Le moment redouté s'approche de plus en plus pour les publicitaires. Quand la version finale d'iOS 14.5 sera disponible, des centaines de millions d'utilisateurs auront un nouveau choix à faire à l'ouverture de certaines apps : autoriser que leurs activités dans les apps et sur le web soient suivies à des fins publicitaires, ou bien refuser.
Parmi les entreprises qui sont vent debout contre cette nouvelle notification, il y a en premier lieu Facebook, qui est allé jusqu'à lancer une campagne publicitaire pour la combattre. Qu'est-ce qui effraie précisément le réseau social dans cette mesure contre le pistage ? CNBC est allé poser la question à d'anciens employés de Facebook spécialisés dans ses produits publicitaires.
Comme nous l'expliquions dans un précédent article, le changement qui aura lieu dans iOS 14.5 concerne l'utilisation de l'Identifier for Advertising (IDFA), un identifiant unique exploité pour le suivi publicitaire. Cet identifiant, il sert à Facebook et ses partenaires à mesurer l'efficacité des publicités.
Ce qui est au cœur des craintes du réseau social avec l'encadrement du suivi publicitaire (aussi appelé App Tracking Transparency), c'est la mesure des conversions après affichage, c'est-à-dire de savoir combien d'utilisateurs ont vu une pub, n'ont pas cliqué immédiatement dessus, mais ont fait ensuite un achat lié à celle-ci.
Reprenons l'exemple de CNBC : vous naviguez sur Instagram et vous voyez une pub pour un pantalon. Trop occupé à admirer les selfies de vos amis, vous ne cliquez pas sur la pub, mais vous retenez en mémoire ce pantalon qui était sympa. Quelques jours plus tard, vous cherchez ce pantalon sur le web et vous l'achetez. Après l'achat, le vendeur enregistre votre IDFA et le partage avec Facebook qui peut déterminer si cet IDFA correspond avec celui d'un utilisateur qui a vu la pub pour le pantalon. Le vendeur sait ainsi que la publicité pour le pantalon a bien fonctionné.
Le problème qui se pose pour Facebook avec iOS 14.5, c'est que l'utilisation de l'IDFA pour ce genre de pratiques ne sera plus automatique, les utilisateurs devront choisir s'ils autorisent ou non leur suivi publicitaire. Or, si Facebook perd la capacité à renseigner ses partenaires sur l'efficacité de ses pubs, ces partenaires risquent de se détourner de lui au profit d'autres solutions ou d'autres acteurs… comme Google, qui peut faire valoir son moteur de recherche dominant.
Ce changement concernant l'utilisation de l'IDFA va affecter tout particulièrement ce que Facebook appelle son Audience Network, c'est-à-dire les pubs qui sont affichées en dehors de ses propres plateformes. Par exemple, un fabricant de périphériques de jeu vidéo peut choisir de cibler les gamers de 18 à 34 ans qui habitent Paris pour une promotion. Cette pub s'affichera dans les jeux (qui intègrent la solution publicitaire de Facebook) de toute cette population.
Sans IDFA, tout le ciblage publicitaire que Facebook a bâti deviendra inutile en dehors de ses propres apps et sites. Après l'annonce de l'App Tracking Transparency à la WWDC 2020, le réseau social avait rapidement prévenu que les revenus de son Audience Network pourraient être divisés par deux. Coup de chance pour Facebook, si quasiment l'intégralité de son chiffre d'affaires provient de la pub, l'Audience Network n'en représente qu'une petite partie — moins de 10 % selon une source de CNBC.
Mark Zuckerberg est néanmoins parti en guerre contre la nouvelle mesure d'Apple, avec comme argument principal la défense non pas de son chiffre d'affaires, mais de celui des petites entreprises. Selon Facebook, les petites entreprises auront plus de mal à faire découvrir leurs produits aux consommateurs. Cet argument ne convainc pas totalement les anciens employés interrogés par le média américain.
Il est vrai que sans IDFA, Facebook et ses partenaires, dont les petites entreprises, ne pourront plus cibler aussi précisément les pubs. Mais d'après les ex-employés de Facebook, le changement devrait être insignifiant pour la plupart des petites entreprises. Leur précision de ciblage réellement utile serait suffisamment large pour se passer de l'IDFA.
« Si vous demandez à un restaurateur qu'est-ce que l'IDFA, je ne crois pas qu'il puisse vous répondre. Cela affecte Facebook à son échelle immense, mais pas les propriétaires de petites entreprises », explique Henry Love, qui travaillait précédemment dans l'équipe de Facebook dédiée aux petites entreprises. Seules celles qui ont fait du ciblage publicitaire très précis leur spécialité devraient être handicapées, mais il ne s'agit pas du fleuriste ou du café du coin.