Douze ans après l’iPod Hi-Fi qui sera passé comme une comète, Apple revient sur le marché des enceintes avec le HomePod. Signe des temps, ce n’est plus la source musicale qui s’enfiche dans l’enceinte, mais l’enceinte qui s’insère dans l’écosystème par la grâce du sans fil.
Jamais avare de grandes promesses, Apple dit avoir « totalement réinventé la manière dont la musique s’écoute à la maison ». Comment ? Grâce à un son « exceptionnel » qui emplit la pièce et une utilisation « plus simple que simple ». Il suffit de demander à Siri de jouer sa musique préférée comme on le demanderait à un DJ en boîte, les hurlements en moins, l’abonnement Apple Music et l’accent anglais en plus.
Le HomePod repose en effet énormément sur Apple Music et, pour l’instant, sur l’anglais. Cela changera au printemps avec la commercialisation en France, mais faute de connaître le niveau de Siri en français, nous ne pouvons pas encore livrer d’avis définitif sur le produit. Cela étant, le bilan se dessine déjà assez clairement…
Petit mais costaud
À l’instar d’une boombox, l’iPod Hi-Fi se voulait massif, exubérant et surpuissant, allant même jusqu’à casser les vitrines des Apple Store (pour de faux). Le HomePod est l’exact inverse. Tout concourt à en faire un objet discret et cosy : ses dimensions, 172 x 142 mm ; sa forme, un cylindre très arrondi ; et sa matière, du tissu mesh blanc ou noir.
Sur le dessus figure un panneau rond qui s’illumine quand Siri s’active. L’animation colorée rappelle celle qui s’affiche sur l’iPhone quand on convoque l’assistant. Elle permet de s’assurer que Siri est bien à l’écoute quand on déclame un « Hey Siri », mais on se passe vite du coup d’œil sur cet afficheur LED, l'assistant ayant une excellente ouïe comme on le verra plus tard.
Des boutons + et - sont aussi présents au sommet du HomePod quand de la musique est jouée. Le panneau est en effet tactile : on peut contrôler le volume et la lecture à l’aide de tapotements (un tap long pour Siri, un tap court pour lecture/pause, deux taps pour la piste suivante…). Les traces de doigts sur la surface brillante témoignent de l’utilité de ce moyen d’interaction secondaire.
Entièrement recouvert de tissu, le câble d’alimentation du HomePod rappelle les cordons des fers à repasser, en plus élastique. Il fait deux mètres et n’est pas détachable… sauf à tirer très fort dessus, une opération qu’Apple déconseille vivement — le connecteur interne n’est de toute façon pas standard. En cas de problème, le câble peut être réparé pour 29 $.
La finition, qui tient surtout dans la qualité et l’assemblage de la maille, est excellente. L’allure l’est-elle autant ? Chacun se fera son avis sur cet aspect plus subjectif. Disons quand même que le HomePod en impose moins esthétiquement que d’autres enceintes connectées et diverge d’avec le reste des produits Apple majoritairement en métal. À vous de juger si ce cocon en tissu s’accorde bien à votre intérieur (dommage qu’Apple ne propose pas l’équivalent d’IKEA Place pour placer ses produits en réalité augmentée chez soi).
Ce cocon est en tout cas plus lourd qu’il n’y paraît, puisqu’en dépit d’un gabarit similaire au Sonos One, le HomePod fait 650 grammes de plus, soit 2,5 kg. C’est qu’il y a beaucoup de choses à l’intérieur : un caisson de basse, sept haut-parleurs disposés à 360°, six micros et même un processeur A8 pour gérer toutes les technologies logicielles à l’œuvre.
- Pour en savoir plus sur l’intérieur : iFixit a démonté (et détruit) le HomePod
Les victoires de la musique
On ne reviendra pas sur la configuration initiale qu’on a déjà présentée, ou alors juste pour dire qu’elle est déjà traduite en français et qu’elle est un modèle du genre. S’effectuant sur un iPhone ou un iPad sous iOS 11.2.5 au minimum, elle est rapide et simple. En seulement deux minutes le HomePod est prêt à l’emploi, un peu plus si vous n’étiez pas encore abonné à Apple Music et que vous décidez de le devenir (les trois premiers mois sont gratuits).
