Fresco : Adobe veut faire « renaitre » la peinture numérique

Anthony Nelzin-Santos |

« Gemini » n’est plus un projet, mais une réalité, qui prend le nom de Fresco. Avec cette nouvelle application spécifiquement conçue pour les tablettes, Adobe veut faire « renaitre » la peinture numérique. En attendant Photoshop pour iPad, toujours prévu pour la fin de l’année, Fresco s’adresse plus particulièrement aux illustrateurs et aux dessinateurs.

L’écran d’accueil de Fresco.

Avec Fresco, Adobe veut contribuer à « la nouvelle révolution de l’illustration numérique » permise par « la combinaison du tactile et du stylet ». Une combinaison qui n’est pas exclusive à l’iPad, mais Fresco est réservée à la tablette d’Apple. « Apple a créé la plateforme de dessin la plus expressive avec le Pencil », explique Bryan O’Neil Hughes, directeur du développement des produits Adobe. Et l’application tire parti de l’accélération graphique avec Metal : « nous sommes époustouflés par les capacités matérielles de l’iPad ».

Fresco n’est pas Photoshop, dont la version iPad est toujours prévue pour la fin de l’année. « Nous avons l’occasion de regarder vers le futur », explique Bryan O’Neil Hughes, « Photoshop est le présent d’Adobe, mais un présent qui vient avec trente ans de passif ». La toute première version de Photoshop pour iPad sera entièrement dévolue au compositing et à la retouche, un cadre restreint pour mieux optimiser les performances et l’interface.

De la même manière que Lightroom répond aux besoins des photographes professionnels et que XD est pensé pour le développement d’interfaces applicatives, Fresco s’adresse aux illustrateurs et aux dessinateurs. Après quelques révisions, Photoshop pour iPad intègrera probablement des outils de peinture numérique. Mais Fresco est « un outil spécialisé pour répondre à des besoins différents et pour toucher de nouveaux utilisateurs », qui va au-delà des capacités actuelles de Photoshop.

Un dessin (inachevé, faute de temps) dans Fresco, avec l’apparence sombre. Remarquez la petite bulle en bas à gauche : poser le doigt dessus permet de transformer le pinceau en gomme, et donc d’éviter les tracés abrupts de l’outil Gomme traditionnel, par ailleurs disponible.

L’interface de Fresco, que l’on devrait retrouver peu ou prou dans Photoshop, sera familière aux utilisateurs des applications d’Adobe. La barre d’outils tombe sous le pouce d’une main1, et l’on tient le Pencil de l’autre. On peut appuyer avec un doigt pour récupérer une couleur, glisser à deux doigts pour déplacer la zone de travail et bien sûr pincer pour zoomer, et enfin taper à deux doigts pour annuler la dernière action, comme dans la plupart des applications de dessin.

Fresco hérite des calques, des modes et des masques de fusion, ainsi que des outils de sélection de Photoshop. L’application de peinture numérique prend en charge trois types de pinceaux :

  • les pinceaux Photoshop, dont la collection de 1 800 pinceaux « premium » conçus par Kyle Webster et les pinceaux créés avec Adobe Capture ;
  • les pinceaux vectoriels Photoshop ou Illustrator ;
  • et les nouvelles « Live Brushes » capables de simuler le comportement des peintures à l’huile et des aquarelles.

Après seulement quelques jours d’utilisation d’une version préliminaire de Fresco, nous nous garderons de tout jugement définitif. Disons seulement que les « Live Brushes » nous semblent convaincantes… pour des pinceaux numériques. Fresco est souvent surprenant de réalisme — on peut travailler la peinture à l’huile virtuelle à l’impasto, on peut alterner entre la technique sèche et la technique humide pour enrichir une aquarelle, on peut peindre (presque) comme on le ferait « en vrai ».

Peinture à l’aquarelle dans Fresco. Vidéo Adobe.

Après avoir choisi la forme et la taille du pinceau, on peut régler le flux (la densité du pigment) et le mélange (la capacité du pinceau d’être « pollué » par les couleurs déjà peintes). À l’huile, vous pourrez supprimer le nettoyage automatique du pinceau pour un comportement plus naturel, ou ajouter une fine texture de toile à votre calque. À l’eau, vous pourrez garder un calque humide aussi longtemps que vous le voudrez, puis le sécher d’un tap.

En somme, le logiciel simule étonnamment bien le comportement des peintures. Malgré toute l’intelligence de la technologie Adobe Sensei et tout le perfectionnement de l’Apple Pencil, Fresco n’est pas (encore ?) capable de récréer toute la dynamique d’un pinceau ou d’un couteau, sans parler des interactions entre les outils et le support. Un stylet ne glisse pas sur du verre comme un pinceau glisse sur le papier et un couteau racle contre la toile.

Major Tom, de Kyle Webster, peint avec Adobe Fresco.

Fresco permet d’appliquer son expérience de l’huile ou de l’aquarelle à la peinture numérique, mais n’est pas un simulateur de peinture à l’huile ou à l’aquarelle. C’est un médium à part entière, dans lequel les pinceaux ont une réserve infinie de peinture et ne sèchent jamais, où des pinceaux vectoriels peuvent interagir avec la peinture, où l’on peut empiler les calques et les masques pour créer des formes inédites.

