Cela fait maintenant un mois que l’Apple Watch est disponible à la vente dans neuf pays, dont la France, la Chine et les États-Unis. Si depuis sa sortie, le fonctionnement de la montre a été disséqué en profondeur (on vous invite à lire notre série de tests sur l’Apple Watch ou encore notre Timeline Apple Watch), qu’en est-il sur le plan commercial ?
À vrai dire, c’est le grand mystère, car Apple a décidé tout simplement de ne pas communiquer sur la question. La seule information « officielle » que nous avons à ce sujet est la déclaration de Tim Cook intervenue à l’occasion de la publication des résultats trimestriels de la Pomme.
Le patron d’Apple avait déclaré à cette occasion être ravi de la demande concernant son nouveau produit, mais il avait refusé d’en dire plus. Il est vrai qu’il ne s’était passé alors que quelques jours entre la commercialisation de l’Apple Watch et la présentation des résultats financiers.
En ce qui concerne le stock d’Apple Watch (ou plutôt son absence), la situation est la suivante à l’heure où nous écrivons ces lignes :
- 2 à 3 semaines pour les Apple Watch Sport 38 mm
- 4 à 5 semaines pour les Apple Watch Sport 42 mm
- 1 à 2 semaines pour la plupart des Apple Watch 38 mm
- 4 à 5 semaines pour la plupart des Apple Watch 42 mm
- Juin pour les Apple Watch Edition
Si le patron d’Apple se dit extrêmement satisfait au sujet des ventes d’Apple Watch, le souci c’est qu’on ne connait pas son référentiel. Faut-il comparer cette nouvelle montre connectée avec les volumes de vente de ses concurrentes ? Faut-il comparer ses ventes avec les espérances des analystes dont les projections vont du simple au quadruple ? Ou bien aux premiers pas sur le marché de l’iPhone et de l’iPad ?
Tim Cook a affirmé à plusieurs reprises que son nouveau produit était appelé à connaitre le même succès que ses devanciers. On rappellera qu’Apple avait communiqué sur les chiffres de vente des iPhone et des iPad. Et c’est ce qui rend la situation actuelle si confuse.
Pour le moment, il y a un nombre restreint d'études sérieuses sur le sujet. La première affirme qu’Apple a enregistré quasiment un million de précommandes aux États-Unis dans les 24 heures qui ont suivi la campagne de réservation. L’analyste Ming-Chi Kuo, souvent bien informé, avançait le chiffre de 2,3 millions de précommandes une semaine après le lancement des réservations.
À titre d’information, l’analyste estime qu’en 2015, Apple pourrait vendre de 15 à 20 millions d’Apple Watch (le « consensus » de Wall Street s’est établi dans une fourchette de 20 à 30 millions d’unités).
Enfin, une dernière étude affirmait que la demande s’était très rapidement calmée. Selon une nouvelle analyse de Slice Intelligence, Apple aurait écoulé 2,5 millions d’Apple Watch aux États-Unis le 18 mai. Ce qui est intéressant, c’est que plus de la moitié des commandes a été faite le premier jour et que leur nombre a considérablement diminué depuis.
Reste maintenant à connaître le rythme de croisière de cette Apple Watch. La crainte d’Apple est sans doute de revivre le même scénario que le Cube : un début en fanfare, avant un écroulement des ventes. Une indifférence qui avait ensuite poussé Apple à retirer son ordinateur de la vente un an plus tard. Mais nous n’en sommes pas là. Selon cette étude, dans les mauvais jours, Apple écoulerait 20 000 montres rien que sur le marché américain, ce qui est loin d’être insignifiant, comme nous le verrons plus tard…
Pour essayer d’y voir clair sur le succès de l’Apple Watch, nous sommes obligés de faire des hypothèses et de nous baser sur les statistiques que nous venons d’évoquer.
