Dans un entretien au Monde, le ministre de la Santé, Olivier Véran, et le secrétaire d’Etat au numérique Cédric O annoncent le lancement du projet StopCovid « afin de développer une application qui pourrait limiter la diffusion du virus.».
Alors que plusieurs pays ont déjà sauté le pas, en France le gouvernement était partagé sur l'idée de mettre au point une application de traçage. Un terrain d'entente a visiblement été trouvé et les réflexions portent désormais sur des technologies moins intrusives de « contact tracing » indique le ministre de la Santé, Olivier Véran.
L'objectif de cette application est de « limiter la diffusion du virus en identifiant des chaînes de transmission ». Installée sur les smartphones, celle-ci utilisera le Bluetooth uniquement et enregistrera les contacts entre deux personnes qui se seraient croisées « pendant une certaine durée, et à une distance rapprochée. » « Si un cas positif se déclare, ceux qui auront été en contact avec cette personne sont prévenus de manière automatique », explique Cédric O. « Trace Together », une app d'ores et déjà utilisée à Singapour, fonctionne sur le même principe.
Pour l'heure, rien n'est acté, il s'agit d'une « phase exploratoire » seulement. L'Institut national de recherche en informatique et en automatique (Inria) travaille encore sur un prototype d'application, sous la supervision du gouvernement. Aucun déploiement de cette application n'est prévu pour l'instant. « Nous ne déciderons que plus tard de l’opportunité de déployer » indique Cédric O. Cette application s'inscrit dans une stratégie globale de déconfinement, « nous voulons faire en sorte que les Français puissent avoir à leur disposition, le moment venu, les outils nécessaires à leur protection » déclarent-ils.
Le gouvernement réfute toute accusation de tracking, l’application ne géolocalisera personne. Elle retracera l’historique des relations sociales qui ont eu lieu dans les jours précédents, sans permettre aucune consultation extérieure, ni transmettre aucune donnée. À l'instar de l'Allemagne, de la Suisse et du Royaume-Uni, la France envisage une application dont l'installation serait volontaire. Celle-ci pourra « être désinstallée à tout moment et les données seraient anonymes et effacées au bout d’une période donnée». De plus, il n'y aura pas d'accès possible à la liste des individus contaminés, et il sera également impossible de savoir qui a contaminé qui, à en croire le secrétaire d'État.
Cette application ne peut être efficace que si une grande proportion de la population l'installe. Problème, on compte aujourd'hui, en France, près de 13 millions de personnes sans équipement numérique. Des mesures d’aide à l’équipement, ou à des alternatives aux smartphones pour ceux qui n’en disposent pas pourraient être envisagées indique le gouvernement.
Face aux inquiétudes, le ministre de la Santé et le secrétaire d’Etat au numérique se veulent rassurants et indiquent que le projet StopCovid n’a pas vocation à aller au-delà de la crise sanitaire. « Rien ne sera décidé sans un large débat » ajoute Cédric O. L'application sera soumise à la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) et « le code informatique sera public, "auditable" par n’importe qui, et compatible avec d’autres pays » détaille-t-il.
Enfin, si la France souhaite lancer son application, elle devra d'abord en rendre compte à la Commission européenne. En effet, dans un communiqué publié aujourd'hui, la commission invite les États membres à notifier des mesures numériques prises, au plus tard le 31 mai 2020. Si la Commission se dit favorable à l'usage d'applications mobiles dans la levée progressive du confinement, elle souhaite mettre au point une liste de recommandations pour que ces outils numériques soient conformes aux règles de l'UE et coordonnés à travers le continent.
Avec l'aide des États membres, et en concertation avec le comité européen de la protection des données, la Commission espère mettre sur pied une boîte à outils. Celle-ci aura pour objectif de guider les États membres dans la mise en place d'applications permettant de prévoir l'évolution du virus au moyen de données de localisation mobile anonymes et agrégées.
Et vous, si une application de suivi respectant la confidentialité vous était proposée pour lutter contre le coronavirus, seriez-vous prêt à l'installer et à partager vos données ? Vous pouvez répondre à notre sondage à ce sujet.
Source : Le Monde