Sonos n’a pas attendu l’essor d’AirPlay et des appareils audio Bluetooth pour connecter ses enceintes à un réseau local. Depuis 2002, l’entreprise américaine s’est même forgée un statut de leader sur le secteur et on retrouve ses produits chez un grand nombre de particuliers, mais aussi dans des établissements publics.
Ce développement en parallèle explique que l’écosystème Sonos reste isolé. La stratégie du constructeur n’est pas d’intégrer une technologie sans-fil concurrente, ou bien un standard comme le Bluetooth. L’objectif est plutôt d’intégrer aux enceintes tous les services de streaming. Dernière entrée en date d’importance : Apple Music, actuellement proposé en bêta.
Que vaut cette approche ? Nous avons voulu le savoir en testant la Play:5 nouvelle génération, l’appareil le plus récent dans la gamme Sonos. C’est le haut de la gamme et à 579 € environ, c’est un produit assez cher, mais mérite-t-il son prix ? C’est ce que nous allons déterminer !
Une enceinte massive, mais élégante
La Play:5 n’est pas une enceinte portable, loin de là. Les petits modèles de Sonos peuvent être relativement déplacés d’une pièce à l’autre, mais cette enceinte gagnera à être placée dans une pièce et à ne plus bouger. Elle est encombrante — 36,4 cm de long, 20,3 cm de haut et 15,4 cm d’épaisseur — et elle est surtout lourde avec ses 6,36 kg sur la balance. Ajoutez à cela l’absence de poignée ou de prise quelconque et vous obtenez un appareil inconfortable à porter.
En revanche, ce poids élevé est un gage de qualité et la Play:5 est remarquablement bien construite. C’est bien simple, il n’y a aucune partie visible qui bouge, l’ensemble est en plastique dur très solide. Même la grille des haut-parleurs, construite en métal ajouré, respire la solidité et inspire confiance. Dans l’ensemble, ce design nous a paru très convaincant, sobre et même minimaliste, et surtout très fonctionnel.
Ajoutons que l’on peut positionner l’enceinte dans trois sens différents. Par défaut, à l’horizontale, avec les contrôles sur le dessus, mais on peut aussi la placer à la verticale, avec les contrôles à gauche ou à droite. Sonos a prévu les pieds nécessaires pour que l’appareil tienne bien à chaque fois, tandis que des accéléromètres à l’intérieur servent à déterminer l’orientation pour changer la configuration des haut-parleurs intégrés.
Sur la face avant, la grille qui protège les haut-parleurs n’est interrompue que par le nom de Sonos, qui reste néanmoins discret. À l’arrière, toute la connectique est rassemblée, mais il faut dire qu’elle est très limitée, puisque l’on doit se contenter de l’alimentation, d’un port Ethernet et d’une entrée jack. C’est la philosophie Sonos, qui base tout sur son écosystème connecté, mais on y reviendra par la suite.
En attendant, un mot sur les contrôles qui sont tactiles, mais une fois n’est pas coutume, ils sont très agréables à utiliser. Probablement parce que Sonos n’a pas intégré de boutons à proprement parler, mais plutôt des zones tactiles : il suffit de tapoter sur la gauche pour baisser le son, sur la droite pour l’augmenter et au milieu pour mettre en pause. Si l’enceinte est accessible, ce qui n’est pas nécessairement le cas, c’est un bon moyen d’ajuster la lecture d’une tape. Ou d’un glissement, puisque l’on peut même passer au morceau suivant ou au précédent en glissant sur toute la surface. Nous n’avons jamais été déçu par cette zone tactile, elle a toujours fonctionné parfaitement pendant nos essais.
Pour finir le tour du propriétaire, un mot sur les composants rangés derrière la grille. Le Play:5 est composé de six haut-parleurs différents, trois pour les médiums et trois tweeters pour les aigus. Chaque élément est alimenté par son propre amplificateur de classe D et même si Sonos ne donne aucune indication technique, la puissance totale est bien suffisante pour alimenter une pièce, même de bonne taille. Cela ne suffira pas pour une discothèque, naturellement, mais on n’a jamais dépassé les 50 % de volume pour sonoriser un salon et à ce niveau, le son était déjà trop élevé.
