Les coulisses chaotiques de Siri

Mickaël Bazoge |

Siri était « un désastre » après le lancement fin 2011 de l'iPhone 4S, inaugurant l'assistant intelligent. Siri était « lent », quand il pouvait fonctionner, et « le logiciel était criblé de bugs très sérieux », se rappelle Richard Williamson. L'homme était alors en charge de l'assistant et d'Apple Plans, sous les ordres de Scott Forstall à l'époque1.

Cette description peu glorieuse des coulisses de Siri est dressée par le site The Information, qui relate dans un long article les difficultés et les entraves qui ont coupé les ailes du service. Ces difficultés sont la conséquence de plusieurs maux. Apple n'était tout d'abord pas préparée à encaisser le choc : au lancement, le nombre d'utilisateurs a complètement dépassé les prévisions du constructeur.

L'infrastructure, insuffisante, a eu toutes les peines du monde à remplir ses fonctions. Pendant des années, Apple n'a cessé d'investir pour muscler les capacités de ses serveurs. L'optimisation logicielle a aussi permis de résorber le trop plein de requêtes : l'article écrit ainsi qu'après un nettoyage du code, un des composants de Siri n'avait plus besoin de 500 serveurs (!) pour fonctionner, mais… 5 seulement.

Plusieurs anciens employés d'Apple ont indiqué que Richard Williamson (viré avec Scott Forstall en 2012 suite au fiasco de Plans) avait décidé que les capacités de Siri ne devaient s'améliorer qu'une fois l'an, à l'image des versions majeures d'iOS. « Complètement faux », s'insurge l'ex dirigeant. Il précise que les décisions concernant le « leadership technique du logiciel et de l'infrastructure serveur » était de la responsabilité d'autres employés plus bas dans l'échelle. Lui s'occupait de superviser les équipes.

Ci-dessous, un des premiers spots TV pour Siri en 2011, avec le père Noël en vedette :

Les problèmes de fiabilité de Siri après son lancement « reposent entièrement sur l'équipe originale de Siri, certainement pas sur moi », réplique Williamson. S'il est impossible de donner raison à l'une ou l'autre des parties sur ce point, cette controverse montre bien qu'en coulisses, le développement de Siri n'a pas été un long fleuve tranquille.

Avant que Siri ne devienne l'assistant d'iOS, c'était une application qui misait sur la modularité et l'ouverture à des services tiers pour bonifier ses services (lire : Les origines de Siri). Après l'acquisition de l'app, Apple a fermé les vannes, refermant Siri sur lui-même. Ce n'est que bien plus tard, avec iOS 10 (2016), qu'Apple autorise des applications tierces à intégrer leurs services avec l'assistant via SiriKit…

Richard Williamson a voulu pousser ses équipes à ouvrir Siri à des développeurs de l'extérieur pour améliorer les fonctions de l'assistant. Mais voilà, les résistances ont été fortes pour une raison simple : le logiciel original sur lequel s'appuyait Siri était « fragile et peu flexible ».

Pendant des années, l'infrastructure de Siri a reçu de nombreux patchs, sans être véritablement remplacée par un système plus robuste. En 2013, les ingénieurs de Topsy, un service d'analyse de tweets fraîchement acquis par Apple, n'ont pas pu travailler sur Siri en raison de cette structure faite de bric et de broc.

De ce point de vue, les choses semblent avoir évolué dans le bon sens puisque Apple a pu intégrer les technologies de VocalIQ, une autre jeune pousse achetée fin 2015.

Le développement du HomePod a été un moment visiblement difficile pour Siri. C'est vers 2011 ou 2012 que l'idée d'une enceinte connectée germe au sein d'Apple. Sans prévenir les équipes de Siri : ce n'est que début 2015 qu'elles découvrent qu'Apple a dans ses cartons un produit similaire à l'Echo d'Amazon, lancé à la fin de l'année précédente… Selon une source, la Pomme ne projetait même pas d'intégrer Siri dans son enceinte.

Beaucoup a déjà été écrit ces derniers mois et ces dernières années sur la naissance difficile de Siri. Régulièrement le voile du secret se déchire, et le lancement du HomePod — et de son Siri plus limité qu'Alexa ou Google Assistant — a remis des pièces dans la machine.

Autant de pièces de puzzle qui complètent un tableau peu reluisant du fonctionnement interne de l'assistant. Et qui explique le retard pris par Apple par rapport à la concurrence. Avec Siri, la Pomme a été la première à se lancer sur le marché des assistants vocaux, mais l'entreprise s'est laissée distancer.

Apple a bien voulu donner son point de vue à The Information. L'entreprise explique avoir réalisé des « avancées significatives pour améliorer les performances de Siri, son évolutivité et sa fiabilité. Nous avons aussi appliqué les dernières techniques d'apprentissage automatique pour créer une voix plus naturelle et proposer plus de fonctions proactives » (lire : Siri apprend à apprendre sur le cloud, mais agit en local).

