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Test du Pono Player, le baladeur audiophile de Neil Young

Nicolas Furno

mercredi 28 janvier 2015 à 16:30 • 43

Matériel

Porté par Neil Young, le Pono Player est peut-être le premier baladeur qui attire un petit peu d’attention médiatique depuis la fin de l’ère des iPod. Ce n’est pas le premier baladeur audiophile pour autant : iRiver, via sa marque Astell & Kern, n’a jamais cessé d’en produire depuis la fin des années 1990. Mais ces modèles, très chers, sont réservés à un public averti, là où le Pono Player se veut aussi accessible que l’iPod en son temps. Pas seulement sur son prix, modeste en comparaison (400 $ sans compter les frais de port et de douane), mais aussi pour l’ensemble des services associés.

Le Pono, ce n’est pas seulement un appareil de lecture, c’est aussi un écosystème complet et surtout une boutique en ligne pour acheter de la musique. Pour se distinguer de tous ses concurrents, ce nouveau produit met en effet la qualité en avant : le Pono Player est capable de lire des fichiers non seulement sans perte, mais qui vont beaucoup plus loin que la qualité des CD audio. Repoussant les limites, ce nouveau-venu peut lire les fichiers utilisés en studio (192 kHz et 24 bits), de quoi, sur le papier, obtenir ce qui se fait de mieux en matière de qualité sonore.

Nous avons utilisé le Pono Player au quotidien pendant près de deux mois, largement assez pour vérifier si Neil Young a eu raison de parier sur la qualité des fichiers. Est-ce que ce nouveau baladeur audiophile est intéressant ou s’agit-il d’une arnaque idiophile ? Avant d’investir plus de 350 € dans ce produit, quelques éléments de réponse dans notre test !

Une prise en main déroutante

Le Pono Player déroute quand on le prend en main pour la première fois, et pour cause. Avec sa forme triangulaire, il s’éloigne de ce que l’on a l’habitude de voir en général en matière de baladeurs, c'est-à-dire un pavé. Ce n’est pas la première fois que l’on utilise cette forme dans un baladeur (qui se souvient des premiers modèles avec mémoire Flash d’iRiver ?), mais l’appareil étant assez imposant, on ne peut que remarquer cette forme étrange.

Long de 13 cm, le Pono Player est ainsi composé de trois faces qui ne font pas toutes la même taille. La façade avec l’écran et les contrôles mesure 5 cm de large, mais les deux faces à l’arrière n’atteignent pas les 4 cm. À son point le plus épais, le lecteur atteint 3 cm, à comparer aux 6,9 mm de l’iPhone 6, aux 10,5 mm de l’iPod classic ou même aux 2 cm du tout premier iPod qui, rappelons-le, fêtera ses 14 ans à l’automne prochain.

Entre l’iPhone 6 et un iPod de première génération, le Pono Player. Il est vraiment épais.

Autant le dire, le Pono est très épais, à tel point qu’il est presque incongru de vouloir le mettre dans la poche d’un pantalon. On peut le faire rentrer dans la poche d’un jean, on peut même s’assoir avec cette configuration, mais ce n’est pas très confortable, et surtout pas très pratique. En déplacement, mieux vaut compter sur la poche d’une veste ou d’un manteau, mais le Pono n’est jamais à l’aise quand on se déplace sans l’utiliser activement.

Il faut dire que la forme n’est pas la seule en cause : on reviendra plus longuement sur l’ergonomie du produit, mais on peut déjà dire qu’elle n’a pas été pensée avec la mobilité en tête. Pour que le Pono Player tienne en place dans une poche, il faut placer la façade avant contre le corps, ce qui bloque totalement ses contrôles. Et n’espérez pas utiliser les télécommandes placées sur la majorité des écouteurs et casques pour baladeurs, elles ne fonctionneront pas…

On peut glisser le Pono Player dans une poche, mais on l’oublie difficilement…

En revanche, cette forme triangulaire est plutôt agréable pour utiliser le baladeur. Il tient bien en main, le dos remplissant bien le creux de la main et on le manipule plutôt facilement. Mais le vrai point fort de ce produit bizarrement conçu, on le découvre quand on l’utilise posé sur un bureau ou sur toute autre surface plane.

