Les « champions » européens des télécoms font figure de nains lorsqu'on les compare à leurs homologues américains ou chinois. Dans un contexte de compétition mondiale et à la veille du déploiement coûteux de la 5G, les grands opérateurs européens ont fait passer le mot auprès de la Commission européenne, présidée depuis ce dimanche par Ursula von der Leyen : il est temps que Bruxelles encourage la consolidation du secteur.
Le communiqué signé par 21 dirigeants d'opérateurs européens (dont Orange, Deutsche Telekom, BT British Telecom, Telecom Italia, Telefonica, Vodafone ou encore le néerlandais KPN) appelle la Commission à s'attaquer « activement à la fragmentation du marché européen des télécoms ». Cela passe par un environnement réglementaire stable et durable au niveau national, mais aussi par des règles « équitables et équilibrées » afin que les opérateurs du vieux continent soient en mesure de concurrencer les mastodontes mondiaux.
Les industriels européens ont été refroidis par le niet retentissant qu'a opposé Bruxelles à la fusion entre Alstom et Siemens, en début d'année. Margrethe Vestager, la commissaire à la Concurrence qui rempile au sein de la Commission von der Leyen, expliquait à l'époque que ce projet allait porter préjudice aux clients européens en réduisant la concurrence sur le marché de la signalisation ferroviaire. Au grand dam des gouvernements français et allemand à la manœuvre, qui voulaient créer un champion européen dans ce secteur en prévision de l'arrivée potentielle d'un géant chinois.
La Commission avait opposé une fin de non-recevoir à cet argument, estimant qu'il n'y avait aucune perspective d'entrée d'un groupe chinois sur le marché européen dans un avenir prévisible. Bruno Le Maire, le ministre de l'Économie français, avait alors répliqué que l'analyse de la concurrence devait prendre en compte non pas la seule zone géographique européenne, mais le monde entier.
Les opérateurs télécoms veulent préparer le terrain en demandant à Bruxelles de stimuler les investisseurs à « développer davantage les infrastructures de télécommunications à l'échelle nationale et transfrontalière ». Le partage des réseaux mobiles est une « condition essentielle pour que l'industrie numérique européenne puisse être compétitive sur un marché mondial en évolution rapide ». Les opérateurs trouveront peut-être un relais avec le commissaire Thierry Breton, en charge du dossier du numérique en tandem avec Margrethe Vestager.
La Commission européenne pourrait prêter une oreille favorable au discours des opérateurs, le nouvel exécutif ayant la volonté de rattraper le retard de l'Union dans les nouvelles technologies. Dans ce contexte, la rumeur d'un rapprochement entre Orange et Deutsche Telekom a du sens, c'est du moins ce que racontait une rumeur outre Rhin. L'indiscrétion a été démentie quelques heures après, mais cette volonté affichée des opérateurs (et demain, de Bruxelles ?) de créer des champions transnationaux pourrait faciliter une consolidation à l'échelle du continent.