Tout cela n'est pas suffisant, c'est pourquoi « nous continuons à investir en profondeur dans l'apprentissage automatique et l'intelligence artificielle pour améliorer constamment la qualité des réponses fournies par Siri et étendre l'ampleur de ses connaissances ».


  1. Des propos vis-à-vis desquels Dag Kittlaus s'est inscrit en faux après la publication de l'article, au moins sur la partie des bugs. L'un des pères de Siri explique en effet que Siri marchait parfaitement à son lancement mais que devant le volume soudain d'utilisateurs amenés par Apple, cette nouvelle plate-forme était soumise à une charge énorme et inédite qui nécessitait un réajustement de sa capacité et une attention constante. Il n'a pas de mot assez durs non plus pour celui qu'il qualifie de « patron et architecte du lancement le plus désastreux de l'histoire d'Apple : Maps » ↩︎

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#Siri
avatar webHAL1 | 

Merci à l'équipe pour cet article intéressant, qui permet de mieux comprendre les raisons du retard de Siri par rapport à ses concurrents et aussi, dans une moindre mesure, les contraintes auxquelles doivent faire face les équipes au sein d'Apple (si ce qui est relaté est vrai, on se rend compte que ce fonctionnement en "silos" porte vraiment préjudice à certains produits ; le Siri du HomePod n'aurait-il pas pu être bien plus puissant si les ingénieurs des différents départements avaient pu collaborer ?).
Malheureusement, je crains que le manque de débouchés commerciales pour Apple fasse que Siri continue à se laisser distancer et que la Pomme, pionnière dans ce domaine, finisse par l'abandonner complètement.

Cordialement,

HAL1

avatar pagaupa | 

Être aussi riche et laisser s'installer un bordel pareil...incroyable!
J'ai surtout l'impression qu'à force de tout racheter, Apple ne sait même plus ce qu'elle possède.
Bref! Siri n'est pas sorti du pétrin et le homepod avec...

avatar JOHN³ | 

Apple est fière et prétentieuse, c'est oublier qu'elle fait aussi beaucoup d'erreurs vis-à-vis de son ouverture et de son cap. Ça manque de cohérence, je le vois avec la gamme Mac. Sur les iPad et iPhone ça passe encore...

La seule chose que je ne peux pas reprocher à apple c'est son système fermé et sécure. Pour le coup je ne pense pas que ce soit au détriment du consommateur, bien au contraire, même si apple semble a la traine sur certains sujets.

avatar C1rc3@0rc | 

@JOHN³
«La seule chose que je ne peux pas reprocher à apple c'est son système fermé et sécure. »

Tu veux parler de MacOS HS 10.13 et de ses failles si grosses et grossieres qu'elles font rire le Web et l'industrie informatique entiere?

Le probleme de Siri... c'est Siri et Apple.
Apple a racheté une vielle techno inefficace abandonnée de l'armée US et a voulu en faire un produit qui allait au-dela des limites de son application en y rajoutant une incompétence majeure dans le domaine du cloud.

On a ici un assemblage de verre cassé, un exemple de l’incompétence totale d'une société qui sort de son domaine de compétence et d'une irresponsabilité face a l'echec.

Luc Julia expliquait deja bien pourquoi fondamentalement Siri resterait un echec et qu'il ne serait jamais améliorable...
Le système de base est archaique et inadapté aux objectifs qui lui sont assignés.

Apple est en échec et devrait abandonner le produit pour repartir sur des bases différentes et modernes. Mais non, Siri est un instrument marketing dans lequel Apple s’entête.
On a un problème proche avec Plan.

avatar JOHN³ | 

@C1rc3@0rc

En effet.

avatar reborn | 

@C1rc3@0rc

La faute à Jobs alors, qui a voulu acheter cette boite en 2010, et donc y faire du pure marketing si je te suis.

Et donc selon toi cela fait donc bien avant 2012 qu’Apple s’est perdu.

"un exemple de l’incompétence totale d'une société qui sort de son domaine de compétence et d'une irresponsabilité face a l'echec."

Il ne reste plus grand chose du Siri de depart, notamment la synthèse vocale qui s’effectuait sur les serveurs de Nuance. Evidement c’est mauvais, et qu’il reste une montagne de chose à accomplir. Mais comme d’habitude le ton apocalyptique employé et mauvais.

Bien, et tant qu’on y est sur Julia, l’on notera sa profonde méprise pour Fortsall, un type compétent mais détestable. Architecte de la debacle Plan et Siri.

avatar iPop | 

@C1rc3@0rc
Apple est en échec et devrait abandonner le produit pour repartir sur des bases différentes et modernes. Mais non, Siri est un instrument marketing dans lequel Apple s’entête.