De fait, le Pono Player semble avoir été conçu pour être posé sur le bureau, face à soi. Dans cette configuration, on peut positionner le lecteur contre un livre et il est alors parfaitement calé (il forme un angle de 90°, comme une équerre). L’interface s'oriente dans la bonne direction si bien que l’on peut totalement l’utiliser dans ce sens, sans jamais le déplacer. C’est vraiment pratique et on apprécie les trois boutons physiques en façade qui sont parfaits pour mettre en pause rapidement la lecture ou changer le volume sans même regarder ce que l’on fait.

Positionné ainsi et calé contre un support, le Pono Player ne bouge pas et il est même assez confortable à utiliser, notamment parce que l’écran forme un angle appréciable.

Le fait que l’on apprécie plus ce baladeur audio posé sur un bureau que dans une poche est un problème toutefois. À quoi bon acheter un appareil censé être mobile, si c’est pour ne l’utiliser que de manière statique ? Le Pono Player est clairement un mauvais produit pour être mobile, d’autant que son autonomie est médiocre, au mieux. Le constructeur annonce « jusqu’à huit heures d’autonomie », sans préciser comment cette valeur a été mesurée. À l’usage, on est non seulement systématiquement en-dessous, mais en plus on est largement en-dessous.

Pendant nos essais, il nous est arrivé à plusieurs reprises de devoir recharger le Pono Player au bout de 5 ou 6 heures d’écoute. Il a une batterie de 2900 mAh comme l’iPhone 6 Plus, mais ce dernier tient 80 heures en lecture audio. Comment expliquer une telle différence ? D’une part, les chiffres officiels sont obtenus avec des fichiers faciles à décoder (MP3 ou AAC) alors que l’un, comme l’autre, sont capables de faire bien mieux. Puisque l’on n’achète pas le lecteur de Neil Young pour écouter des fichiers de mauvaise qualité, cette valeur n’a pas vraiment de sens.

En usage courant, la batterie du Pono Player est handicapée par la lecture de gros fichiers exigeants, mais aussi par son amplificateur puissant. Le résultat est sans appel, vous n’aurez jamais une autonomie suffisante pour l’utiliser sans y penser. Fort heureusement, l’appareil utilise un câble micro-USB standard et on peut le charger avec n’importe quel ordinateur ou chargeur USB. Vous en aurez besoin : en utilisation sédentaire, nous avons trouvé plus simple de laisser l’appareil branché en permanence. Encore une fois, c’est un peu gênant pour un produit censé être nomade à la base.

La trappe de la carte micro-SD Cliquer pour agrandir

Avant de passer à l’utilisation concrète de l’appareil, un dernier mot sur sa qualité de fabrication. Contrairement aux produits d’Astell & Kern et à la majorité des baladeurs audiophiles actuellement sur le marché, le Pono Player n’a pas été pensé pour être un beau produit. Entièrement en plastique, il ne respire pas la solidité et le plastique brillant dessus et dessous n’est pas qualitatif du tout.

Le pire, c’est peut-être la trappe de la micro-SD qui donne le sentiment qu’elle va rester entre les doigts dès qu’on la manipule. Sur les trois faces du triangle, le plastique mat et presque caoutchouteux est un petit peu meilleur, mais il ne suffit pas à inverser l’impression générale. On attendait mieux d’un produit vendu ce prix-là. Précisons enfin que le produit peut être obtenu en jaune, en plus de la version noire testée ici.

Une ergonomie catastrophique

Autant le dire d’emblée : l’ergonomie est le plus gros problème du Pono Player et ce n’est pas une exagération de dire qu’elle est catastrophique. C’est si mauvais que cet argument suffit à lui-seul de déconseiller l’appareil sans autre forme de procès si vous prêtez un soin particulier à cet aspect. Mais avant de lister les choses qui fâchent, commençons par ce qui fonctionne bien.

Les trois boutons physiques sont suffisamment gros et bien séparés pour qu’on puisse les actionner sans les regarder et ils sont essentiels au quotidien. Ils fonctionnent comme les trois boutons de la télécommande des écouteurs Apple : celui du milieu met en pause et relance la lecture d’un clic, mais il sert aussi à changer de titre avec deux (piste suivante) ou trois (piste précédente) clics. En revanche, il ne sait pas avancer ou reculer rapidement au sein d’un titre : si on le maintient, on affiche un menu qui permet de mettre en veille, voire d’éteindre le baladeur.

