technologie.
Le paradoxe des contenus
L’autre problème avec les téléviseurs 4K, c’est la question des contenus. Ils sont encore rares, même si petit à petit la chaîne de production se met en place. La période des expérimentations est désormais derrière, mais celle de la démocratisation n’est pas encore pour tout de suite.
Comme souvent, les événements sportifs jouent un rôle important dans la démocratisation de ce type de technologies. À cet égard, les Jeux olympiques de Rio, l’Euro de football de 2016 ainsi que la Coupe du Monde de football en Russie en 2018 pourraient servir de catalyseurs.
Là où une Apple TV 4K pourrait être intéressante aujourd’hui, c’est davantage pour les contenus faits maison. La gamme iPhone 6s s’ouvre timidement aux joies de la 4K. Timidement, car la capacité de stockage calme rapidement les ardeurs des cinéastes en herbe : comptez 16 Go pour 30 minutes de vidéo 4K. Il est vrai que de nombreux produits populaires comme les GoPro permettent de filmer en 4K. Mais comme argument commercial, c’est relativement limité.
Pour en revenir à la question des contenus professionnels, le cas Netflix illustre bien les difficultés du moment. La 4K est valable uniquement dans l'offre premium qui coûte 11,99 € par mois, soit un surcoût de 2 € sur l’offre HD.
Netflix a recours au H.265, qui contrairement au H.264 utilisé sur les iPhone 6s pour les vidéos, est vraiment taillé pour la 4K. Pour résumer, cette nouvelle norme de codage permet d’offrir une qualité d’image comparable au H.264 avec un débit réduit de moitié.
Malgré « les prouesses du H.265 », pour bénéficer des joies de la 4K, mieux vaut avoir une bonne connexion à Internet : Netflix demande « une vitesse de connexion Internet stable d'au moins 25 mégabits par seconde ».
Si l’on se base sur les derniers chiffres de l’Arcep, on compte en France seulement 3,8 millions de foyers qui ont accès au très haut débit (débit maximum descendant supérieur ou égal à 30 Mbit/s). On pourrait disserter sur la position de la France en ce qui concerne le très haut débit, mais dans bien des cas, cela reste une minorité. Autrement dit, du point de vue d’Apple, rien ne sert de se précipiter.
Du matériel pas encore au niveau
Après les téléviseurs, la question des contenus et débits, venons-en à l’Apple TV. Il y a la question du hardware. Regarder du contenu 4K est une chose (c’est sans doute possible sur une Apple TV 2015), exploiter entièrement une Apple TV en 4K en est une autre. Lors de notre test de l’Apple TV, nous avons remarqué que le modèle actuel avait tendance à passer dans des définitions inférieures avec certains jeux par exemple. Autrement dit, il faudrait un processeur plus puissant et donc plus cher à produire. Ce problème affecte également Microsoft et Sony pour leur console respective.
La 4K, ce serait également plus de pixels à afficher et éventuellement des applications plus lourdes, qui occuperaient par conséquent plus de place, et qui seraient plus lentes à télécharger.
Rien d’insurmontable pour Apple, mais d’un point de vue matériel, cela complique encore un peu plus la donne. Enfin, si l’on part du principe qu’il faut que l’Apple TV reste à un prix relativement abordable et qu’Apple ne renie pas ses sacro-saintes marges.
L’attentisme d’Apple
Il y a également un fait à prendre en compte : Apple est devenue plutôt défensive en ce qui concerne l’adoption de nouvelles technologies qu'elle ne contrôle pas totalement. C’était moins le cas il y a quelques années, mais cela s’explique par sa nouvelle taille.
Par exemple, la marque à la pomme semble intéressée par l'intégration d'écrans OLED dans ses iPhone, mais cela ne sera pas possible a priori avant 2018 pour des questions de production (lire : Jony Ive pourrait avoir son iPhone OLED en 2018). Elle demeure toutefois un peu plus offensive lorsqu’elle (re)part de zéro et que les contraintes de volumes sont plus faibles. Ainsi, la firme de Cupertino fut l’une des premières à adopter l’USB-C avec le MacBook par exemple.
Quand Apple va-t-elle se mettre au H.265 ?
Pour en revenir à la 4K, c’est la partie visible de l’iceberg. Cette définition supérieure est intimement liée au H.265, une technologie qui avec le Thunderbolt 3 pourrait jouer un rôle clé en 2016.
Si elle a été en pointe pour démocratiser le H.264, là encore, Apple prend son temps pour adopter son successeur. Pour le moment, elle ne s’en sert que sur les iPhone 6/6s lorsque FaceTime est utilisé avec une connexion cellulaire. Un cas assez spécifique…
Le H.265 est susceptible d’avoir un impact sur l’ensemble de l’écosystème d’Apple : de la production (Mac Pro, par ex) à la distribution (iTunes Store) en passant par la diffusion (l’ensemble des produits Apple).
À première vue, l’Apple TV est effectivement l’appareil idéal pour mettre en orbite une telle technologie. Mais c’est oublier sans doute que l’Apple TV reste malgré tout la dernière roue du carrosse d’Apple.
À y réfléchir, son lancement pourrait intervenir avec l’arrivée de nouveaux iPhone / iPad dotés d’écrans avec des définitions plus élevées. Une communication autour du H.265 prendrait alors tout son sens. L’utilisateur pourrait regarder des vidéos de meilleure qualité sans consommer forcément plus de DATA. Voilà qui pourrait être l’élément déclencheur.
Nul doute que dans la foulée, Apple pourrait alors revoir son Apple TV, dont une première révision serait apparemment dans les tuyaux. Et c’est peut-être cela qu’il faut espérer pour le petit boitier d’Apple, des mises à jour annuelles tant sur le plan matériel que logiciel. C’est sans doute le seul moyen de créer une certaine dynamique autour de cette plateforme.