Dix ans d’iPhone, c’est dix ans de couverture médiatique de l’iPhone, sans compter les années de rumeurs qui ont précédé. Dix ans de polémiques inutiles et d’avis mal informés, mais aussi dix ans à documenter les formidables avancées technologiques et à s’interroger sur leurs effets sur notre monde. Mais aussi à s’avancer un peu vite, et ainsi prêter le flanc à la critique, dix ans plus tard.
L’iPhone « sans mobile apparent » titrait Libération le 29 juin 2007. « De l’avis des analystes », expliquait le quotidien, « l’iPhone ne va pas bousculer le jeu. » Après avoir (mal) expliqué le principe de l’écran tactile capacitif, les journalistes de Libération font le choix de citer le patron du laboratoire d’essais de la Fnac : « j’ai essayé comme tout le monde de taper un petit bout de texte, mais cela n’a pas bien marché. »
S’il est plus difficile d’épingler Le Monde et Le Figaro, c’est que les deux quotidiens se sont « couverts » en se reposant sur les dépêches des agences. L’AFP assurait tout de même que l’iPhone « était attendu depuis des semaines par les fans de la marque », rendez-vous compte, quand Reuters se fourvoyait en décrivant « un module de “voicemail”, pilotable depuis l’écran, permet d’écouter ses messages écrits. »
Quelques mois plus tard, lors du lancement de l’iPhone EDGE en France, Madame Figaro parlait de « phénomène » :
Nul besoin de stylet ou de loupe pour s’y retrouver, et on s’habitue très vite à la navigation et au toucher. Tout a été calculé pour un maniement dans toutes les positions, sans problèmes de reflets. L’appareil détecte le sens d’utilisation et adapte automatiquement son affichage, en largeur ou en longueur. Et l’écran s’autoactive quand on l’approche de l’oreille.
L’Express insistait sur les mêmes points forts : « l’apparence est surprenante. Et notamment l’écran totalement tactile qui permet, sans stylet, la commande de toutes les fonctions. Gare aux traces de doigts ! » Mais l’hebdomadaire s’intéressait aussi au modèle économique d’Apple :
Le produit n’est pas tout. Apple compte profiter de ce lancement pour percevoir une dîme supplémentaire. De la même manière que l’iPod lui a permis de grappiller quelques centimes d’euros sur chaque chanson vendue sur iTunes, le site qui lui est consacré, l’iPhone lui offrira la possibilité de capitaliser sur la vidéo.
Oui, « vidéo », vous avez bien lu. Il faut dire que l’iPhone avait été présenté aux côtés de l’Apple TV, et que l’App Store n’existait pas encore. Le Nouvel Observateur parlait « d’un téléphone portable à écran tactile inspiré de l’iPod », allez savoir pourquoi, et citait l’analyste Ed Snyder : « les écrans tactiles sont peu fiables et je ne connais que peu de téléphones qui en possèdent un fiable. » On connaît la suite.
Mais l’hebdomadaire avait aussi ouvert ses colonnes à Judikael Hirel, rédacteur en chef de MyTech Magazine, qui avait bien compris l’importance stratégique de l’iPhone :
C’est un mobile tactile, et c’est aussi un iPod. Et voilà justement le côté révolutionnaire de cet appareil, cette double facette. En effet, les baladeurs numériques sont devenus des objets courants. De même, il existe déjà des téléphones tactiles, mais aucun n’est en même temps un baladeur. La prochaine étape va être, à mon sens, de fusionner le lecteur MP3 avec le téléphone mobile. C’est logique, vu que l’iPod est actuellement le produit phare de la marque. En un mot, l’iPhone est l’iPod de demain. Ce qui expliquerait la prise de position de Steve Jobs en faveur de la suppression des DRM. Il serait alors possible aux utilisateurs de télécharger directement les morceaux sur un iPhone, sans avoir à utiliser d’ordinateur.
La presse spécialisée avait évidemment fait ses choux gras du lancement de l’iPhone, même si SVM n’a pas jugé bon de le mettre en une avant le mois de décembre, et alors seulement dans un coin de page. En présentant en février « tout ce qui va vous faire craquer en 2007 », le mensuel spécialisé ayant préféré mettre en avant le Nokia N95 et la PlayStation 3. Au même moment, son petit frère SVM Mac étalait l’iPhone en une avec cette phrase très juste : « Apple met le Mac dans la poche ».
Et nous, alors ? Nous parlions d’une « nouvelle ère », où Apple serait « le Sony du XXIe siècle », la force dominante d’une industrie informatique élargie. Nous comparions le lancement de l’iPhone à celui du Macintosh : « en concevant le logiciel et le matériel, Apple est arrivée à un niveau d’intégration inégalé à ce jour. Il faudra du temps avant qu’un constructeur parvienne à s’approcher de l’iPhone. »
Et puis patatras, est venue cette « foire aux questions » sur l’iPhone : « on ne serait pas surpris que l’iPhone gère le format Flash dans un avenir plus ou moins proche. » Pas que nous ayons retenu la leçon : quelques années plus tard, en testant les premiers smartphones à écran de 4 pouces, je mettais en doute le confort d’utilisation de ces appareils. J’utilise maintenant un iPhone 7 Plus.