À propos de contrôle de la lecture, le Pono Player arrête automatiquement la lecture en cours quand on débranche les écouteurs, comme le faisaient les iPod. C’était déjà une excellente idée dans les produits d’Apple et on peut la saluer à nouveau dans le cas de ce produit. En revanche, comme on le signalait dans la partie précédente, les commandes sur les écouteurs et câbles ne sont pas prises en charge, et ce n’est vraiment pas normal.

De part et d’autre du bouton rond, un plus et un moins permettent de régler le volume. C’est un élément essentiel pour un lecteur audio et les concepteurs du Pono Player ont eu tout à fait raison d’opter pour des contrôles physiques. Grâce à eux, on peut baisser rapidement le volume quand c’est nécessaire, l’augmenter si on veut plus de décibels et ils fonctionnent n’importe où. Quand le lecteur est verrouillé, il faut deux clics pour réactiver l’appareil, puis changer le volume. Quand il est en action, les boutons réagissent immédiatement, que l’on soit sur le panneau de lecture ou dans un menu.

Gérer la lecture et le volume avec des boutons physiques, c’est la meilleure idée du Pono Player. Malheureusement, la liste de bonnes idées s’arrête là et celle de problèmes commence alors… et elle est beaucoup plus longue que la précédente.

Le Pono Player tourne sur une base d’Android, mais cela n’a aucune importance, puisque l’on ne voit jamais l’interface du système mobile de Google. À la place, on a une interface entièrement modifiée et adaptée à la lecture de fichiers audio. De même, on n’a pas toutes les fonctions d’Android, on ne peut pas accéder à la boutique de Google, utiliser le navigateur ou jouer avec l’appareil, ce qui le différencie de la majorité de ses concurrents. Pour prendre un exemple, le Sony NW-ZX1 tourne sous Android 4.2 et on a accès à toutes ses fonctions.

Est-ce pour autant gênant ? Sur le papier, non et même au contraire, cette personnalisation devrait permettre au Pono Player de se concentrer sur une seule tâche et de mieux la remplir. Même si un iPod touch est un excellent baladeur, l’iPod classic avec ses contrôles dédiés était meilleur sur plusieurs points. Pour autant, le Pono Player n’est pas aussi bon qu’un iPod, loin de là, et ce, pour une raison : il faut passer par un écran tactile pour manipuler son interface.

Quelques listes affichées par le pono Player avec, de gauche à droite, les titres d’un album, la vue albums et la vue artiste avec un album ouvert. Cliquer pour agrandir

Nous n’avons rien contre les écrans tactiles, naturellement, mais celui du Pono Player est trop petit, ou plutôt son interface n’est pas conçue pour faciliter les manipulations au doigt. Avec 2,5 pouces annoncés, l’appareil dispose de la même surface d’écran qu’un iPod nano de dernière génération, mais c’est le jour et la nuit en matière d’ergonomie. La différence, c’est que les concepteurs du Pono Player n’ont probablement pas réfléchi à leur interface et qu’ils ont multiplié les erreurs.

Toute l’interface repose sur une série de menus défilants qui permettent d’accéder à toutes les listes : artistes, albums, morceaux, listes de lecture et réglages. On défile ensuite pour trouver le morceau ou l’album à écouter, ou bien accéder à la poignée de réglages disponibles. Jusque-là, tout va bien, mais cette interface s’avère vite très compliquée à utiliser. Pour passer d’une liste à l’autre, on peut glisser tout l’écran, mais au risque alors d’interagir avec la liste en cours (et de changer la lecture en cours par exemple). La solution la plus « sûre » consiste à glisser les intitulés en haut de l’écran, mais la zone est si petite qu’il faut souvent s’y reprendre plusieurs fois.

Ce n’est pas mieux quand on défile verticalement dans une liste. D’abord parce que le défilement est saccadé — il y aurait un gros travail d’optimisation à faire de ce côté —, mais surtout parce que l’on risque à tout moment de cliquer sur un élément. Dans la liste des artistes, une deuxième avec la liste des albums s’affiche alors et interrompt le défilement… on s’en tire vite les cheveux !