La nouvelle Play:5 n’est pas seulement puissante, elle offre aussi une qualité sonore hors-pair. Nous n’avions pas testé la version précédente, mais cette enceinte connectée est excellente et elle peut restituer la musique de façon fidèle, à condition de désactiver le mode « Loudness », actif par défaut. La scène sonore est plutôt bonne, mais on est loin de la stéréo, pour laquelle Sonos a une solution : acheter une deuxième enceinte et les associer. Ajoutons que la qualité est bonne à tous les volumes : la saturation est bien contenue lorsqu'on pousse l’appareil dans ses retranchements, et la musique est encore claire et audible à faible volume.
L’enceinte est toujours connectée et donc toujours en veille. La Play:5 ne peut jamais être éteinte, sauf à retirer le câble d’alimentation. Elle est prête en permanence à démarrer en cas de besoin, ce qui implique aussi qu’elle est toujours active, mais Sonos a bien fait les choses. Quand on arrête de l’utiliser, elle consomme environ 7 W pendant quelques minutes, avant d’entrer dans une veille plus profonde où elle ne consomme plus rien. Il y a bien une LED qui reste active sur le dessus (et que l’on peut désactiver dans les réglages), mais la consommation est inférieure à 1 W une fois dans ce mode.
En fonctionnement actif, la Play:5 nécessite naturellement plus de puissance : jusqu’à 80 W au volume maximum, difficile à supporter, mais une vingtaine de Watt environ à un volume largement suffisant pour une grande pièce.
Le plus riche écosystème de services connectés
Sonos conçoit des enceintes connectées depuis plusieurs années, et le constructeur est allé jusqu’au bout de la démarche. La Play:5 dispose bien d’une entrée analogique au format mini-jack, mais c’est la seule de la gamme et on sent bien que c’est une béquille qui pourra dépanner, mais qu’on ne l'utilisera pas au quotidien.
Cette enceinte exploite d’abord sa connexion au réseau local et surtout à internet pour obtenir la musique. Depuis un appareil mobile ou un ordinateur sur le réseau, on peut envoyer la musique stockée en local, que ce soit la bibliothèque musicale d’un iPhone, ou des dossiers sur un Mac. Mais elle prend tout son sens quand elle peut accéder à internet et à l’un des nombreux services de streaming pris en charge. De Spotify à Apple Music, en passant par Soundcloud, Google Play Music ou encore Qobuz, il y a de fortes chances que votre service de prédilection soit dans la liste.
Sonos travaille avec chaque service pour l’intégrer à son écosystème. Pour l’utilisateur, l’avantage est assez évident : on choisit depuis l’application du constructeur le, ou les services, que l’on veut utiliser et tout se fait ensuite depuis le même appareil. À l’heure actuelle, Sonos dispose d’une application iOS adaptée aux iPhone et aux iPad, d’une application Android et d’un logiciel que l’on peut installer sur OS X ou sur Windows.
Cette application sert à tout dans l’univers Sonos. C’est avec elle que l’on configure l’enceinte la première fois, qu’on peut éventuellement saisir le mot de passe du réseau Wi-Fi pour l’utiliser sans fil (pour la configuration, l’Ethernet reste obligatoire). Sonos Controller gère aussi les paramètres de l’enceinte, en particulier la qualité sonore. C’est d’ailleurs l’autre innovation du constructeur, qui n’hésite pas à mettre en avant la fonction TruePlay.
L’idée est simple : vous placez la Play:5 dans une pièce et vous utilisez ensuite les microphones de votre iPhone ou iPad pour calibrer l’enceinte en fonction de ce positionnement. La procédure est assez simple, bien que bruyante, et en une minute ou deux, on a une calibration spécifique à la pièce, mais aussi au placement de l’appareil. S’il est trop proche d’un mur, si la pièce est trop vide et résonne, l’application fera de son mieux pour améliorer le rendu en changeant les paramètres.
