Tim Sweeney ne lâche rien. Le fondateur et patron d'Epic, parti en guerre contre Apple concernant les pratiques de l'App Store, a donné le fond de sa pensée dans une interview au Financial Times. Sans trop de surprise, il blâme les « monopoles » d'Apple et de Google dans le domaine de la distribution de contenus numériques. Les deux entreprises « empêchent d'autres boutiques d'apps de concurrencer [l'App Store et le Play Store] ».
« Cela entrave complètement les acteurs concurrents et le marché qui façonneraient de meilleurs magasins d'apps et de meilleures offres pour les consommateurs », assène-t-il. L'autre grief de Tim Sweeney concerne le service de paiement pour les achats intégrés. « PayPal facture [des frais de transaction de] 3 %. Mastercard et Visa facturent 2 %. Apple prend 30 %. C'est bien supérieur aux coûts réels du traitement des transactions de paiement ».
Le boss d'Epic reconnait à Apple d'avoir remporté la bataille sur un marché, celui du matériel. L'iPhone s'est imposé de manière équitable, et c'est mérité selon lui. Par contre, « [Apple] exploite cette position pour obtenir un avantage injuste sur la concurrence et sur d'autres marchés. Ça brise toute la dynamique concurrentielle qui a permis à l'industrie technologique de croître en bonne santé ».
L'App Store seul en son royaume
Dans sa vision des choses, l'App Store devrait batailler contre l'Epic Games Store, Steam, le Microsoft Store et « les autres boutiques émergentes, comme ils devraient le faire sur n'importe quel autre marché dans le monde, sauf dans celui des boutiques d'apps », déplore-t-il. Avec de la concurrence, Sweeney pense que les frais de paiement passeraient de 30 % à 2 ou 3 %. « Ou peut-être encore plus s'ils innovent ».
La commission prélevée par Apple prend en compte les frais de transaction et tout le bazar administratif des taxes locales, auxquels s'ajoutent des frais difficiles à chiffrer comme celui de la conception de nouveaux outils de développement ou encore l'exposition dans la boutique.
Le seul coût de la transaction financière a été évalué à 3 % par Apple dans le conflit qui l'oppose à l'autorité de la concurrence néerlandaise. Le constructeur a proposé un taux de prélèvement de 27 % sur les achats intégrés réalisés par des systèmes de paiement alternatifs intégrés dans les apps de rencontres. La différence entre ces 27 % et les 30 % de la com' habituelle correspond à « la valeur liée au traitement des paiements et aux activités connexes », 3 petits pourcents donc.
App Store : Apple réduit sa commission à 27% sur les paiements alternatifs aux Pays-Bas
Apple ne donne pas les revenus tirés de l'App Store, uniquement ce que rapportent les services dans leur ensemble. Une pratique comptable « louche » qui ne devrait pas être autorisée, assène Sweeney qui la décrit comme un « braquage » auprès des développeurs. Apple donne ainsi l'impression que c'est un chiffre d'affaires réalisé par ses soins, mais « ce n'est pas le cas ».
L'App Store n'est pas un service, au contraire, la boutique ne rend pas service aux développeurs, martèle-t-il. « L'App Store oblige les développeurs à s'occuper de leurs apps de façon médiocre, ce qui donne aux utilisateurs une expérience médiocre, tout ça pour facturer des frais de transaction et de traitement non compétitifs et gonfler le prix des biens numériques ». Bim, Apple est rhabillée pour l'hiver.
La grande crainte de Tim Sweeney, c'est pour le métavers. Epic est un des leaders de ce secteur naissant grâce à Fortnite, qui va au-delà du simple battle royale, avec l'organisation de concerts en ligne par exemple. Si les pratiques d'Apple et de Google devaient s'étendre aux métavers, « ils domineront le commerce physique qui se déroulera dans la réalité virtuelle et augmentée ».
« [Pour Apple et Google], si vous utilisez une application pour faire des achats qui vous donnent le droit de posséder des objets numériques, vous devez utiliser leur service de paiement. Le monde physique et le monde virtuel vont fusionner. Vous pourrez acheter un produit physique, et vous allez avoir droit à son équivalent virtuel en même temps. Vous achetez une Ferrari rose dans le monde réel et vous la possédez dans le metavers ».
Il plaide donc pour des changements « majeurs » dans les pratiques de ces deux entreprises, car ils ont créé les conditions qui vont leur donner « une mainmise sur le métavers ». Dans l'immédiat, les bisbilles entre Epic et Apple se poursuivent en justice. Le procès perdu par l'éditeur de Fortnite est désormais dans les limbes de l'appel.
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