1. L’Apple Watch est-elle un succès si on rapproche ces chiffres aux ventes des autres montres connectées ?
La réponse est clairement oui. À titre de comparaison, Pebble est sans doute l’acteur qui, hormis Apple, tire le mieux son épingle du jeu. L’entreprise a « levé » 20 millions de dollars lors de sa campagne KickStarter. Le modèle de base était proposé à 159 $. Autrement dit, environ 130 000 personnes l’ont précommandé. On ne serait pas étonné qu’Apple ait réalisé plus de chiffre d’affaires rien qu’avec l’Apple Watch Edition.
Il a fallu sept trimestres à Pebble pour franchir le cap du million de montres vendues. Au passage, comparaison n’est pas toujours raison. Il ne faut pas minimiser pour autant le succès et la montée en puissance de cette start-up. Certes, ses chiffres de ventes paraissent insignifiants, mais plus d’un fabricant de montres Android Wear aimerait avoir le même engouement pour ses montres connectées.
En 2014, les montres Android Wear n’ont pas atteint le million d’exemplaires vendus. L’année dernière, seul Samsung a fait légèrement mieux que la moyenne, mais en étant très agressive sur les prix.Il ne fait guère de doute qu’Apple est d’ores et déjà l’acteur numéro un sur le marché des montres connectées.
2. L’Apple Watch connait-elle un succès dans la lignée de l’iPod, l’iPhone et l’iPad ?
Si l’on part du principe qu’Apple a écoulé un million de montres lors de sa campagne de précommande, ce qui semble être une estimation assez prudente, la réponse est oui.
Il avait fallu sept trimestres (près de deux ans) à Apple pour franchir le cap du million avec le tout premier iPod, 74 jours pour l’iPhone et 28 jours pour l’iPad. L’Apple Watch se permet d’être en avance sur ses devanciers, mais là encore, toutes ces statistiques sont à prendre avec des pincettes.
On rappellera par exemple que l’iPod était d’abord réservé aux utilisateurs de Mac (une base d’utilisateurs bien moindre que la base d’utilisateurs iPhone, surtout dix ans en arrière), que l’iPhone était en vente uniquement aux États-Unis auprès d’un seul opérateur, ou encore que l’iPad, qui avait signé jusque-là le meilleur départ, a également vu sa croissance ralentir très rapidement.
3. L’Apple Watch est-elle un feu de paille ?
C’est sans doute la question la plus complexe, car nous manquons à la fois de données et de recul. Optons pour le scénario pessimiste affirmant qu’Apple vend 20 000 montres par jour sur le marché américain, ce qui représente environ 35 % du chiffre d’affaires pour Apple.
En rythme de croisière, au niveau mondial, Apple peut donc tabler sur 50 000 à 60 000 unités par jour. En extrapolant, on serait donc à plus de 15 millions d’unités par an. Sachant que l’Apple Watch est un produit « saisonnier » qui a le potentiel de faire un carton à l’approche des fêtes de fin d’année, il y a de quoi être optimiste. Cette estimation à la louche est à comparer avec les 7 millions de montres connectées qui ont trouvé preneur en 2014.
Pour un nouveau business, ce n’est pas si mal, même si c’est en dessous des prévisions de certains analystes. Insistons sur le fait que le prix moyen de vente de l’Apple Watch est beaucoup plus élevé que celui de ses concurrents. Le modèle qui ouvre la gamme à 399 € est déjà plus cher que 99 % des montres connectées.
Enfin, l’Apple Watch entrouvre un marché particulièrement juteux pour son concepteur : celui des accessoires. Le marché des bracelets n’a sans doute rien à envier à celui des étuis et des bumpers pour l’iPhone.
La vraie difficulté pour Apple n’est pas là. Chaque itération ou presque d’iPhone, d’iPod et d’iPad a su conquérir de nouveaux utilisateurs. Il va falloir que la firme de Cupertino crée une véritable dynamique sur le long terme autour de son objet connecté.
Pour le moment, l’Apple Watch est considérée par beaucoup comme un simple gadget à qui il manque certainement des applications innovantes. Apple a joué la carte du fitness et de la mode pour lancer son produit. À plus long terme, pour lui donner de la consistance, la firme de Cupertino va devoir sans doute changer son fusil d’épaule. La santé et la domotique sont deux domaines d’applications qui pourraient changer radicalement la perception de l’Apple Watch.