Apple ne vous force pas la main à ce sujet, vous pouvez très bien utiliser le HomePod sans Apple Music, mais c’est se priver de la principale source audio compatible avec Siri. Ce n’est pas la seule néanmoins, vous pouvez demander à l’assistant de lancer la lecture de tous ces contenus :
- Apple Music
- Musique achetée sur iTunes
- Bibliothèque musicale iCloud avec abonnement Apple Music ou iTunes Match
- Radio Beats 1
- Podcasts présents dans le catalogue d’Apple
Pour tout le reste (Spotify, Deezer, vidéos YouTube, radios…), il faut utiliser AirPlay. Sauf s’ils ont un HTC, vos amis équipés de smartphones Android ne pourront se connecter d’aucune manière au HomePod puisqu’il n’y a ni entrée jack ni Bluetooth pour la musique. Mais ils pourront demander directement à Siri de vous faire écouter leur dernière découverte, l’assistant n’étant pas regardant sur l’interlocuteur.
Mais ne parlons pas tout de suite de Siri, concentrons-nous déjà sur la qualité sonore du HomePod, car Apple l’a martelé, ce produit a été conçu avant toute chose pour diffuser de la musique, et de la meilleure des façons s’il vous plaît.
Le HomePod ne se contente pas d’envoyer bêtement du son sur 360°, il analyse l’acoustique de la pièce et ajuste la restitution en fonction. Placée contre un mur, l’enceinte envoie le son direct (typiquement, la voix principale) vers le centre de la pièce et fait « rebondir » le son ambiant diffusé par les canaux latéraux sur le mur. Un calibrage que le HomePod fait entièrement seul, contrairement aux Sonos qui demandent de se balader dans la pièce iPhone en main pendant 45 secondes. En outre, l’enceinte d’Apple applique automatiquement un égaliseur propre à chaque titre pour offrir un son « immersif parfaitement fluide ».
Un ensemble de technologies qui fait mouche, déclaraient les médias qui avaient pu tester en avant-première le HomePod et qui le plaçaient de manière unanime au-dessus de la concurrence directe. Depuis la commercialisation aux États-Unis, au Royaume-Uni et en Australie vendredi 9 février, les avis se sont logiquement multipliés. Deux d’entre eux sont particulièrement intéressants pour des raisons différentes.
Le premier, c’est celui de Fouzan Alam, alias WinterCharm, un audiophile qui a mené une évaluation qui se veut objective avec un micro de calibration dans un petit salon. Résultat de son expérience dont on vous passe les détails techniques : « le HomePod sonne mieux qu’une KEF X300A », une enceinte de monitoring réputée vendue 999 € la paire en version sans fil (son test n'a été effectué qu'avec une seule KEF X300A). Selon lui, donc, l’enceinte d’Apple reproduit très fidèlement la musique.
Une opinion positive qui n’est pas tombée dans l’oreille d’un sourd ; Phil Schiller l’a partagée sur Twitter le jour même. Fouzan Alam a corrigé à plusieurs reprises son billet pour prendre en compte les remarques d’autres audiophiles pointant des erreurs, mais il campe sur sa position : « le HomePod est à 100 % une enceinte de qualité audiophile. »
Le deuxième avis digne d’intérêt, c’est celui de Consumer Reports, parce qu’il est formulé par une puissante association de consommateurs… et parce qu’il va à contre-courant des classements établis jusqu’à présent par la presse. L’association américaine, qui n’a pas encore terminé ses tests, ne dit pas que le HomePod est mauvais, loin de là, il a l’appréciation « très bien », mais elle le juge légèrement inférieur au Sonos One et au Google Home Max. En cause, des basses un peu trop percutantes et prononcées, des médiums quelque peu brumeux et des aigus en retrait.
Et nous, à iGeneration, qu’est-ce qu’on en pense ? Le HomePod a incontestablement un son riche et puissant. Le plus bluffant est peut-être la façon dont le son emplit l’espace, que l’enceinte soit placée au centre de la pièce (toutes les personnes autour profitent aussi bien de la musique) comme contre un mur. Beaucoup plus directionnel, un Sonos One est incapable de faire cela.
La plage de volume est suffisante pour couvrir une utilisation domestique classique, petites soirées entre amis comprises, mais le volume maximum peut se révéler insuffisant pour les usages ou les salles les plus larges. Le point positif, c’est que l’on peut pousser le volume à fond sans que cela ne provoque de distorsion.
L’enceinte sépare bien les différents éléments des morceaux et tente de faire seule de la stéréo en mettant à profit ses sept haut-parleurs. Cela ne vaut pas de la vraie stéréo, mais l’effet se fait entendre.