T’inquiète ils bossent dur dessus. Ils ne vont pas tout arreter pour vous faire plaisir.

avatar pagaupa | 

@iPop

Le but n'est pas de nous faire plaisir mais d'accepter qu'ils sont à côté de la plaque.
S'entêter à promouvoir une fonction dépassée mène à l'impasse.

avatar iPop | 

@pagaupa

C’est pas comme si c’était un petit détail, hein (comme le 3DTouch). C’est qu’ils n’ont pas le choix et ils doivent s’en rendre compte que la concurrence fait mieux.

avatar pagaupa | 

@iPop

Elle s'en rend compte mais même en interne, elle est sourde.
As-tu déjà vu Apple reconnaitre une erreur ou un défaut de conception?

avatar Domiino9 | 

@C1rc3@0rc

"Apple est en échec et devrait abandonner le produit pour repartir sur des bases différentes et modernes. Mais non, Siri est un instrument marketing dans lequel Apple s’entête.
On a un problème proche avec Plan."

Les assistants virtuels représentent le futurs de nos écosystèmes domestiques. ils en seront le centre avec l'utilisateur(s). Le but étant au final de ne plus rien taper avec ces doigts. Il est impossible pour Apple d'imaginer l'arrêt de Siri.
C'est vrai que je suis surpris de la courbe d'évolution de Siri comparé à google assistant par exemple.

avatar en ballade | 

@JOHN³

I am root

avatar IPICH | 

@JOHN³

Euh les gammes d'iPad c'est un désastre aussi?

avatar expertpack | 

@JOHN³

Greykey , par exemple , casse la secu des iphones’ et d’autres approchent existaient deja.
siri est une bouze mais pourtant les gens en sont content, allez donc savoir pourquoi.

je ne crois pas plus au serieux de siri que de touchID et autre verrouillage et haute protection que les autres n’ont pas

C’est du marketing a la Apple , cachée derriere le halo de fumée culturel depuis toujours par job.
et ca marche !

avatar malcolmZ07 | 

@pagaupa

Lol tu ne fais pas dans la demi-mesure mon beau troll

avatar pagaupa | 

@malcolmZ07

Tu jouis à traiter tout le monde qui ne pense pas comme toi de troll?

avatar en ballade | 

L’époque il justifiait que Siri nécessitait la techno de l’iPhone 4s, pour cacher leur incompétence ....n’est pas Google ou MS qui veut.....

avatar JOHN³ | 

@en ballade

TROLL

avatar AFLC7 | 

Personnellement, j’utilise des appareils à commande vocale depuis 1999 sur un téléphone Philips... Siri, bien que joli et parlant bien n’apporte rien de plus. Et puis « dis Siri » possède un côté Big Brother avec son micro connecté en permanence. Une bonne idée mais c’est une mode, un relai de croissance pour une industrie en mal d’innovation (les assistants vocaux). Franchement je préférerais un clavier qui fonctionne sans lag sur iOS...

avatar NerdForever | 

@AFLC7

Carrément d'accord!!! À ceci près que quand on voit l'incompétence à recoder un clavier réactif (qui était pourtant l'essence même des premiers iPhones face à la concurrence) je pense qu'une partie de ces ralentissements est voulu par Apple pour pousser à un modèle plus performant sur lequel la réactivité sera meilleure...
Dire qu'au début c'était vraiment sur Apple que le tactile était le plus réactif maintenant je prend de plus en plus mon téléphone Android à cause de ces lenteurs qui deviennent typique hélas d'iOS... et qui sont désormais bien résolues chez la concurrence!!

avatar whocancatchme | 

Quand Siri rapportera du fric aux actionnaires on verra la diff... en attendant RAF

avatar huexley | 

Siri le minuteur vocal le plus utilisé au monde.

avatar r e m y | 

@huexley

Sous réserve que les amateurs d'œufs coque acceptent de ne plus manger que des œufs durs ?
?

avatar Paul_M | 

Incroyable qu'avec son fric et sa taille Apple n'arrive pas à donner un coup de pied aux fesses de son Siri
Non pas qu'il soit particulièrement mauvais mais en terme de fonctions il fait à peine mieux que le contrôle vocal qu'on avait avant et il a très peu bougé depuis l'iPhone 4S
C'est assez affligeant

avatar ronald roy | 

Siri sur iPhone 6 s ne répond pas sous pression et me par demandé obliger de restaurer .mauvais calage de l IA

avatar suuf | 

Et pourtant c’était Steve Jobs à l’époque...
y’a personne pour dire quelque chose là dessus ?
Ça serait aujourd’hui tout le monde dirait « Cook est nul, Jobs me manque »

avatar byte_order | 

Jobs était mourant à cette époque. Je doute qu'il se soit vraiment préoccupé tant que ça de Siri...

avatar pagaupa | 

@byte_order

Bien vu! ?

avatar Mike Mac | 

Pour un peu d'autosatisfaction, Apple peut se repasser le tube d'opéra que Bianca Castafiore a immortalisé dans Tintin :

"Ah Siri de me voir si belle en ce miroir...."

Avec cette voix a casser nos écrans de cristal saphir pour accélérer l'obsolescence programmée.

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