Travailler dans une colo pour enfants intoxiqués aux écrans doit demander une sacrée dose de patience et de pédagogie au vu de ce que raconte le directeur d'un tel établissement.
Dans un article pour Wired, ce responsable décrit les jeunes, drogués aux écrans, que leurs parents envoient dans ce genre de colo d'été un peu spéciale. Ce sont des filles (pour 30%, dans le camp d'été pris en exemple) et des garçons qui ont parfois supprimé toute vie sociale. Leurs parents ont beau établir des règles, décréter des pièces de la maison « sans écran », rien n'y fait. Direction alors ces colos où le séjour peut avoisiner les 2 000 dollars par semaine (1 700 €).

Le portrait type de la jeune fille qui fréquente ces colos consulte de manière compulsive les réseaux sociaux et leurs influenceurs tandis que les garçons sont plutôt portés sur d'interminables sessions de jeux vidéo jusqu'à des heures avancées de la nuit. L'été, sans occupation scolaire, devient un peu le pire moment de l'année pour leurs parents.
Le directeur de ce camp raconte :
La plupart des gamins ne sont pas agressifs, ils ne font pas de crises. Le plus souvent, ils boudent. Mais une fois qu’ils sortent de leur chambre, on verrouille la porte. Je leur dis : « Rester dans ta chambre à faire la tête, ce n’est pas une activité de camp. »
Leur rythme de sommeil et leur alimentation sont catastrophiques. La plupart, surtout les gamers, restent éveillés jusqu’à 2 ou 3 heures du matin. Ils ne se lèvent pas avant midi, voire plus tard. C’est un désastre. Et côté alimentation, c’est tout aussi mauvais : Doritos et Gatorade, que des cochonneries.
Alors on les met sur un emploi du temps très strict. Ils doivent être dans leur chambre à 21h30, et les lumières sont éteintes à 22h. Ensuite, on les réveille à 6h30. Je dis toujours à mon équipe : « Ne comptez pas beaucoup dormir la première semaine. »
Cette arrivée dans la colo commence par une remise des téléphones. Une année, un enfant était venu avec trois appareils. Deux furent mis de côté immédiatement, mais ce n'est que trois jours plus tard que l'existence du dernier fut découverte… sur dénonciation d'un autre jeune (peut-être jaloux ?).
Il trouvait ça marrant d’avoir réussi à passer entre les mailles du filet aussi longtemps. C’est le cas de la plupart de nos gamins : s’ils peuvent défier l’autorité, alors pour eux, c’est une victoire.
Partager sa chambre est une autre forme de contrainte puisque cela implique un minimum de relation sociale. Mais cela finit par créer un lien entre les personnes puisqu'elles se retrouvent dans la même galère : « Ils nous détestent, ils en veulent à leurs parents de les avoir envoyés ici, donc ils créent des liens entre eux, un peu malgré eux, dès le départ ».
Certains fuguent (l'un fut ramené par la police locale), un autre avait profité d'une sortie à la plage pour emprunter le téléphone de touristes et supplier sa mère (qui n'est pas venue le chercher, mais qui a inscrit son frère l'année suivante). Parmi les activités de la colo, les participants suivent des cours de sensibilisation et d'éducation aux rouages de cette industrie de l'addiction numérique : « On doit faire comprendre à ces gamins que les entreprises Tech ne se soucient pas de leur plaisir ou de leur amusement ; ce qu’elles veulent, c’est leur temps et leur argent ».
Pour autant il ne s'agit pas de diaboliser l'usage d'un écran : « On ne dit jamais à un gamin : « Ne joue plus jamais à un jeu vidéo, ne va plus jamais en ligne, ne consulte plus jamais tes e-mails. » Ce n’est tout simplement pas la réalité du quotidien ». Il y a néanmoins une lueur d'espoir, lorsque ce responsable dit voir revenir certains jeunes l'année suivante. Non pas qu'ils aient besoin d'une nouvelle cure, mais parce qu'ils veulent montrer aux autres qu'il y a moyen de se sortir de cette addiction…