Pour les développeurs qui ont déjà fait leurs armes sur l'iPhone, le passage à l'iPad serait, presque, une promenade de santé. Car si la tablette emprunte beaucoup au smartphone pour le logiciel, interface et ergonomie en revanche doivent être complètement repensées pour profiter de son plus grand écran, voire tirer profit de ses performances. Thomas Sarlandie connaît bien iPhone OS pour avoir rédigé un livre sur sa programmation.
Mais ce sont surtout les applications produites par Backelite, une société parisienne dont il est le directeur technique, qui sont connues des utilisateurs d'iPhone. Le portefeuille de clients de Backelite a des airs de Who's Who de l'App Store français : Le Monde, Allociné, SNCF Direct, Voyages SNCF, Le Point, 20 Minutes, Marmiton, Logic-Immo… Thomas Sarlandie explique les opportunités qu'offre la tablette d'Apple et le défi que pose pour quelques jours encore le développement d'applications iPad lorsqu'on n'a pas l'appareil entre les mains pour tester et valider de toutes nouvelles idées…
iGeneration : Vous connaissez très bien la plateforme iPhone OS, mais l'iPad correspond à un marché, celui de la tablette, qui n'a jamais décollé, comment avez-vous reçu cette annonce ?
Thomas Sarlandie : On est très (très, très) emballés à l'idée de travailler sur l'iPad, c'est une plateforme dont on pense qu'elle va bouleverser les habitudes de consommation de l'information en général. Là où l'iPhone et ses applications ont bousculé le monde du mobile en créant de nouvelles catégories d'applications à utiliser en mobilité, sur l'iPad on voit un potentiel plus grand encore. Qui peut changer complètement la façon dont les gens consomment les services électroniques sur Internet. Je pense qu'on a réussi avec l'iPhone à créer des services que - certaines personnes tout du moins - utilisent plus en situation de mobilité que sur leur ordinateur avec le web. Que ce soit pour lire l'actualité ou acheter des billets de train par exemple - on voit en tout cas une tendance se dessiner en ce sens. On est emballés, car on pense pouvoir créer des expériences qui seront encore plus agréables sur la tablette que sur le web.
Et en tant qu'utilisateur ?
TS : on avait beaucoup d'attentes et on n'a pas été déçus, contrairement à beaucoup qui ont marqué leur pessimisme ou leur déception. Apple a comme d'habitude fait des choix tranchés, mais francs, et c'est grâce à ça qu'ils vont être ultra pertinents et cartonner. Bien sûr, ça n'est qu'une étape, il faut aussi compter avec iPhone OS 4 qu'on espère voir cet été. Et avec lui je pense qu'on ira encore plus loin avec cette tablette.
Est-ce qu'il y a eu un travail d'évangélisation ou de pédagogie à faire sur l'iPad auprès de vos clients qui ont déjà une application iPhone ?
TS : non, ceux qui ont une application iPhone en sont très contents. Il y a un excellent retour sur investissement, que ce soit en usage sur leur site ou en visibilité pour leur entreprise. Ce sont des projets dont ils se servent pour montrer qu'ils ne sont pas uniquement sur le web, qu'ils vont vers le mobile, qu'ils sont capables de créer de nouvelles activités. Au de là du pur retour sur investissement, que ce soit en vente de billets ou en rentrées publicitaires, une application iPhone c'est quelque chose qui leur tient véritablement à coeur. Ils ont suivi les dernières annonces d'Apple et quasiment tous ont posé la question de ce qui pouvait être fait avec l'iPad.
On leur a expliqué qu'une large partie du code source était réutilisable, mais qu'il y avait du travail sur l'ergonomie. On leur a dit qu'il faut en profiter pour exploiter la taille de l'écran et ne pas se contenter du mode de compatibilité (ndr : qui force l'affichage de l'application iPhone du 480x320 vers le 1024x768 de la tablette). On commence donc à développer avec eux de nouveaux modes de fonctionnement et des applications qui soient spécifiques à l'iPad pour en tirer vraiment parti.
Vous travaillez avec le simulateur ou Apple vous a prêté un iPad ?
TS : si on faisait partie de ceux qui en ont un, déjà je n'aurais pas le droit de vous le dire… On montre beaucoup de maquettes en carton à nos clients pour qu'ils se rendent compte de la taille de l'écran. On travaille ensuite avec le simulateur, mais on n'a pas un iPad que l'on pourrait montrer à ces clients pour mener des tests poussés.
Justement, ce n'est pas un casse-tête pour concevoir une ergonomie lorsqu'on ne peut pas se rendre compte de la tenue en main de l'appareil, de son poids, de la réactivité de l'écran… ?
