Les constructeurs de smartphones Android ont toute liberté pour utiliser le code du système d'exploitation. Certains fabricants comme Amazon ou Nokia (avec le désormais défunt Nokia X) ont ainsi pu s'appuyer sur cette base pour créer leurs propres plateformes. Mais s'ils souhaitent proposer à leurs clients des services comme Google Maps ou l'accès à la boutique Play Store, les partenaires du moteur de recherche ont plusieurs obligations. D'une, ils doivent intégrer un « paquet » baptisé Google Mobile Services (GMS), que Google peut mettre à jour quand bon lui semble; c'est ce qui permet au moteur de recherche de réduire la fragmentation, les constructeurs et opérateurs ne pouvant proposer les mises à jour d'Android qu'après des batteries de test (lire : Comment Google est en train de reprendre le contrôle d'Android).
Les constructeurs doivent également payer des frais de certification : si le feu vert est donné, alors ils peuvent utiliser le logo Android et vendre un appareil complet. Ces obligations contractuelles sont regroupées au sein du MADA (Mobile Application Distribution Agreement), un accord qui intéresse particulièrement la Commission européenne : ce contrat pourrait bien recéler quelques bizarreries pouvant entraîner des accusations d'abus de position dominante.
The Register rapporte ainsi que les services de Joaquin Almunia, commissaire à la Concurrence, s'intéressent à d'éventuelles clauses de « lockout » comprises dans le MADA, qui pourraient empêcher les constructeurs de commercialiser des smartphones Android sans les services de Google — des mobiles qui embarqueraient par exemple les cartes HERE de Nokia au lieu de Maps, ou une boutique alternative d'apps comme l'Appstore d'Amazon. Google se montre également beaucoup plus spécifique quant au positionnement des icônes de ses applications, et l'entreprise a fortement augmenté la taille du paquet GMS (Android L va y ajouter plus de 5 000 nouvelles API). « Beaucoup de constructeurs ne sont pas en position de négocier avec Google », explique un contact du site, pour expliquer la mainmise de Google sur le marché.
Il est à noter que dans ce dossier, la Commission a été aiguillée par un collectif, FairSearch Europe, qui compte dans ses rangs de sérieux concurrents de Google, parmi lesquels Microsoft, Nokia et Oracle.
Des courriers ont été envoyés le mois dernier aux constructeurs afin de confirmer ou pas la présence de ces clauses restrictives dans les contrats MADA. Il ne s'agit pas (pour le moment) pour l'exécutif européen de lancer une véritable enquête en bonne et due forme sur les pratiques de Google; l'an dernier, ces mêmes fabricants ont reçu des lettres similaires sans que cela donne lieu à une investigation officielle. Néanmoins, Almunia a confirmé à ses pairs de la Commission que ce coup de sonde était le plus complet et le plus sérieux de tous ceux que les services à la concurrence conduisent sur Google. Android détenant de 70 à 80% du marché européen, il n'est guère étonnant de voir l'UE s'y intéresser de près. Les rênes de la Commission étant désormais entre les mains de Jean-Claude Juncker (qui entrera en fonction en novembre), le successeur de Joaquin Almunia aura déjà quelques dossiers sur sa table.