Aperçu d’EnchantMOON, la tablette onirique

François Tsunamida |

Le japonais Ubiquitous Entertainment Inc. (UEI), qui développe des applications et des jeux pour terminaux mobiles, a lancé les précommandes pour l’EnchantMOON. Contrairement à ses concurrentes sous iOS, Android ou Windows 8, cette tablette originale cherche moins à être un appareil qui permet de « consommer » des contenus et applis achetés en ligne qu’à les créer.

L’EnchantMOON est en effet aussi connue sous le nom d’« Hypertext Authoring Tablet » : son application MOONBlock permet de personnaliser la tablette et de développer des applications en HTML 5 et Javascript, au moyen du framework open-source enchant.js. MOONBlock rappelle à la fois HyperCard et Interface Builder : il permet de développer de façon visuelle en combinant des « blocs » représentant des fonctions, des variables et des paramètres.

Il existe déjà plus de 1 000 applications, jeux et plug-ins écrits avec enchant.js, avec un niveau de sophistication assez variable. La vidéo suivante montre le développement assez rapide d’un petit jeu qui demande au joueur de déplacer un vaisseau pour éviter de percuter des sprites en pseudo 3D

L’EnchantMOON, taillée dans une boîtier en alliage de magnésium, est dotée d’un écran 8” 1 024 x 768 px, d’un SoC AllWinner A10 fabriqué par le fondeur chinois Quanzhi (processeur ARM Cortex A8 1,2 GHz, puce graphique Mali400MP, 1 Go de RAM), de 16 Go de stockage, d’un capteur 2 Mpx et d’une batterie 5 000 mAh. L’OS maison, MOONPhase, est dérivé d’Android 4.0. Il a été développé spécialement pour être capable de reconnaître rapidement les textes saisis à l’aide du stylet. UEI prétend d’ailleurs que sa tablette « offre des sensations quasiment identiques à celles procurées par du papier et un stylo ». Une tige sert de poignée pour transporter la tablette. Elle se replie sous l’appareil, et devient alors un socle permettant de faire tenir à la verticale l’EnchantMOON sur une surface plane.

L’EnchantMOON utilise une interface graphique originale pour écrire des textes ou faire des dessins, les envoyer ou les partager, et faire des recherches sur le Net. Sobre, voire minimaliste, elle se présente sous la forme de texte blanc, que l’on saisit à l’aide d’un doigt ou d’un stylet sophistiqué qui prend en compte les niveaux de pression, plutôt qu’un clavier virtuel ou physique. Plus on appuie sur le stylet, plus le trait dessiné aura une largeur importante. Le stylet utilise une batterie pour fonctionner. Le fond de l’écran reste gris foncé. Il ressemble à la page vierge d’un cahier : vide, sans textures, couleurs ou ornements — on est à des années-lumière du skeuomorphisme si présent sur iOS.

Deux langues, le japonais ou l’anglais sont proposés au démarrage, lors de la configuration de la tablette. L’écran ne comporte pas de menus, et les icônes et indications sont souvent invisibles, n’apparaissant qu’au dernier moment suivant les actions de l’utilisateur.
Le cercle est un élément prédominant de l’interface : on trace un cercle pour valider son nom d’utilisateur ou le mot de passe que l’on vient de saisir, là où un autre OS demanderait d’appuyer sur la touche « Entrée » du clavier virtuel ou sur un bouton « OK ». Lorsqu’on déplace la pointe du stylet sur l’écran de la tablette, une espèce de trainée de « poussière » qui rappelle les déplacements de la fée clochette dans le Peter Pan de Disney, apparaît. Elle semble vouloir souligner le côté « magique » de l’interface, et indique de façon visuelle où se trouve la pointe du stylet sans avoir à la matérialiser sous la forme d’une icône de curseur…