De haut en bas : l’état de la batterie (le mince fil vert), le sélecteur d’écran qui permet d’accéder à toutes les fonctions du Pono Player, la liste des artistes avec un album affiché pour l’un d’entre eux et, en jaune en bas, le titre actuellement en cours de lecture. Cliquer pour agrandir

Pour ne pas améliorer les choses, le Pono Player affiche en permanence un bandeau jaune en bas de l’écran quand on lit de la musique avec le lecteur. Ce bandeau est pratique, il permet de savoir ce que l’on lit et de revenir en un geste à l’écran de lecture. Mais il prend aussi de la place et, surtout en mode paysage, on perd peut-être un peu trop d’espace utile. Quand on affiche les albums, on n’en voit que deux à la fois et il faut défiler longtemps pour arriver à celui que l’on cherche.

Vous en voulez encore ? L’écran du lecteur est de très mauvaise qualité, avec des angles de vision ridicules. Quand on le regarde légèrement de biais, l’image devient brutalement très sombre ou au contraire très claire. Cela rappelle les premiers écrans LCD et ce n’est pas agréable au quotidien, sans compter que ce n’est pas très pratique : on a très vite du mal à lire les informations affichées.

Cliquer pour agrandir

On pourrait encore lister pendant longtemps les défauts du Pono Player, mais ce n’est probablement pas nécessaire : ce baladeur n’a pas bénéficié du même soin et de la même attention aux détails qu’un iPod et il est pénible à utiliser au quotidien. Même après plusieurs semaines d’utilisation, on ne s’y fait pas vraiment et on arrive encore à lancer un morceau sans le vouloir. Frustrant.

Le pire, c’est que les griefs ergonomiques à propos du Pono Player ne s’arrêtent pas là. Pour le moment, on a toujours évoqué le produit une fois chargé de musique, mais vous vous demandiez peut-être comment remplir les 128 Go de mémoire interne. Vous pouvez vous en douter, il ne faut pas passer par iTunes et la solution mise en place par le constructeur est médiocre, au mieux.

Synchronisation en cours… Cliquer pour agrandir

Plutôt que de concevoir leur propre gestionnaire musical, les créateurs de Pono ont signé un accord avec JRiver, un logiciel de media-center multiplateformes. Une version spécifique a été créée pour le baladeur pour Windows et pour OS X, mais on n’est pas sûr de vous recommander de les installer. Ce logiciel est extrêmement complet, c’est incontestable, il est beaucoup plus puissant qu’iTunes et permet une gestion très fine de sa musique, notamment pour lire les formats supérieurs à la qualité CD.

Mais ce logiciel est aussi un outil multiplateforme qui ne respecte aucun standard d’OS X et c’est un cauchemar ergonomique. On ne s’étendra pas sur le sujet, sachant que le Pono Player apparaît comme n’importe quel disque dur sur votre ordinateur en le connectant. Dans un cas comme dans l’autre, vous devrez gérer différemment le stockage interne et la carte mémoire, donc autant passer par un glisser/déposer dans son gestionnaire de fichiers.

Cliquer pour agrandir

Reste que si vous appréciez la simplicité d’une gestion centralisée à la iTunes, si vous aimez le confort d’une synchronisation automatisée en branchant simplement l’appareil à votre ordinateur, vous n’aurez aucun équivalent avec le Pono Player. Ou plutôt si, le logiciel fourni est censé faire la même chose, mais nous n’y sommes pas parvenus. Ce n’est pas faute d’avoir essayé, mais nous n’avons pas été aidés par les multiples bugs de notre version.

Un son à la hauteur des attentes

Après un constat aussi sévère sur l’ergonomie, on pourrait se dire qu’il n’y a rien à garder avec ce Pono Player, mais cela dépend en fait du nombre de compromis que vous êtes prêt à faire en contrepartie de la qualité sonore. Ce baladeur se veut audiophile et son premier argument n’est pas l’ergonomie, mais sa sortie sonore. Ou plutôt ses sorties sonores, car il y en a deux sur l’appareil.

Que vaut le Pono Player quand on l’utilise avec un bon casque et des fichiers musicaux de qualité suffisante ? Il vaut mieux qu’un iPhone ou que la sortie par défaut de votre ordinateur, incontestablement. Cela semble évident, mais on est rassuré d’entendre une vraie différence avec le même fichier et le Pono d’un côté et tout autre appareil standard de l’autre. La qualité apportée par le baladeur de Neil Young est très nette, le son est plus ample, mieux défini : bref, le rendu est nettement meilleur.

