Il y a un déséquilibre entre l'investissement qui a été nécessaire pour la conception et le développement de StopCovid en regard de la « faiblesse de son utilisation », charge le Comité de contrôle et de liaison (CCL) de la COVID-19. Le CCL, dont la mission est d'évaluer l'apport réel des outils numériques à l'action de équipes sanitaires de terrain, est placé auprès du ministre de la Santé. Dans son avis du 15 septembre, le comité « s’interroge sur la cohérence de la politique poursuivie [autour de StopCovid] et appelle le gouvernement à faire preuve de cohérence ».
Il appelle le gouvernement à mettre en place une campagne d'information pour faire connaitre l'application de traçage, ce qui permettrait de « toucher davantage de contacts et de les prévenir rapidement contribuant ainsi à l’efficacité du dispositif de tracing ». Une recommandation qui est aussi celle d'Emmanuel Macron, qui est monté au créneau.
Dans un indiscret du Canard enchaîné, on apprend que le chef de l'État s'est plaint de l'inefficacité de StopCovid : « StopCovid ne marche pas. Le virus circule chez les jeunes, vous me dites que les 20/45 ans sont notre cible, or ils ont tous un smartphone et pourtant ils ne téléchargent pas l'application. Donc le problème est chez nous, pas chez eux », a-t-il déploré durant le Conseil de défense sanitaire du 11 septembre.
Le chef de l'État demande de réfléchir « en urgence » à améliorer le fonctionnement de l'app : « Dire que l'application ne marche pas, cela ne sert à rien (…) Est-ce qu'on met le paquet sur l'outil, ou est-ce qu'on considère qu'il n'y a pas d'appétence des Français pour ça ? », s'est-il interrogé. Emmanuel Macron a mis la pression sur Cédric O, qui devra livrer pour le conseil des ministres de mercredi prochain des propositions de fond : faut-il « revoir le truc techniquement » ?
700 000 désinstallations de StopCovid
StopCovid est la seule app parmi toutes celles en Europe — exception faite de la Hongrie — à utiliser un protocole centralisé « maison » au lieu de l'API Exposure Notification d'Apple et de Google. Ce qui n'est pas sans poser des problèmes d'interopérabilité (lire : L’UE va faire dialoguer les applications de suivi des contacts, sans StopCovid). « Il faut savoir s'il faut une vraie stratégie de communication pour pousser les Français à télécharger [l'app], ou si c'est peine perdue et s'il faut abandonner », a indiqué Emmanuel Macron. « Soit on ferme, soit on fait nettement mieux ».
Le message du président a été reçu. Lors d'une conférence de presse aujourd'hui, Olivier Véran le ministre de la Santé — en charge de la gestion de l'app au quotidien — a exhorté les Français à utiliser StopCovid :
Le CCL pointe le bilan très modeste de l'application : 2,4 millions de téléchargements seulement, alors que 77% des Français ont un smartphone (et 95% dans la catégorie 18/39 ans, la « clientèle » naturelle de l'app). Le comité relève aussi que le nombre de désinstallations, « sur lesquelles le gouvernement communique très peu », s'élève à au moins 700 000… Sans compter les « milliers de personnes » qui ont téléchargé l'app, sans l'activer. Ce qui explique certainement le nombre « dérisoire » de notifications à des cas contacts, « actuellement inférieur à 200 sur trois mois ».
Alors que l'on observe un rebond de l'épidémie, il est donc probable que la communication autour de StopCovid reprenne elle aussi (elle n'avait pas réellement démarré, pour être honnête). Le CCL rappelle au passage la réussite d'une initiative remontant au 23 juin, en Guyane : après l'envoi d'un SMS par les autorités de santé, les téléchargements de StopCovid sont fortement remontés.