Un médium qui devrait être sculpté par ses utilisateurs. Adobe invite les artistes virtuels à donner leur avis et suggérer des fonctions à travers un module de communication intégré à l’application elle-même. Kyle Webster nous a ainsi confié qu’une prochaine version de Fresco permettra de régler la forme et la finesse de la texture de la toile virtuelle.

Tiger, de Wren Sauer, peint avec Adobe Fresco.

Fresco est gratuite, mais vous devrez posséder un compte Adobe ID pour l’utiliser. Et vous devrez être abonné au Creative Cloud pour l’utiliser pleinement. Sans abonnement, pas d’exportation au format PSD avec une définition pouvant atteindre 8K, pas de stockage des fichiers dans le nuage, pas de synchronisation des pinceaux et des palettes de couleurs, et pas d’accès aux fameux pinceaux de Kyle Webster.

Fresco est compatible avec tous les modèles d’iPad compatibles avec l’Apple Pencil, c’est-à-dire tous les modèles d’iPad Pro, mais aussi l’iPad Air de troisième génération et l’iPad mini de cinquième génération, ainsi que les iPad de cinquième et sixième générations. La latence est réduite avec le Pencil 2, dont le « double tap pour effectuer une action » est pris en charge. Fresco est présenté avec l’iPad, mais sera disponible « dans le futur sur Microsoft Surface et Wacom Mobile Studio Pro. »


  1. Gauche par défaut, mais on peut la passer à la droite. De la même manière, l’interface est claire par défaut, mais on peut choisir une apparence sombre.  ↩

avatar gratosax | 

Yes. Merci pour cet article complet.
Je découvre à peine procreate qui semble un peu plus évolué, mais je vais tester Fresco quand même ! On ne sait jamais !

avatar oomu | 

"poser le doigt dessus permet de transformer le pinceau en gomme, et donc d’éviter les tracés abrupts de l’outil Gomme traditionnel"

c'est un principe de base: pouvoir utiliser tout pinceau, personnalisé ou non, comme outil pour appliquer n'importe quoi : gomme, filtre, calque, etc.

et plutôt de se restreindre que à l'offre Adobe et aux articles (nombreux) qui vont inonder vos sites favoris, j'encourage, voir j'implore, que vous donniez leur chance à d'autre logiciels.

Par exemple Procreate a déjà tout ça, il est là, il est le présent. Et il n'est qu'un logiciel parmi de nombreux autre.

-
(accessoirement, sur Affinity Photo iPad, bien évidemment je n'utilise pas nécessairement la gomme avec un pinceau dur mais le pinceau parmi les zillions de possibilités adapté à ce que je cherche à faire).

avatar fte | 

@oomu

De façon générale, se limiter à un logiciel revient à se limiter à une approche ou un style et dans tous les cas aux cadre imposé par le logiciel.

Mais l’apprentissage de nombreux logiciels peut aussi faire perdre l’objectif réel, qui n’est pas un logiciel mais bien l’œuvre graphique.

A moins que le logiciel soit l’objectif, bien entendu, tout comme l’appareil photo est bien souvent l’objectif des amateurs de technique photo plus que la photographie elle-même.

Un calepin et une palette d’aquarelle, quelques fineliners pigmentés, c’est sympa aussi.

avatar occam | 

« Fresco permet d’appliquer son expérience de l’huile ou de l’aquarelle à la peinture numérique »

Dommage que le marketing de chez Adobe prenne ses clients potentiels pour des philistins qui ignorent que la technique de la peinture al fresco est, justement, passablement différente de la peinture à l’huile ou de l’aquarelle.
(Quoique la peinture à l’huile / Soit bien difficile /
Mais c’est bien plus beau / Que la peinture à l’eau.)

Et les corrections sur le buon fresco, parlons-en. Apple serait aux nues, il faudrait changer d’iPad à chaque fois.

Ils auraient mieux fait de s’inspirer de MINCE ou GNU et créer un acronyme récursif auto-descriptif :
FinP (= FinP is not Photoshop).

avatar eugenemr | 

Ils réinventent Painter quoi. J’aime beaucoup la première illustration, niveau technique du pinceau ça se pose là, on dirait une illustration vectorielle 🙃

avatar marc_os | 

@eugenemr
Et oui, ils réinventent Painter qui comme par hasard n'est pas cité dans l'article.

avatar marc_os | 

Ah bon, Creative Cloud est gratuit ?
Non ? Alors racontez pas des sornettes en écrivant que « Fresco est gratuite » !!
Dites plutôt que Fresco est inclu dans l'offre CC.

avatar Anthony Nelzin-Santos | 
@marc_os : relisez ce que j'ai écrit. L'application elle-même est gratuite, et toutes ses fonctions de base sont accessibles sans le moindre abonnement. (La meilleure preuve, c'est… que je n'ai pas d'abonnement CC, et ça ne m'a pas empêché de la tester pendant plusieurs jours.)
avatar marc_os | 

@Anthony Nelzin-Santos
« vous devrez posséder un compte Adobe ID pour l’utiliser »
Autant pour moi, je croyais qu'obtenir un compte Adobe ID était payant. J'ai confondu avec l'abonnement de CC.

avatar Sic transit | 

Communication/publicité, production vidéo/cinéma, édition livres/magazines, Web, imprimerie…
Personne ne trouve un peu délirant que des secteurs entiers de l'économie soient totalement assujettis à cette seule compagnie ?

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