L’appareil a suffisamment de puissance pour alimenter un bon casque et ses composants sont de suffisamment bonne qualité pour s’effacer. De fait, le principal intérêt du Pono Player n’est pas d’améliorer artificiellement le son qu’il produit, mais plutôt qu’il laisse le casque (ou les enceintes) branché faire le travail. Pour le dire autrement, on n’entend plus les limites de la source, mais uniquement celles du casque. Ce qui permet d’exploiter les meilleurs casques, mais ce qui veut aussi dire que les particularités de chaque modèle sont renforcées, au lieu d’être gommées par un iPhone ou un Mac.

Nous avons testé le Pono Player avec cinq casques et écouteurs très différents, et à chaque fois, on a pu faire ce constat. Par exemple, le Focal Spirit Classic réputé pour être très neutre est si plat avec le baladeur qu’il manque un petit peu d’émotions et devient presque sans intérêt… mais les amateurs de musique analytique seront aux anges. À l’inverse, le Grado SR125i voit sa pointe dans les aigus renforcée, alors que le P3 de Bower & Wilkins est encore plus chaud qu’avec un iPhone.

Pour le dire autrement, mieux vaut un bon casque pour profiter du Pono Player. Ce baladeur ne fera rien pour améliorer des haut-parleurs de qualité médiocre, au contraire, il risque bien de renforcer leurs défauts. Par ailleurs, si vous aimez les basses, pensez à choisir un casque qui en dispose, sinon vous serez déçu, d’autant que l’on n’a aucun réglage de ce côté. Là où les autres baladeurs audiophiles proposent des réglages à ne plus savoir qu’en faire, il n’y a rien de tel ici. Le son de base est le seul que vous aurez, mais c’est loin d’être un défaut, tant il peut être bon.

Avant de passer à la question des fichiers, un mot sur la deuxième sortie casque. On peut l’utiliser pour partager le Pono Player et brancher deux casques sur l’appareil, avec un réglage pour débrayer ou non le réglage du volume de la deuxième sortie. Si on a une paire d’enceintes compatibles, on peut utiliser un mode « sortie balancée » avec une sortie dédiée à chaque canal. C’est aussi pratique pour les (rares) casques qui peuvent être branchées sur deux sorties différentes, mais la principale utilisation sera probablement de brancher deux casques.

Un écosystème inutile, voire nuisible

Pono, ce n’est pas seulement un baladeur, c’est aussi un écosystème complet. Les concepteurs du produit ont voulu reproduire la formule miraculeuse de l’iPod qui était sorti avec un gestionnaire de musique et surtout une boutique. Quand Apple a lancé l’iTunes Store, courant 2003, c’était une nouveauté à une époque où la musique se vendait surtout physiquement. Douze ans après, le paysage a bien changé et le choix de vendre de la musique à l’unité semble absurde à une époque où les services de streaming ont pris le dessus.

Pour justifier le maintien d’un modèle économique que certains jugeraient dépassé, Neil Young met en avant la qualité audio. Le Pono Player est capable de lire des fichiers sans compression (FLAC, ALAC, WAV et AIFF) et au niveau d’un CD, mais il peut aller bien au-delà (et on peut aussi lire les fichiers MP3 et AAC sans protection). L’appareil sait lire des fichiers 192 kHz et 24 bits, c'est-à-dire ce qui se fait de mieux en matière de qualité sonore. À titre de comparaison, un CD est bloqué à 44,1 kHZ et 16 bits et la qualité dite « Pono » est la même qu’utilisent les studios d’enregistrement.

La boutique met en avant ces fichiers avec un graphique qui illustre la différence avec le CD et même les fichiers au téléchargement ou en streaming qui sont, dans leur discours, nécessairement compressés. La boutique associée au Pono vend ces fameux fichiers 192 kHz et 24 bits et c’est bien logique, puisqu’on ne les trouve pas facilement ailleurs. Qobuz en a quelques-uns en stock, mais la majorité de son catalogue « se contente » d’une fréquence inférieure, également en 24 bits.

Malheureusement, c’est exactement la même chose dans la boutique du Pono. L’entreprise a beau mettre en avant ses deux millions de titres dans « la meilleure qualité », on est loin du compte, ou alors on a mal cherché. Il faut dire que le PonoMusic Store est encore bien vide et qu’il lui manque des pans entiers de la musique : vous aimez le classique ? Pas de chance, vous ne trouverez (quasiment) rien.