TS : Il y a trois choses qui sont difficiles. D'abord, on n'a pas les applications qui seront livrées en standard avec l'iPad, comme YouTube, Mail ou encore mieux, la suite iWork. Sans tout cela, on ne sait pas encore très bien quels vont être les codes d'ergonomie et les habitudes des utilisateurs.
Comme tout le monde, on a décortiqué les captures d'écran et les vidéos, on a regardé étape par étape, on a fait des captures d'écran des vidéos pour noter les points qui nous paraissaient intéressants… C'est une situation assez bloquante. On travaille actuellement sur plusieurs projets iPad et on a du mal à savoir si telle chose montrée dans un bout de vidéo marche comme on l'imagine, si telle autre va être spécifique à cette application ou présente un peu partout.
Ensuite, comme vous dites, le carton c'est bien, mais on ne se rend pas vraiment compte de ce que va donner l'usage de l'application en vrai. Aujourd'hui on fait des maquettes Photoshop qu'on imprime à l'échelle 1 et que l'on glisse dans notre "iPad en carton". Mais il est difficile de juger si le pouce va pouvoir aller jusque-là ou si on peut vraiment tenir la tablette d'une main. On ne sait pas trop non plus ce que va donner le clavier virtuel. Là on teste nos applications, mais on n'a pas du tout cette dimension tactile par rapport à l'ergonomie. Sur iPhone par exemple il y a des choses dont on ne s'aperçoit qu'avec l'appareil dans la main.
Enfin, ce qui est vraiment gênant, c'est qu'on ne sait pas ce que va donner la tablette en terme de performances. On conçoit des choses plus ou moins compliquées et parfois on se demande si ça s'affichera correctement, parce qu'on sait que sur un iPhone, telle animation ne passe pas. Il faudra attendre d'avoir la tablette pour juger vraiment si ce que montre le simulateur est fluide dans la réalité. On va distribuer une première version de certaines applications dans lesquelles l'interface ne sera pas totalement optimisée, et on améliorera derrière avec une mise à jour.
Vous aurez donc des applis prêtes pour le lancement de la tablette ?
TS : Oui, plusieurs même. Mais je ne peux pas citer de noms, les clients qui ont commandé des applications iPad sont soucieux de maintenir la confidentialité jusqu'au bout.
Comment vendez-vous à des gens qui ont leur site web et une application iPhone, l'idée qu'il peut être intéressant de faire aussi une application spécifique ? Après tout, avec la taille d'écran de cette tablette, les utilisateurs pourraient se contenter d'aller directement avec Safari sur le site du Monde ou du Point par exemple. Où est la valeur ajoutée de l'iPad pour ces clients là ?
TS : On sait déjà, par le biais de certains de nos clients, que des utilisateurs préfèrent l'ergonomie de l'application iPhone. On fait le pari qu'on va être en mesure de proposer une ergonomie qui sera plus agréable sur l'iPad que sur le Web. Il y a eu un tel succès avec l'iPhone que les clients sont prêts à investir pour tester ça, pour essayer de faire des choses avec des interfaces riches que l'on pourrait rapprocher de ce que l'on connaît avec Flash ou Silverlight. Aujourd'hui, on considère que l'iPad est un grand pas en avant vers des applications riches dotées d'une ergonomie plus évoluée que ce que propose le web.
Évidemment, le web a lui aussi évolué, et techniquement parlant, une bonne partie de ce que l'on réalise pour l'iPad serait peut-être faisable pour le web. Mais ce qui nouveau ici, c'est qu'on ne regarde pas l'écran de l'iPad comme on regarde une page web. Les graphistes et les ergonomes ne travaillent pas du tout de la même façon pour l'iPhone que pour le web. Et même si l'espace-écran est plus proche de celui d'un ordinateur, on ne va pas avoir les mêmes réflexes ou habitudes.
On va davantage réfléchir en terme d'écran plutôt qu'en terme de pages qui défilent, d'interaction directe avec le doigt plutôt qu'avec la souris, de boutons et d'animations plutôt que de liens ou de navigation entre les pages avec un bouton de retour en arrière. Tout cela fait que l'on va complètement repenser l'ergonomie des services web.
On essaie vraiment d'imaginer ce que vient chercher l'utilisateur qui lance une application sur son iPad, pour ne lui donner que ça. Se concentrer uniquement sur ce besoin, sans ajouter des informations parasites autour. C'est un peu ce que l'iPhone nous a appris.
Ce sont des choses qui intéressent nos clients, ça nous intéresse aussi de voir comment ce sera reçu par les utilisateurs. On va assister à un mix entre ce que l'on connaît sur l'iPhone et sur le web, et au final l'utilisateur va y gagner en confort d'utilisation.
Des changements donc sur la forme, mais aussi sur le fond ?
