À défaut de pouvoir tester les fonctions musicales d'iCloud, nous nous sommes penchés sur le service de Google que Steve Jobs n'a pas manqué d'évoquer lors de la conférence des développeurs (WWDC). En effet, nous avons reçu une invitation à tester le service de lecture de musique en mode Cloud de Google. C’est l’occasion d’essayer un service théoriquement réservé aux États-Unis. Prise en main !
Pour accéder à Google Music Bêta, il faut donc commencer par faire croire que l’on se connecte depuis les États-Unis : la limite est territoriale; ce n’est pas une limite de nationalité. Ce qui signifie qu’un américain hors de ses frontières ne pourra pas profiter du service. À moins qu’il ne fasse comme un Européen et n’accède au service via un lien VPN lui permettant de se connecter avec une adresse IP aux États-Unis. Un peu ridicule, mais ô combien symptomatique de la fragmentation des systèmes de gestion des droits d’auteurs à travers le monde. Ce «maquillage» est nécessaire de bout en bout : depuis l’inscription au site Web de Google Music pour demander une invitation jusqu’à la lecture de musique streaming, en passant par le téléversement de sa discothèque. Soyons clairs : pour l’instant, utiliser Google Music depuis la France demande un certain niveau de motivation. Et celui-ci est d’autant plus élevé que les limitations du service - dans son état actuel - sont nombreuses. Mais nous y reviendrons plus loin.
Actuellement, Google Music est proposé gratuitement aux heureux élus bêta testeurs - mais cette gratuité ne doit être que temporaire. Une fois le sésame reçu, l’inscription effective passe par l’acception de deux documents à caractère légal : les conditions générales d’utilisation du service, et les règles de vie privée. Attention, paranoïaques s’abstenir : ce dernier document précise clairement que Google utilisera les données relatives à votre utilisation du service, mais pour «vous fournir le service, faire respecter les limitations d’utilisation, pour traiter et personnaliser vos demandes de connexion pour utiliser le service, pour développer de nouvelles fonctions, etc.» Une fois les deux documents validés, Google propose de sélectionner quelques échantillons gratuits, pour tester le service. Et, surtout, de télécharger Music Manager.
Music Manager est une application qui permet de téléverser votre musique sur les serveurs de Google. Cette application peut fonctionner totalement en tâche de fond et vous pouvez limiter la bande passante en upload qui lui sera allouée. C’est une bonne idée pour pouvoir continuer d’utiliser confortablement votre accès à Internet. Mais c’en est une mauvaise si vous voulez gagner du temps. Soyons clairs : le transfert est long, très très long. Au bout d’environ 7h30 à 1Mbps d’upload, nous n’avons pas réussi à envoyer plus 358 chansons sur les serveurs de Google. On le comprend bien : transférer toute une discothèque risque de prendre des jours, sinon des semaines...
Ce problème de bande passante n’a rien de surprenant, mais il n’en constitue pas moins une sérieuse limite. Ce qui ne va pas sans soulever une question : pourquoi Google exige-t-il le transfert intégral des fichiers ? Comme Amazon : pour ne pas avoir à transiger avec les maisons de disque et payer des frais supplémentaires. Avec iCloud et iTunes Match, Apple a fait un choix différent : elle paye certes des frais de licence aux majors, mais économise le temps de ses utilisateurs en scannant leur bibliothèque et en rendant immédiatement accessible son contenu dans le nuage, à partir du fonds de l'iTunes Store.
Music Manager a heureusement le bon goût de proposer trois options pour sélectionner les fichiers à téléverser : la discothèque iTunes complète ; le dossier Musique ; ou un autre dossier à sélectionner manuellement. C’est plutôt confortable, mais la granularité de la sélection s’arrête là. Notons toutefois que les listes de lecture préparées dans iTunes sont répliquées dans Google Music.
Une fois les premiers téléversements finis, il est possible de commencer à écouter sa musique via Internet. Sur son Mac, à travers l’interface Web du service, ou un smartphone Android, via une application dédiée. Et celle-ci est encore loin d’être parfaite. En WiFi, elle fonctionne très bien, même avec une connexion ADSL à 512 kbps - en cas de fichier encodé en débit variable, notamment, l’application gère sa propre mémoire tampon pour éviter les coupures. En 3G et en EDGE... nous n’avons pas réussi à la faire fonctionner, y compris sur le réseau de T-Mobile aux États-Unis. Lequel a pourtant bonne réputation. La connexion au service s’établit correctement, mais impossible d’accéder au moindre morceau de musique. Dommage. D’autant plus que nous n’avions pas prévu de charger des morceaux sur la carte mémoire du smartphone Android pour une lecture en mode déconnecté - une option proposée par le logiciel.
L’application Android de Google Music n’est pas immédiatement active : il faut que le téléphone soit configuré pour utiliser le même compte Google que celui utilisé pour l’accès au service Music. C’est après quelques secondes de communication avec les serveurs de Google que l’application et le terminal sont authentifiés et que la lecture peut commencer.
Notez là que Google reconnaît clairement conserver une trace de l’adresse MAC des machines utilisées pour accéder à son service, de même que le numéro IMEI dans le cas d’un smartphone. Il est possible d’autoriser jusqu’à 8 appareils pour accéder à sa discothèque en ligne. Mais la lecture d’un même morceau ne peut se faire que sur un seul appareil à la fois. La liste des appareils autorisés peut être consultée et gérée depuis l’interface Web du service. En outre, il n’est pas question d’utiliser le service de Google Music comme un support de sauvegarde de la discothèque : rien n’est prévu pour que l’on puisse télécharger et enregistrer sur son disque dur des fichiers que l’on a pourtant téléversés...
Au final, le service Google Music, en l’état actuel, apparaît comme un premier pas intéressant. Mais rien de plus, car les lacunes sont nombreuses. Les limitations liées au téléversement sont particulièrement lourdes. Les performances de l’application nomade méritent largement d’être améliorées. L’absence de lecture simultanée d’un même morceau sur plusieurs appareils ne sera probablement pas une limite pour beaucoup de monde, mais elle interdit certains usages familiaux. Et, si elle n’est pas levée, pourrait empêcher de profiter d’un côté de sa musique sur un futur Google TV, en même temps que sur un smartphone. Et puis le service n’a, pour l’heure, aucune dimension communautaire - ni même simplement tribale - qui lui permettrait de rivaliser, par exemple, avec la fonction Partage à domicile d’iTunes.
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