Pendant nos essais, nous avons surtout trouvé des fichiers de qualité inférieure, souvent similaires à ceux que proposait Qobuz. Et les comparaisons directes ne sont pas vraiment favorables au nouvel entrant : quand la boutique du Pono propose un album déjà disponible chez son concurrent français, il est systématiquement plus cher, en général pour une qualité identique.

Prenons un exemple mis en avant sur le PonoMusic Store : Pearl de Janis Joplin (un classique des années 1970) est proposé d’un cas comme dans l’autre en 24 bit et 96 kHz. Chez Qobuz, on l’achète pour 13,5 €, mais 18 $ (environ 16 €) du côté de Pono. Les écarts sont souvent plus réduits pour les albums récents : taux de conversion du dollar oblige, The Pale Emperor, le dernier album de Marilyn Manson, est vendu légèrement moins cher (environ 13,7 €) du côté du Pono que chez Qobuz (15 €), mais là encore, dans la même qualité.

Quand vous trouvez un album dans la meilleure qualité possible — piochez dans la discothèque de Neil Young, bizarrement ce sera plus facile —, le prix est encore plus élevé. Un exemple avec After The Gold Rush, sorti en 1970, qui est vendu presque 20 € en 24 bits et 192 kHz. À ce prix-là, vous aurez envie de savoir que vous avez de la musique techniquement optimale — on reviendra sur ce point dans la suite.

Cela tombe bien, le Pono Player a une LED bleue sur le dessus qui ne s’allume que lorsque vous écoutez des fichiers dans cette qualité. Elle ne sert à rien, si ce n’est à vous rappeler que vous écoutez un fichier 192 kHz et 24 bits et on regrette un peu la mesquinerie du lecteur. La LED ne s’affiche en effet que pour les fichiers vendus par PonoMusic, pas pour ceux que l’on aurait pu acheter sur Qobuz ou convertir soi-même.

Quand on lit un fichier acheté sur la boutique du Pono et dans la meilleure qualité possible, une LED bleue s’allume sur le dessus. Ce qui ne sert à rien, si ce n’est à rappeler que l’on bénéficie de cette qualité supérieure.

Autant le dire, la partie boutique en ligne de l’écosystème Pono est une déception pour le moment. Il y a beaucoup moins de contenu que chez Qobuz, les prix sont élevés et la qualité optimale promise est à état de trace seulement. Nous avons analysé l’intégralité du catalogue actuel et sur les deux millions de morceaux reconnus, seulement 3 % proposaient mieux que le CD (44,1 kHz et 16 bits). Ce taux ridiculement bas ne correspond pas aux fichiers en 192 kHz et 24 bits, mais bien tous les fichiers au-dessus du CD. Autant dire que si l’on ne veut que le meilleur, on aura vite fait le tour sur le PonoMusic Store.

Est-ce un problème pour autant ? Sur ce point, les avis sont partagés et certains avancent même qu’écouter de la musique à plus de 44,1 kHz pourrait être dangereux pour les oreilles. Les arguments ne manquent pas, et ils sont soutenus par des preuves scientifiques assez difficiles à contrer. Nous ne les évoquerons pas ici, mais nous recommandons à tous ceux qui veulent en savoir plus ce long article technique signé par le créateur du format de compression Ogg Vorbis. Selon lui, la conclusion est très claire : le passage au 24 bits et 192 kHz n’a aucun avantage technique et il ne s’agit que d’un argument marketing.

Le Pono Player n’est pas un mauvais produit, mais il n’est pas forcément nécessaire de l’accompagner de fichiers aussi coûteux. De notre côté, nous n’avons jamais réussi à entendre la différence entre des fichiers lossless en qualité CD, et d’autres en meilleure qualité. En revanche, la différence est parfaitement audible entre ces même fichiers qualité CD, et des versions compressées en AAC ou MP3.

Vous n’êtes pas convaincu ? La taille des fichiers sera peut-être un argument plus fort dans ce cas : le Pono Player est fourni avec un fichier en 192 kHz et 24 bits, un classique de Neil Young (« There’s A World », sur l’album Harvest). Ce morceau dure trois minutes et le fichier correspondant pèse… légèrement plus de 105 Mo. En considérant que l’on n’a que des morceaux de trois minutes, on pourra en stocker environ 1200 sur les 128 Go du baladeur.