Tout se fait automatiquement et même si nous n’avons jamais vraiment entendu la différence entre avant et après — dans tous nos essais, l’application indiquait que les changements effectués étaient minimes —, c’est une fonction originale et qui peut vraiment servir. Si vous devez poser une Play:5 dans un coin de la pièce ou si vous en utilisez deux, ce genre d’ajustement est à la fois utile et complexe à réaliser en temps normal.
Une fois la configuration terminée, c’est aussi avec cette application que l’on ajoute des services. La procédure change en fonction des cas, il faut parfois s’identifier directement, parfois saisir un code sur le site du service. Mais quand c’est fait, Sonos a réussi à imposer son interface à tous ses partenaires, y compris Apple. Le gros point fort, c’est que l’on peut rassembler plusieurs sources avec une seule application et une seule interface.
D’ailleurs, l’application permet très simplement de passer d’une source à l’autre et intègre même une fonction « Favoris » où l’on peut ajouter un artiste, un album ou une liste de lecture fournie par n’importe quel service. Pour cela, il suffit de choisir un élément et au lieu de lancer la lecture, de l’ajouter aux favoris. On peut même créer une liste de lecture et y ajouter des morceaux qui proviennent de n’importe quelle source.
L’application pourrait être plus ergonomique et limiter le nombre d’actions nécessaires pour utiliser certaines fonctions. Quand vous l’ouvrez sur un iPhone et que vous souhaitez lancer un album, il faut au minimum cinq ou six tapotements, sauf bien sûr si vous utilisez les favoris de Sonos. Depuis une liste de morceaux, on ne peut pas lancer la lecture d’un tap, il en faut nécessairement deux. En contrepartie, Sonos propose aussi beaucoup de fonctions et permet de gérer la liste de lecture avec beaucoup de sophistication… mais la simplicité n’est pas son fort.
Sur les ordinateurs, le logiciel de gestion souffre du poids des années et il aurait bien besoin d’une nouvelle interface. Néanmoins, quelle que soit la plate-forme choisie, l’approche de Sonos a un gros intérêt : le flux n’est pas diffusé depuis un appareil en local, mais depuis les serveurs des services.
Quand on lance un morceau pioché dans Apple Music en utilisant son iPhone, le téléphone ne sert qu’à choisir le morceau. La diffusion se fait directement depuis les serveurs d’Apple et n’importe quel utilisateur sur le réseau local. Ce qui veut dire que n’importe quel contrôleur Sonos peut gérer la lecture, changer de morceau et accéder au catalogue. Côté positif, on apprécie la souplesse offerte par ce système : on peut contrôler la lecture en utilisant son Mac, puis son iPhone, puis un appareil Android. On peut lancer un morceau sur l’iPad, et le retrouver immédiatement sur l’iPhone ou un ordinateur sous Windows.
C’est très simple, mais d’un autre côté, n’importe qui sur le réseau local peut prendre le contrôle de l’enceinte et surtout accéder à tous les services associés. Sonos enregistre les informations de connexion directement dans ses enceintes, si bien qu’il suffit de se connecter à la Play:5 déjà configurée pour afficher les comptes Spotify, Deezer ou encore Apple Music déjà enregistrés. Ce qui, selon les cas, est problématique : lancer un morceau Spotify sur l’enceinte peut couper la lecture sur l’iPhone du propriétaire du compte.
Un écosystème qui enferme aussi l’appareil
Même si l’on peut faire quelques réserves sur les applications Sonos et leur mode de fonctionnement, force est de constater que l’écosystème mis en place par le constructeur est son point fort. On a accès à tous les services majeurs, et on bénéficie à chaque fois de la même interface : l’ensemble est extrêmement cohérent.
