Impensable la semaine passée, le partage des données de localisation des téléphones mobiles va devenir une réalité. Huit opérateurs européens, dont Orange, ont accepté de partager les données de localisation des mobiles avec la Commission européenne. Il ne s’agit pas de créer un système de clôture électronique sur le modèle taïwanais, mais d’utiliser la masse des données pour analyser l’efficacité des mesures de confinement et coordonner la réponse à la pandémie.
Thierry Breton, le commissaire européen au marché intérieur (et ancien patron de France Télécom), s’est directement tourné vers la GSMA pour sélectionner « un opérateur important par pays ». Outre l’opérateur français Orange, le norvégien Telenor et le suédois Telia, l’allemand Deutsche Telekom et l’autrichien A1 Telekom, l’espagnol Telefónica et l’italien Telecom Italia, et enfin Vodafone, ont répondu présents.
Ces huit opérateurs partageront des données de localisation, collectées au niveau du réseau1, avec un groupe ad hoc de la Commission européenne. Agrégées à l’échelle d’une ville et anonymisées, elles ne devraient pas permettre la localisation d’un individu, mais permettront de suivre les flux et de détecter les attroupements. La Commission veut ainsi pouvoir évaluer l’effet des mesures de confinement sur la propagation du nouveau coronavirus, afin d’anticiper le pic épidémique.
« La Commission devra clairement définir l’ensemble de données qu’elle souhaite obtenir et assurer la transparence vis-à-vis du public, afin d’éviter tout malentendu », déclare le Contrôleur européen de la protection des données, dans une lettre que Reuters s’est procurée. « Je veux insister sur le fait qu’une telle solution doit être considérée comme extraordinaire », ajoute-t-il, en demandant que ces données soient confiées à des experts, et détruites à l’issue de la crise sanitaire.
En France, ce principe était acquis après l’installation du nouveau Comité analyse recherche et expertise, qui doit alimenter « la réflexion des autorités sur la doctrine et la capacité à réaliser des tests ainsi que sur l’opportunité de la mise en place d’une stratégie numérique d’identification des personnes ayant été au contact de personnes infectées ». Orange partage ainsi des données avec l’Inserm, qui les utilise pour affiner ses modèles épidémiologiques (lire : Coronavirus : vers l’utilisation des données de géolocalisation des smartphones en France ?).
« Le but, c’est de savoir », expliquait ce matin Stéphane Richard à Europe 1, « comment les moyens hospitaliers doivent être dimensionnés et répartis ». Le PDG d’Orange dévoile que « près de 20 % des habitants du Grand Paris sont partis » lors de l’établissement du confinement, tandis que la population de l’ile de Ré augmentait « de 30 % ». Il rejette toutefois le pistage des individus : « on sait le faire, grâce à une application », convient-il, mais « la France n’est pas la Chine ! »
En Suisse où les rassemblements de plus de cinq personnes sont interdits, les autorités fédérales ont demandé à l’opérateur Swisscom d’identifier toutes les zones de 100 mètres sur 100 comptant plus de 20 cartes SIM. Selon Le Temps, ces données seront transmises à l’Office fédéral de la santé publique, non pas en direct mais avec un délai de 24 heures. Il s’agit d’identifier les lieux qui peuvent poser problème, ou les attroupements récurrents, et d’intervenir dans la foulée.
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Rappelons que la connexion au réseau cellulaire demande nécessairement une triangulation, qui permet de vous localiser à quelques dizaines de mètres près. ↩