TS : c'est sûr qu'avec un iPad on va pouvoir intégrer plus de contenus que ne le permettait un iPhone, et on commencera à le voir dès les premières applications qu'on va sortir. C'est quelque chose qu'on va observer plus encore dans les mois et les années à venir. On sait déjà qu'on va travailler sur des projets pour iPad proposant beaucoup (beaucoup) de contenus, et là on va pouvoir exploiter la surface de l'écran. Pas forcément pour en mettre un maximum, mais pour proposer des interfaces différentes et puissantes parce qu'il y aura de gros contenus derrière.
On est aussi très curieux de voir ce que les autres vont faire. On a imaginé des choses, mais on voit qu'on est parti sur des directions très différentes par rapport à ce qu'a montré le New York Times par exemple avec son application spéciale iPad.
Leur démo était assez light…
TS : oui, mais on voyait un parti pris qui était assez intéressant, celui de partir du papier plutôt que du web. C'est quelque chose qu'on verra certainement beaucoup. Des applications conçues à partir des supports papier ou par exemple de la représentation qu'on se fait d'un magasin physique plutôt que de s'inspirer de sa version web.
On voit dans le milieu que beaucoup de gens commencent à remettre en question la manière dont les problèmes ont été approchés par le web. Que l'expérience web est devenue pas mal stéréotypée et qu'il est intéressant de repartir de l'expérience physique (ndlr : exemple l'application de Libé qui laisse feuilleter la maquette originale du quotidien). Des principes qu'Apple met un peu en avant dans son guide de développement et ses démos.
Comme l'application iBooks qui s'inspire de la représentation d'une bibliothèque ?
TS : Oui exactement. Et puis les marques sont en général parties du web pour inventer le mobile. Elles en ont repris les contenus mais aussi le business model basée sur la publicité. Comme ça ne marche pas très fort en ce moment, ils sont très nombreux à se demander s'ils ne devraient pas repartir du modèle papier. C'est ce qu'on voit avec les annonces de Wired, du Wall Street Journal ou tout simplement avec les livres numériques payants. Nos clients se posent les mêmes questions et appliquent le même raisonnement : "Pourquoi ne pas reprendre le modèle économique papier pour mobile ?"
L'absence de Flash, est-ce que ça pose problèmes à vos clients, que ce soit pour la présentation de certains de leurs contenus ou même pour les publicités ?
TS : avec l'iPhone ils ont tous appris à faire sans Flash. Il utilisent des bannières animées, des vidéos ou des intégrations plus poussées dans l'application. L'absence de Flash n'a jamais empêché ou freiné le développement de la publicité sur mobile, ce n'est pas un problème.
Sur les vidéos par contre ça pose le problème d'un réencodage des vidéos existantes. C'est un souci, mais les gens sont de plus en plus dans cet état d'esprit. Ceux qui ont travaillé avec nous pour l'iPhone ont déjà dédoublé leurs vidéos dans un format Flash .flv et un autre en H.264.
En somme, avec cet iPad, il y a des choses à réinventer, mais l'avantage c'est qu'il arrive avec derrière lui tous les acquis de l'iPhone ?
TS : pour nous, développer sur l'iPad c'est "assez facile", ce qui est compliqué c'est l'ergonomie, d'imaginer l'interface et comment on va l'utiliser. De savoir si on va se servir de son iPad à la maison, dans le métro, au bureau. Aujourd'hui les contextes d'utilisation ne sont pas très clairs. Est-ce que la personne qui va lancer l'appli va s'en servir une minute comme sur l'iPhone ou une demi-heure ?
Ce sont ces questions qui sont encore difficiles à appréhender, bien plus que celles relatives à la partie technique du développement. En deux jours on a été capables d'adapter l'essentiel de certaines de nos applications iPhone. Même la programmation de l'interface passe par les mêmes outils. C'est très facile d'être opérationnel sur le plan technique.
Est-ce que l'iPad vous ouvre à d'autres coeurs de métiers ou prospects que ceux de vos clients actuels ?
TS : sans entrer dans les détails, on peut dire que oui, pour tout ce qui est contenu ça ouvre une nouvelle porte. Ces contenus, ça peut être la vidéo. Les clients qui en ont beaucoup sur leurs services vont pouvoir bien mieux les mettre en avant, et l'expérience de lecture va être bien meilleure sur l'iPad. On pense que la vidéo va être un point très important de l'utilisation de l'iPad, qui d'une certaine manière est un petit écran de télévision, à regarder tout seul ou à partager à plusieurs.
On est convaincu aussi qu'il y a des choses à faire à partir des supports papier, que ce soit la lecture de livres, de magazines, et de bandes dessinées. On peut imaginer des choses très excitantes à faire sur l'iPad, qui n'ont pas été faites sur le web. Qui sur l'iPhone en sont aux balbutiements et qui n'ont peut-être pas forcément encore été bien réussies. Dans ces domaines il va y avoir des réalisations très (très) intéressantes qui vont créer de nouvelles catégories de services.
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