C’est déjà bien, mais quand on pense qu’Apple vantait déjà son premier iPod avec la même quantité de titres, certes à une qualité bien inférieure, on se dit que c’est un compromis difficile à faire. D’autant plus si vous n’entendez pas vraiment la différence entre ces fichiers et du lossless standard : le même fichier encodé en ALAC 16 bits et 44,1 kHZ ne pèse plus que 15,9 Mo et on peut alors dépasser les 8000 morceaux sur l’appareil.

Pour conclure

Difficile de donner un avis définitif sur le Pono Player. D’un côté, on a un baladeur capable d’offrir une qualité sonore bien meilleure que ce qu’un iPhone peut faire aujourd'hui, ou même que les iPod pouvaient offrir à leur époque. Avec un (très) bon casque, y compris avec un modèle à impédance élevée, on obtient un son vraiment excellent et il est incontestable que les composants utilisés dans l’appareil sont de très bonne qualité.

Même s’il est excellent sur le critère de la qualité sonore, le Pono Player est censé être un baladeur que l’on gardera toujours avec soi. Et c’est là que le bat blesse : sa forme triangulaire complique toute utilisation nomade — on peut le mettre dans une poche, mais ce n’est pas pratique — et l’ergonomie de son interface tactile est déplorable. Ajoutez à cela une autonomie bien inférieure à celle qui est annoncée et vous obtiendrez un appareil nomade médiocre.

Le baladeur se rattrape une fois posé sur un bureau, en utilisation fixe. Le Pono Player est alors plus agréable, mais à quoi bon ? N’importe quel DAC relié à votre ordinateur fera probablement aussi bien et sera plus pratique dans ce contexte. Nous avons comparé le lecteur à un Fiio E7, un DAC d’entrée de gamme vendu moins de 100 €, et nous n’avons pas noté de différence significative avec les mêmes casques et les mêmes fichiers.

Pour autant, le Pono Player n’a pas totalement perdu de son intérêt. Il reste un produit intéressant si l’on veut de la musique transportable, plus que portable : avec ses 128 Go de stockage, il est capable de délester nos ordinateurs modernes, souvent contraints par des SSD bien trop petits. Et puis un appareil mono-tâche reste intéressant : quel que soit le contexte, vous mettrez la musique en pause ou changerez le volume sans quitter des yeux votre travail en cours.

Pendant nos essais, nous avons surtout utilisé le baladeur audiophile de Neil Young en usage sédentaire, à la rédaction de MacGeneration et donc constamment posé sur un bureau. L’appareil n’a été déplacé que le temps des week-end, pour être posé sur un autre bureau, ou utilisé au fond d’un canapé. En revanche, il n’a jamais servi à écouter de la musique en marchant ou à l’extérieur. Décevant ? Peut-être, mais dans ce périmètre, il a extrêmement bien rempli son rôle.

Et puis à 400 $, il est finalement meilleur marché que la majorité de ses concurrents. l’AK120 II d’Astell & Kern a une fiche technique assez similaire (128 Go de stockage et base Android), mais il est vendu 1700 €. Précisons toutefois que ce prix concerne uniquement les précommandes qui seront arrêtées dans quelques jours et que le produit final sera vendu sans la microSD additionnelle : pour atteindre 128 Go de stockage, il faudra ainsi ajouter 45 € à sa commande[1].

Ce prix réduit n’excuse en rien les problèmes ergonomiques du Pono Player et, pire encore, ceux du logiciel de synchronisation. Quant à la démarche de Neil Young en faveur du 24 bits et 192 kHz, on ne peut s’empêcher de reconnaître que c’est surtout un argument marketing. Un argument que le client doit payer le prix fort : l’écosystème du Pono est loin d’avoir les arguments pour se faire une place. Au total, les défauts l’emportent sur les qualités et ce baladeur nouvelle génération ne convainc pas. Mais c’est dommage, car ses qualités sonores sont indéniables : à vous de voir, dès lors, si l’ergonomie peut passer au second (voire troisième) plan.


  1. Un mot au sujet des commandes : nous avons commandé notre exemplaire pendant la campagne de financement sur Kickstarter, mais celle-ci est maintenant terminée. Pour l’heure, le site ne permet pas de commander l’appareil hors des États-Unis. La situation devrait évoluer quand le produit sera officiellement commercialisé, à partir du mois de février.  ↩

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