ZTE et Huawei ont cru prendre Apple de court en annonçant des smartphones à écran Force Touch avant l'iPhone 6s. C'était sans compter sur la roublardise de la Pomme qui n'a pas présenté un simple écran Force Touch, mais un écran « 3D Touch ».
En annonçant cet été des smartphones Force Touch, ZTE et Huawei comptaient clairement surfer sur cette appellation apparue avec le MacBook et qui, selon les rumeurs, devait aussi être associée aux nouveaux iPhone.
Commercialiser un Huawei Mate S disposant d'un écran portant le même nom que celui de l'iPhone 6s, cela serait revenu à mettre les deux smartphones sur un pied d'égalité sur le plan marketing.
Pas de chance, l'écran de l'iPhone 6s n'est pas Force Touch mais 3D Touch. Le terme « 3D » a beau avoir déjà été servi à toutes les sauces, « 3D Touch » en jette plus que « Force Touch ». C'est comme si Force Touch était déjà de l'histoire ancienne.
Le pied de nez n'est pas seulement sémantique, il est aussi technologique. Huawei a donné très peu d'exemples des possibilités offertes par l'écran Force Touch du Mate S. En appuyant plus fort sur l'écran, on sait que l'on pourra activer une loupe dans une image et zoomer sur des photos dans une galerie. On pourra aussi peser des objets en les posant sur l'écran (ce n'est pas une blague).
Les fonctions permises par l'écran 3D Touch des iPhone 6s sont non seulement plus nombreuses, mais aussi plus intéressantes. Il y a les Peek et Pop qui permettent de prévisualiser (et d'ouvrir) toutes sortes de contenu facilement. Il y a aussi les Quick Actions qui sont des raccourcis vers des fonctions clés des applications.
Huawei assure que sur son smartphone « les possibilités [de Force Touch] sont sans limites »... mais il n'a pas annoncé d'API pour que les développeurs puissent en tirer parti dans leurs applications. En l'état, il n'y a que les applications du constructeur chinois qui peuvent tirer avantage de l'écran Force Touch.
Quand bien même Huawei proposerait des outils pour les développeurs, ces outils seraient réservés à ses smartphones. Si Samsung devait lancer un smartphone Force Touch, les développeurs devraient adapter à nouveau leurs applications spécifiquement pour les appareils sud-coréens.
On touche là au point faible d'Android, le mariage entre le matériel et le logiciel. Tant que Google n'intègre pas les API dans la base du système, les fabricants sont forcés de créer des solutions spécifiques à leur matériel. Les fonctions tirant parti d'un composant inédit sont dès lors réservées aux applications du constructeur.
Par exemple, on ne peut pas déverrouiller 1Password sur Android avec le lecteur d'empreinte digitale du Galaxy S5. Le capteur biométrique ne sert qu'à déverrouiller le smartphone, confirmer un achat sur la boutique d'apps de Samsung et payer avec PayPal (qui est un partenaire).
Les développeurs Android attendent judicieusement que Google standardise la prise en charge de nouveaux composants matériels pour se lancer. Le support de la reconnaissance digitale fait partie des nouveautés d'Android Marshmallow.
C'est donc seulement à partir de cet automne qu'on devrait voir fleurir des applications tierces supportant les lecteurs d'empreintes des terminaux Android (ça sera le cas de 1Password).
Concernant une intégration logicielle de Force Touch (ou de reconnaissance de pression, peu importe son nom), ça ne sera pas au mieux avant le successeur de Marshmallow, ce qui nous amène au moins à mi-2016.
Comme elle l'avait fait avec Touch ID ou le processeur A7 64 bits, Apple prend donc une bonne longueur d'avance sur la concurrence. Les apps iOS qui font Peek, Pop et qui proposent des Quick Actions vont très vite arriver car les développeurs iOS ont d'ores et déjà tous les outils nécessaires.
Et puis en s'accaparant une grande partie de la production d'écrans sensibles à la pression, la firme de Cupertino retarde l'arrivée des terminaux concurrents. Le Huawei Mate S Force Touch a été annoncé début septembre, mais on ne connaîtra sa date de sortie que le mois prochain. Quant à l'Axon Mini de ZTE, sa date de lancement est également un mystère et il ne sortira pas a priori dans le monde entier. Les fabricants de smartphones Android sont forcés de rester sur la touche.