Le marketing est une composante importante du succès d’Iliad. Récemment, lors d’une conférence à l'École polytechnique, Xavier Niel a expliqué comment son entreprise cultivait sa différence dans ce domaine.
La composante prix a toujours été un ingrédient majeur dans le succès de Free et de Free Mobile. Xavier Niel explique que sa société établit des « niveaux de tarification » qui servent de référence par la suite à ses concurrents. 29,99 € a ainsi longtemps été le prix référence pour l’ADSL.
En lançant ses forfaits de téléphonie mobile, Free Mobile a fait du 19,99 €, le prix « standard » pour un forfait sans engagement avec 3 Go de DATA. Pour Xavier Niel, l’autre différence de Free par rapport à bon nombre de ses concurrents, c’est que sa société essaie d’en offrir toujours plus pour le même prix.
Il a pris pour illustration de ce propos son forfait à 19,99 € que l’on peut désormais utiliser sans surcoût dans de nombreux pays européens. Free se distingue également de ses concurrents par la simplicité et la lisibilité de son offre. La société propose au total quatre formules seulement. Tout ceci fait que l’offre de Free et de Free Mobile est facilement identifiable par le consommateur.
Toute cette problématique, le cofondateur d’Iliad la résume en une seule phrase : « Vous connaissez tous les prix de Free, mais je vous mets au défi de connaitre le prix de tous nos concurrents ».
Une liberté de ton assumée
Dans sa communication, Niel insiste sur la liberté de ton assumée de son groupe. Pour lui, c’est avant tout une affaire de contexte. Il estime qu’il y a une cassure entre la base et les élites. Les intermédiaires n’arrivent pas à faire le lien entre les deux parties. Il reconnait, en tant qu’actionnaire du journal Le Monde, que c’est la faute en partie de la presse. Elle s'est, selon lui, rapprochée des élites et éloignée de la base. Cet éloignement fait que la base ne croit plus tout aux propos tenus par tout ce qui ressemble à une forme de pouvoir.
Mais Free dans tout ça ? Niel explique que sa société est arrivée dans ces métiers en ne suivant pas un chemin classique. « À l'origine, on s’est retrouvés de manière involontaire à être toujours en opposition avec toute forme de pouvoir (en respectant la loi), en étant toujours le mauvais petit canard. On s’est aperçu que d’un point de vue marketing, c’était toujours parfait ».
Xavier Niel a évoqué les récentes prises de position du gouvernement qui critiquait la politique tarifaire de son groupe. À chaque fois qu’Arnaud Montebourg tapait sur son groupe, le lendemain était systématiquement une bonne journée en matière de recrutement.
Arnaud Montebourg, l'agent marketing de Free Mobile
Et d’ailleurs, cet excès d’engagement d’Arnaud Montebourg dans le dossier des télécoms, Xavier Niel reconnait l’avoir exploité à plusieurs reprises. La cellule marketing de Free/Free Mobile est composée de trois personnes. Sur le ton de la plaisanterie, Niel affirme que Montebourg est le quatrième mousquetaire de la bande et qu’en plus, il présente l’avantage d’être payé par l’État.
Au cours de cette conférence, l'entrepreneur explique comment il s’est servi du ministre pour mettre sur de bons rails l’offre 4G qu’il venait de lancer. Rappelons qu’Arnaud Montebourg, quand il était dans l’opposition, voyait d’un bon oeil l’arrivée de Free Mobile. À l’époque, il avait rédigé un tweet dans lequel il expliquait que Xavier Niel « avait fait plus pour le pouvoir d’achat des Français que Nicolas Sarkozy en 5 ans ». Mais depuis qu’il est au gouvernement, son opinion sur le sujet a largement évolué.
Le 10 décembre 2013 au matin, 700 jours plus tard, Xavier Niel a répondu en public à ce tweet en affirmant que Free Mobile faisait toujours plus pour le pouvoir d’achat en proposant la 4G sans surcoût, même sur le forfait à 2 €.
Il s’agissait d’un joli piège. Niel était persuadé à juste titre que si le ministre répondait, cela ferait du buzz et assurerait un joli coup de pub à Free Mobile. Xavier Niel a expliqué qu’ils avaient anticipé en interne toutes les réponses possibles d’Arnaud Montebourg.
Les dirigeants de Free Mobile ont attendu des heures une réponse du ministre. Ils ont même pensé à un moment qu’elle ne viendrait pas et qu’ils avaient raté leur coup. Mais en début d’après-midi, Arnaud Montebourg est sorti de sa réserve en attaquant Free Mobile sur la question de l'emploi. Un scénario que Xavier Niel et son équipe avaient anticipé.
En réponse, Xavier Niel publia les chiffres de l'Arcep qui prouvaient le contraire. Tout le génie marketing de Free est là. Pendant qu'Arnaud Montebourg et Xavier Niel s'écharpaient sur Twitter, la toile s'enflammait et Free Mobile engrangeait à la pelle de nouveaux abonnés.
Iliad : une centaine de licences Windows
La réussite des deux fililales d'Iliad ne peut s’expliquer uniquement d’un point de vue marketing. Durant cette conférence, Xavier Niel a donné les ingrédients qui ont fait selon lui la réussite de son groupe. Il a insisté sur le principe de tout faire soi-même. « On ne peut se reposer sur des consultants». Iliad internalise tout et cela va très loin. Niel explique notamment qu'Iliad ne dispose que d'une centaine de licences Windows alors que son groupe compte plus de 6000 salariés. Tous les outils dont Free a besoin sont développés en interne.
Se concentrer sur l'essentiel, c'est l’autre leitmotiv d'Iliad. Et cela présente également des avantages en matière de coûts. En ayant une offre resserrée, Iliad possède un système d'information qui ne lui coûte pas grand-chose. C'est l'un des aspects qui distingue l'opérateur de ses concurrents. D'ailleurs, faire des économies sur le système d'information est l'un des grands chevaux de bataille de Bouygues Telecom qui a annoncé cette semaine un vaste programme d'économie (lire : Bouygues Telecom continue seul son chemin de croix).
Xavier Niel a également évoqué trois autres points qui sont en grande partie à l'origine du succès de son groupe : le contrôle des coûts (il a expliqué qu'il continuait à surveiller les factures qui dépassaient les 1000 euros), l'intéressement des salariés et la nécessité d'innover.
Concernant ce dernier point, Niel insiste sur le fait qu'il est important d'attaquer un marché en procédant d'une manière nouvelle, différente. Il donne l'exemple du réseau de distribution dans la téléphonie mobile. Au lieu de chercher à concurrencer de manière frontale ses concurrents avec un réseau hyperdense, Free Mobile a développé ses fameux distributeurs de cartes SIM, qui permettent de s'abonner très simplement et rapidement à son service. Personne n'y avait pensé jusque-là, souligne Xavier Niel. C'est une manière à la fois efficace et économique de se rapprocher du client.
La conférence dure une trentaine de minutes et est assez intéressante à regarder. Elle est surtout instructive et permet de bien comprendre comment Iliad a pu, en l'espace de quelques années seulement, devenir un acteur incontournable sur le marché du fixe d'abord, sur celui du mobile ensuite. En attendant, sans nul doute, d'autres surprises à l'avenir…
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