Près de cinq mois après son annonce et la sortie de la Developer Preview, Android Lollipop est disponible en version finale. Sans aucun doute la plus grosse mise à jour que le système d'exploitation de Google ait connue, Android 5.0 inaugure un tout nouveau design, un moteur plus performant, des notifications plus pratiques et encore bien d'autres améliorations. Déballage de la sucette.
Une arrivée en ordre dispersé
Avant de goûter à Lollipop, un point sur la compatibilité des appareils. Comme toujours, ce sont les Nexus qui sont servis en premier. Les nouveaux Nexus 6 et Nexus 9 intègrent en standard Android 5.0. La mise à jour est en cours de déploiement sur Nexus 5, Nexus 7 (modèles 2012 et 2013 Wi-Fi) et Nexus 10. Pour les plus pressés, les images de restauration sont maintenant en ligne pour ces terminaux. L'installation manuelle nécessite de télécharger les outils de développement d'Android et de taper quelques lignes de code — on trouve facilement des tutoriels, comme celui-ci.
Pour les terminaux autres que les Nexus, il faut se montrer patient. L'attente est plus ou moins longue selon les fabricants. Motorola, qui appartenait à Google jusqu'à récemment, est le plus rapide. Lollipop est actuellement déployé sur les Moto X et Moto G 2014. Les modèles 2013 ainsi que le Moto E seront servis très bientôt.
LG se montre également rapide en proposant la mise à jour dans les prochains jours pour le G3. En revanche, pour les smartphones haut de gamme récents des autres constructeurs (HTC One (M8), Sony Xperia Z3, Samsung Galaxy S5...), Lollipop ne sera pas disponible avant plusieurs semaines.
Les créateurs de versions alternatives d'Android, souvent pensées pour des terminaux qui ne sont plus pris en charge officiellement, ont déjà commencé à travailler sur Lollipop ou vont le faire très bientôt. L'équipe de CyanogenMod, l'une des plus populaires, vient tout juste de s'y mettre. Une version alpha de CM12, basée sur Android 5.0, devrait sortir autour de la fin du mois.
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Un univers coloré
Google ne pouvait pas choisir meilleur nom que Lollipop pour Android 5.0. Avec ses aplats, ses couleurs vives, ses icônes simplifiées et ses nombreux effets, material design a quelque chose d'enfantin. Les trois boutons de contrôle (retour, accueil et multitâche), réduits en formes géométriques basiques (triangle, rond et carré), auraient pu être dessinés par un enfant.
Matias Duarte, à qui l'on doit notamment le très inspirant design de webOS, n'a pas seulement créé une interface, il a créé un univers. Un univers bien plus accueillant pour les utilisateurs novices qu'Holo, le design très techno d'Ice Cream Sandwich (Android 4.0) dont il ne reste plus rien.
Dans le calendrier par exemple, un skieur accompagne le passage au mois de décembre. À la première ouverture des applications, d'autres personnages cartoonesques illustrent les principales fonctions.
Ce n'est pas seulement le graphisme qui est enfantin, c'est aussi l'utilisation. Dans la plupart des apps préinstallées, la création d'un contenu se fait en tapotant sur le très explicite bouton rond rouge en bas de l'interface. Cette position est d'autant plus pertinente que la barre d'outils des applications est difficilement accessible à une main sur les gros smartphones.
Alors que quasiment toutes les applications d'Apple sur iOS partagent une interface exclusivement blanche, celles de Google sur Android se distinguent facilement les unes des autres par la couleur de leur barre d'outils. Le rouge domine dans Gmail et Google+, le jaune dans le bloc-notes Keep, le bleu dans Contacts, le vert dans Hangouts, etc.
C'est très pratique pour retrouver rapidement dans la nouvelle vue multitâche une application précédemment utilisée. Tous les onglets ouverts dans Chrome ont droit à leur carte dans cette vue, ce qui peut être un brin embêtant si on a l'habitude d'en ouvrir un paquet — une option permet de regrouper tous les onglets dans une seule fenêtre.
Le moindre bouton tapoté est prétexte à une petite animation. Le lanceur d'applications se gonfle et se dégonfle à grande vitesse, l'icône « hamburger » des menus se transforme en flèche, une bulle signale l'activation d'une option... Toutes ces animations, qui sont parfaitement fluides sur Nexus 5, rendent vivant le système. Mais aussi réussies soient-elles, ces animations risquent de lasser au bout d'un moment. Il ne se passe pas une minute sans que ça « pop » à l'écran.
Non seulement la plupart des boutons ont leur animation, mais il y en a même un qui en a deux pour le prix d'une. Dans Google Play, un tap sur le bouton de menu affiche une bulle et transforme l'icône hamburger en flèche. Autre point critiquable, l'affichage du menu et de la barre d'outils qui diffèrent selon les applications comme le montrent les captures ci-dessous.
En outre, certains boutons sont difficilement identifiables. Dans le centre de contrôle, comment se douter qu'un tap sur le nom du réseau Wi-Fi ou de la mention « Bluetooth » ouvre les réglages associés, alors que ce n'est pas le cas sur « Localisation » (ce serait pourtant pratique) ?
