« U », voici la nouvelle lettre qui rejoint l’alphabet des puces conçues par Apple. Présentée sans tambour ni trompette, la puce U1 « exploite la technologie Ultra Wideband pour localiser de façon précise » les autres appareils équipés de la même puce. Autrement dit : Apple fait un nouveau pas dans le monde de la microlocalisation, pour enrichir les fonctions des appareils actuels, mais aussi — et surtout — préparer le futur.
C’est suffisamment rare pour être remarqué : alors qu’il occupait une place proéminente sur les supports de présentation d’Apple, et qu’il est évoqué dans les pages dédiées aux nouveaux iPhone, ce coprocesseur de microlocalisation n’a pas été mentionné sur scène. Voilà qui accrédite la thèse d’un report de dernière minute des fonctions de « perception spatiale » entraperçues dans les entrailles des versions de développement d’iOS 13, et du « traqueur d’objets » annoncé par la rumeur.
Après tout, comme le dit Apple elle-même, la seule fonction de la puce U1 qui sera activée avec iOS 13.1 « n’est qu’un début ». Mais un début prometteur : lors du partage d’un fichier avec AirDrop, vous pourrez pointer votre iPhone 11 vers celui de votre destinataire, et le menu de partage lui donnera la priorité. Grâce à la puce U1, les deux appareils savent se positionner précisément dans l’espace et par rapport aux autres appareils.
Comment ? Avec un signal ultra-wideband, ou « ultra-large bande » dans la langue de Némir. Un signal UWB est composé d’impulsions extrêmement courtes, 10 à 1 000 picosecondes tout au plus, envoyées à très faible puissance, moins d’un quart de milliwatt1. Le spectre de ce « train d’impulsions » peut être extrêmement large, entre quelques dizaines de mégahertz et quelques gigahertz.
Cette technologie n’est absolument pas nouvelle : rapide et chiffrée, elle était considérée comme « le futur des transmissions sans fil » au début des années 2000, mais a surtout été utilisée… pour établir les communications entre une souris et son dongle. L’application à la microlocalisation, qui repose sur les caractéristiques des signaux UWB, est plus récente. Apple possède plusieurs brevets sur le sujet.
Alors même que sa puissance est si faible que les pertes électromagnétiques des appareils électriques sont parfois plus fortes, la « forme » d’un signal UWB est très distinctive. Une impulsion envoyée à 1 300 MHz possède une longueur d’onde d’une vingtaine de centimètres. Comme dans le même temps, les impulsions sont très rapprochées, les ondes réfléchies ne perturbent pas l’onde originale.
En utilisant des mécanismes complexes de modulation, il est possible de transmettre des informations à plusieurs centaines de mégabits par seconde, d’une manière claire et distincte, sans consommer beaucoup d’énergie. Et en observant le décalage de fréquence d’une impulsion entre l’émission et la réception, plusieurs millions de fois par seconde, on peut calculer de manière très précise le déplacement de l’émetteur.
Faites communiquer deux ou trois systèmes UWB de cette manière, et vous pouvez calculer leur position relative avec une précision de l’ordre du centimètre, comme un « radar personnel ». Voilà qui explique ce mécanisme qui permet de « viser » un appareil pour lui envoyer un fichier. Voilà qui permettrait d’améliorer drastiquement le mécanisme de détection de chutes de l’Apple Watch. Voilà qui permettrait de retrouver une télécommande Siri ou un boitier d’AirPods perdus entre les coussins.
Ajoutez-y la possibilité de transmettre des données plus complexes, ce dont un signal UWB est tout à fait capable, et vous pouvez imaginer concevoir un réseau local à faible portée et faible consommation. Messages pourrait alors se comporter comme AirDrop, avec une connexion directe entre deux appareils proches. Des lunettes connectées pourraient communiquer avec une montre au poignet ou un téléphone dans la poche, tout en utilisant ce canal pour améliorer leur perception de l’environnement.
Apple a posé toutes les briques : iOS 13 intègre un nouveau système de localisation chiffré et anonyme, les iPhone 11 intègrent une nouvelle puce pour affiner la localisation en intérieur, il ne manque plus qu’un peu de mortier logiciel entre les deux. Effectivement, « ce n’est qu’un début » (Mais disons-le, le seul intérêt de la puce U1, c’est que sa successeure s’appellera U2. Ça promet.)
- Moins de 100 nW par MHz de bande passante. Pour comparaison, une puce Bluetooth consomme quatre à 4 000 fois plus. ↩︎