De même, une sélection d’un mot ou d’une image (ou partie de celle-ci) s’effectue en traçant un cercle autour. Les choix possibles à partir de la sélection (créer une note, un hyperlien ou lancer une recherche) apparaissent également sous la forme de petit cercle contenant le mot résumant l’action, à la périphérie du cercle de sélection. C’est de cette façon qu’apparaissent toutes les actions possibles à chaque fois que l’utilisateur sélectionne ou choisit de faire quelque chose : sauvegarder, annulation, suppression d’un élément… Tout élément de la page (textes, images…) peut être transformé en « Web Sticker », qui peut être copié et collé. Il fonctionne comme un lien hypertexte permettant de revenir à la page d’où il provient, ou conduisant à une autre partie d’un texte…

L’interface de MOONPhase cherche à être la moins envahissante possible : le champ de saisie d’un nom de fichier, par exemple, n’apparaît que discrètement sous la forme d’une fine ligne. Pour avoir recours à beaucoup des fonctions ou interface de la tablette, il suffit de les invoquer en écrivant leur nom. Ainsi, pour lancer la webcam, il suffit de dessiner un cercle, et d’écrire « Camera » n’importe où à l’écran…

Pour corriger quelque chose, pas besoin « d’insérer un curseur » en tapotant juste avant la lettre du mot ou le chiffre que l’on souhaite par exemple modifier avant de l’effacer : il suffit juste de réécrire par-dessus celui qui existe. Rapidement, le module d’OCR reconnaît la lettre ou le nombre écrits à la main, et le remplace par sa version numérique dans la même police que le reste du mot ou du nombre. Et si l’on souhaite effacer quelque chose, plutôt que de seulement le remplacer, le stylet comporte une gomme. Malgré le recours intensif au stylet, les gestes à deux, trois ou quatre doigts, ne sont pas complètement absents de l’interface.

L’OS propose une sorte de fonction de chiffrement des informations présentes à l’écran, les rendant incompréhensibles aux yeux d’autrui si l’on doit s’éloigner quelques instants de sa tablette. Une fois verrouillée, la tablette brouille l’affichage : on croirait que les icônes ont été dessinées à la va-vite, sur un bout de table… Un style que l’on appréciera ou pas suivant ses goûts.

Une fois sélectionnée, une icône se redessine rapidement avec un trait doté d’un effet « vert fluo ». Ces icônes utilisent souvent de petites animations simples pour indiquer à l’utilisateur que ce qu’il vient de faire à bien été pris en compte. Par exemple, si l’on sélectionne des éléments puis l’on appelle la fonction Dropbox, géré nativement par l’OS, une animation de mouvements de « poussière magique » partant des objets et se dirigeant vers l’icône Dropbox permettra de comprendre que le transfert vers le serveur dans les nuages est en train de s’effectuer.

A l’origine du projet EnchantMOON, on trouve évidemment les développeurs d’UEI, mais aussi des artistes nippons comme le mangaka Yoshitoshi AB, particulièrement connu pour la conception des personnages de Serial Experiments Lain — un animé d’avant-garde de 1998 narrant les aventures de Slain, une jeune Japonaise qui communique par mail avec l’une de ses camarades de classe… qui s’est suicidée quelques jours auparavant. On peut citer également Shinji Higuchi, à qui l’on doit les effets spéciaux de l’Animé Neon Genesis Evangelion.

Pour créer le buzz, UEI a mis en ligne une vidéo de Hiroaki Yuasa, mettant en avant différents thèmes fréquents dans les animés, films et mangas. L’EnchantMOON y est présentée comme un outil qui redonne à son utilisateur la liberté que les autres tablettes et les boutiques intégrées lui ont enlevée. Elle rappellera immanquablement Le Meilleur des mondes d’Aldous Huxley, ainsi que la publicité « 1984 » de Ridley Scott, avec quelques références à Matrix ». Apple y est particulièrement montré du doigt : les produits à la pomme y sont présentés comme des écrans coupant leurs utilisateurs du monde réel, leur cachant la réalité sordide de leur environnement en les abreuvant de contenus distrayants.

La première partie de la série. Voir aussi : 2, 3 et 4.

L’EnchantMOON sera mise en vente à la fin du mois de mai pour 39 800 ¥, soit environ 310 €.

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