Ces couacs sont inhérents aux refontes majeures. iOS 7.1 et iOS 8 ont peaufiné de nombreux éléments d'iOS 7 qui étaient un peu à côté de la plaque. Les prochaines versions d'Android serviront aussi à cela, en partie.
Des notifications améliorées et un mode priorité
Lollipop comble les deux grosses lacunes du système de notifications d'Android. Le premier ajout, c'est la présence des notifications sur l'écran verrouillé. Pour éviter d'ouvrir l'application liée accidentellement, il faut tapoter deux fois sur la notification.
Le second complément est le mode priorité, qui est l'équivalent du mode Ne pas déranger d'iOS. Ce mode s'active dans les réglages sonores. Comme sur iOS, on peut définir une plage horaire pendant laquelle les notifications seront coupées, sauf pour quelques contacts triés sur le volet. Android 5.0 permet aussi d'autoriser certaines applications à envoyer des notifications même quand le mode priorité est actif.
Les notifications bénéficient d'autres nouveautés, comme un classement automatique en fonction du contact (les favoris seront en haut de la liste) et du type de communication. À noter également que les appels téléphoniques n'interrompent plus un film ou une partie de jeu vidéo : une bannière permet de prendre le coup de fil ou de le rejeter.
L'équivalent du centre de contrôle d'iOS se trouve maintenant « au-dessus » des notifications, accessible en un glissement vers le bas. Il fallait auparavant tapoter sur un bouton ou faire un geste à deux doigts pour le faire apparaître. Le nouveau geste est plus pratique et des raccourcis ont été ajoutés au panneau. C'est le cas de lampe de poche, de la rotation, du partage de connexion et de la diffusion vers un Chromecast ou un appareil Android TV.
Du multi-utilisateur sur smartphone
La gestion de plusieurs utilisateurs sur un même appareil n'est pas totalement nouvelle sur Android, elle est apparue dans la version 4.2, mais elle était jusque-là réservée aux tablettes. Avec Lollipop, les smartphones y ont droit aussi.
On peut donc créer plusieurs sessions distinctes, comme on le ferait sur un ordinateur. Les données ne sont pas partagées entre les utilisateurs, mais une mise à jour d'applications s'applique pour tout le monde. Il y a même une session invitée pour qui voudrait utiliser momentanément le terminal. Si seulement iOS pouvait s'inspirer de cela...
Un moteur au goût du jour
Les nouveautés apportées par Lollipop sont également sous le capot, et elles sont tout aussi importantes que le changement de design. La vieille machine virtuelle Dalvik, le moteur des applications, laisse sa place à ART, conçu pour tirer pleinement parti des processeurs multicœurs et du 64 bits. De plus, alors que Dalvik traduisait le bytecode à la volée, ce qui entraînait des problèmes de performances, ART compile le code à l'installation. À la clé, un gain de performances mais aussi d'autonomie, puisque la compilation n'est réalisée qu'une fois.
D'après Ars Technica qui a installé le nouveau système sur la Nexus 7 2012 et le Moto G, deux terminaux aux caractéristiques techniques moyennes, il n'améliore pas les performances (vitesse, fluidité) mais ne les dégrade pas non plus.
Android 5.0 doit aussi améliorer l'autonomie, jusqu'à 90 minutes selon Google, grâce à « Project Volta » une série d'optimisations. Ars Technica avait mesuré une augmentation de deux heures avec la Developer Preview sur une Nexus 7 2012, mais cette hausse ne s'est pas confirmée dans la version finale. L'autonomie est identique sur Lollipop et KitKat.
En définitive, Lollipop améliore peu ou pas les performances, mais a tout de même le mérite de ne pas les dégrader sur les anciens terminaux, ce qu'il faut souligner car on ne peut pas en dire autant des nouvelles versions d'iOS.
Par ailleurs, Android 5.0 introduit une fonction qui déplait au FBI. Les terminaux équipés en standard de Lollipop sont chiffrés. Pour les autres qui ont été mis à jour, le chiffrement est à activer dans les options.
Enfin, de nombreuses API ont été ajoutées. Totalement revue, la Camera API permet aux applications d'enregistrer les clichés au format RAW et d'utiliser le H.265 pour du streaming vidéo. Une autre API offre la possibilité aux applications de remplir des champs de manière sécurisée, sans passer par le presse-papier ou se greffer à un clavier. 1Password va l'exploiter pour s'intégrer à toutes les apps. L'avantage par rapport à la même intégration sur iOS, c'est que les éditeurs tiers n'ont aucun travail à effectuer, le bouton 1Password apparait automatiquement. En revanche, pas de capteur Touch ID sur Android.
Pour conclure
Lollipop est une nouvelle version savoureuse. L'emballage est très soigné et original. Il y a bien quelques imperfections, mais ce sont des défauts de jeunesse qui pourront être facilement corrigés. La nouvelle recette d'Android (ART, Project Volta, nouvelles API) pose de bonnes bases pour les années à venir. Dommage que les surcouches des fabricants viennent masquer tous ces efforts.