C’est le plus gros avantage des Sonos… et aussi le plus gros inconvénient de ces produits. Certes, la Play:5 testée ici dispose d’une entrée auxiliaire, mais c’est la seule de la gamme et ce n’est pas la fonction principale du produit. Et cette enceinte connectée ne propose ni Bluetooth, ni AirPlay, ce qui limite son intérêt quand on utilise des produits Apple.
Le Bluetooth serait bien pratique pour diffuser rapidement un morceau depuis n’importe quel smartphone. Quant à AirPlay, son absence se fait sentir surtout quand on utilise la Play:5 avec un iPhone ou un iPad. Pour contrôler la lecture, on ne peut pas utiliser le Centre de contrôle qui est pourtant toujours accessible rapidement. Il faut nécessairement ouvrir l’application Sonos et à l’usage, c’est beaucoup plus contraignant.
Même si vous utilisez un Mac, ne pas pouvoir exploiter directement iTunes en guise de source est tout aussi ennuyeux. Certes, on peut indexer le dossier qui contient la musique, mais on aimerait autant que les produits Sonos s’intègrent à ce que l’on a déjà. Et puis parfois, il n’y a pas de solution : contrairement à une enceinte AirPlay, il est impossible de diffuser le son depuis un Apple TV, sur une Play:5 ou un autre modèle de la marque.
Pour finir, la liste de services pris en charge est longue, mais elle ne couvre pas tous les besoins. Et pour rester dans l’univers d’Apple, il y a un absent notable : iTunes Match. Si vous utilisez cette fonction pour publier votre bibliothèque musicale sur les serveurs d’iTunes, vous ne pourrez pas l’utiliser pour écouter de la musique sur une enceinte Sonos. Sauf à lancer la lecture en local, depuis un appareil iOS, mais on perd alors la connexion en direct aux services qui est l’un des points forts de ce produit.
Pour conclure
C’est la première enceinte Sonos que l’on teste sur ce site et il y aurait encore beaucoup à dire sur l’écosystème du constructeur, pas seulement du côté des services de streaming, mais aussi du matériel. On peut très facilement sonoriser une maison entière, voire des lieux plus grands, en ajoutant des enceintes et en les combinant par pièce. On peut aussi utiliser quatre Play:5 avec la Playbar et le Sonos Sub pour obtenir une installation home-cinema hors de prix (comptez au minimum 2 000 €), mais connectée et d’excellente qualité.
En effet, avant d’être connectées, les enceintes Sonos sont d’abord des appareils chargés de restituer la musique. Et il faut bien reconnaître que le travail du constructeur est excellent, au moins sur cette nouvelle Play:5. C’est la meilleure enceinte connectée que nous avons pu entendre, et c’est un excellent appareil tout court. La qualité de fabrication et le soin apporté aux détails renforcent le sentiment que l’on en a pour son argent.
Néanmoins, ce bon sentiment est quelque peu gâché par la fermeture de l’écosystème Sonos, surtout quand on utilise la Play:5 avec un appareil iOS ou un Mac. On peut retrouver tous les acteurs majeurs du streaming et c’est une bonne chose. La possibilité de contrôler l’enceinte avec n’importe quel appareil sur le réseau local est intéressante, même si elle implique de faire confiance. Mais pourquoi ne peut-on pas, ne serait-ce qu’en dépannage, utiliser AirPlay ou du Bluetooth ?
On peut comprendre que Sonos veut garder un contrôle total sur ses produits, mais à nos yeux d’utilisateurs de produits Apple, c’est un vrai défaut. Au quotidien, ce serait bien pratique, même si l’intégration d’Apple Music est une bonne chose. Néanmoins, la Play:5 reste un excellent produit et si vous avez le budget, c’est un meilleur choix que bon nombre d’enceintes uniquement compatibles AirPlay. Si elle était plus ouverte, ce serait un sans-faute que l’on recommanderait sans hésiter. En l’état, c’est une réussite, mais qui ne conviendra pas à tout le monde.