Mise à jour 16/02 — Le projet de loi n'a pas passé la rampe : par 36 voix contre 11, le texte a été rejeté. On a d'ailleurs appris qu'il avait été rédigé par un lobbyiste d'Epic Games, en guerre contre Apple ! Cela ne signifie pas pour autant qu'Apple est sortie de l'auberge, des enquêtes sur les pratiques du constructeur ont lieu au niveau fédéral.
Article original 10/02 — La pression monte encore d'un cran contre la mainmise d'Apple et, dans une moindre mesure, de Google sur leurs boutiques d'applications mobiles. La législature du Dakota du Nord a introduit un texte de loi numéroté 2333, qui fait voler en éclat le principe d'une plateforme de distribution unique et exclusive ainsi que du mécanisme d'achats intégrés qui y est attaché. Ce texte, s'il est voté, s'appliquera dans l'État américain, mais on imagine mal Apple et Google livrer des versions d'iOS et d'Android uniquement pour le Dakota du Nord.
Dans le détail, une boutique d'applications comme l'App Store et le Play Store1 ne pourra obliger un développeur à n'utiliser qu'une seule plateforme de distribution ou de transaction pour ses apps. Autrement dit, cette disposition ouvre la porte à des boutiques alternatives. Idem pour les achats intégrés : le développeur qui le souhaite serait autorisé à facturer du contenu ou des abonnements à partir d'un autre système que celui obligatoire d'Apple — celui-là même qui permet au constructeur de toucher une commission.
Évidemment, un tel texte va complètement à l'encontre du modèle économique d'Apple et de l'App Store sur iOS. Erik Neuenschwander, chef ingénieur en charge de la confidentialité, a témoigné devant la commission du Sénat de l'État en charge de l'examen de cette loi. Selon lui, ce projet « menace de détruire l'iPhone », rien de moins, et « nuit à la confidentialité, à la sécurité, à la sûreté et aux performances de l'iPhone ».
« Nous travaillons dur pour empêcher les "mauvaises applications" d'accéder à l'App Store, et [ce projet de loi] pourrait nous forcer à leur ouvrir la porte », a-t-il poursuivi. Hasard ou coïncidence, l'actualité nous a rappelé cette semaine que la boutique d'Apple était infestée de copies et de clones malfamés (lire : L'App Store toujours engorgé d'applications parasites). Les beaux discours sont peu de choses face à la réalité : les « mauvaises applications » ont fait leur nid sur l'App Store.
David Heinemeier Hansson (DHH), créateur de Ruby on Rails et directeur technique de Basecamp, a lui aussi témoigné mais en soutien au texte. Il avait bataillé l'an dernier contre Apple afin d'obtenir le feu vert pour sa dernière application, Hey, un combat qui avait libéré la parole des développeurs et forcé le constructeur à faire des compromis, jusqu'à baisser sa commission à 15%.
DHH n'a pas manqué de souligner la faiblesse de l'argumentation d'Apple contre le projet de loi : à côté d'iOS, Apple exploite une autre plateforme, le Mac, qui vit très bien sans boutique d'apps exclusive ni système de paiement obligatoire. La loi doit encore mûrir et il ne fait guère de doute que le lobbying d'Apple et de Google va tenter d'en redessiner les contours.
Autre front, celui des développeurs frondeurs de la Coalition for App Fairness, qui regroupe plusieurs grands éditeurs très critiques des pratiques d'Apple (Epic, Spotify, Deezer, Basecamp, Match Group, Tile, France Digitale, etc.). Cette organisation, qui s'est lancée en septembre dernier, exige des plateformes de distribution un changement de pied complet.
La coalition se prépare à augmenter la température d'un cran : Axios rapporte qu'elle a embauché une nouvelle directrice, Meghan DiMuzio ; elle a annoncé la mise au point d'un plan pour « accélérer la prochaine phase de notre travail ». « Le comportement monopolistique [des plateformes] réduit la qualité et l'innovation, augmente les prix et limite le choix pour les consommateurs ».
La coalition, qui compte une cinquantaine de membres, trouvera une oreille attentive à Bruxelles et à Washington, où l'on s'apprête également à sévir (lire : L'Europe et les États-Unis serrent l'étau autour des grandes entreprises).
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Plus précisément, les plateformes de distribution d'apps qui dépassent les 10 millions de dollars de revenus annuels. Les boutiques d'Apple et de Google sont bien sûr directement visées. ↩︎
Source : The Verge