La restitution est parfois un peu écrasée par les basses. Cette emphase sur les graves se manifeste particulièrement dans un cas… qui se trouve être le cas le plus courant. Si vous demandez à Siri de jouer un morceau, le HomePod va utiliser son « algorithme sophistiqué qui analyse la musique en continu et règle de façon dynamique les basses fréquences ». Mais si vous lancez la lecture du même morceau en AirPlay, l’enceinte n’appliquera pas son égaliseur automatique qui accentue (parfois trop, à notre goût) les basses.
On aimerait pouvoir dire à Siri de baisser les basses comme il est possible de le faire en AirPlay avec l’égaliseur d’iTunes (Fenêtre > Égaliseur) ou d’iOS (Réglages > Musique > Égaliseur), malheureusement l’assistant ne prend pas en charge cette requête. Résultat, nous préférons certains morceaux sur le Sonos One, plus clair.
Cela étant dit, tout est question de goût, il n’y a pas de vérité indiscutable en matière de son. On peut préférer une enceinte « typée » à une enceinte neutre. C’est comme la photo : d’aucuns préféreront un traitement d’image neutre, tandis que d’autres auront un penchant pour un traitement d’image plus flatteur mais moins fidèle. Pour prendre un exemple concret, l’iPhone X, le Galaxy S8 et le Pixel 2 ont tous les trois d’excellents appareils photo qu’il est difficile de départager de manière catégorique.
C’est dans cette optique que le journaliste David Pogue a fait passer un test à l’aveugle à plusieurs personnes, certaines étant des spécialistes de l’audio, d’autres pas du tout. Conclusion : le HomePod a été désigné meilleure enceinte par deux personnes, le Google Home Max par deux personnes également et le Sonos One par trois.
Comment désigner un vainqueur dans un match si serré ? Disons que si vous aimez un son assez imposant, rond et/ou que vous comptez placer l’enceinte au centre de votre pièce, le HomePod l’emporte. Autrement, le son du Sonos One est sûrement moins impressionnant, mais plus fidèle.
On peut aussi regarder les à-côtés sonores, et là, le HomePod s’en tire moins bien. Contrairement aux Sonos, on ne peut pas encore jumeler deux HomePod pour disposer de stéréo. Enfin, si, on peut en utilisant l’application AirFoil sur Mac, mais la vraie solution d’Apple, qui promet d’ailleurs « une scène sonore plus large, plus immersive qu’un système stéréo traditionnel », n’est pas disponible pour l’instant.
Il manque aussi AirPlay 2 et sa fonction multi-room que les clients de Sonos connaissent depuis longtemps. Selon TechCrunch, la stéréo est prévue pour bientôt et le multi-room dans un second temps. Il y a la question du prix aussi ; Sonos a été malin en proposant deux Sonos One (valeur unitaire de 199 $) pour le prix d’un HomePod (349 $) dans les pays où Apple a lancé son enceinte.
Hey Siri, what’s going on ?
Mais si l’on continue de regarder les à-côtés, le HomePod peut se prévaloir d’une intégration à nulle autre pareil dans l’écosystème Apple, à commencer par ce couple Apple Music + Siri qui fonctionne formidablement bien, à quelques exceptions qui ne sont que temporaires.
La capacité d’écoute de Siri est bluffante. Même à une dizaine de mètres, il n’est pas nécessaire de hausser la voix pour se faire entendre par l’assistant. On peut lancer à la cantonade un « Hey Siri » et l’assistant se réveille instantanément. À une distance plus courte, Siri peut même reconnaître un « Hey Siri » chuchoté. Et cela vaut aussi quand l’environnement est bruyant et/ou quand le HomePod joue de la musique. Même s’il y a quelques ratés inévitables, c’est à se demander si le HomePod n’a pas une meilleure ouïe qu’un humain.
C’est après avoir dit « Hey Siri » que ça se complique, du moins pour le moment. En l’absence de prise en charge du français, il faut soigner son accent anglais pour bien se faire comprendre. Siri n’est pas pointilleux du tout pour les commandes basiques (on peut prononcer un « Hey Siri turne of de musique » bien franchouillard), mais il l’est pour tous les noms propres non anglais. C’est un véritable défi que de lancer la lecture d’un artiste français.
Mais on le répète, ce n’est pas un défaut, le HomePod n’est prévu pour fonctionner qu’en anglais pour le moment. Siri comprendra et parlera le français quand l’enceinte sera commercialisée dans l’Hexagone. Et on est confiant dans cette adaptation, le Siri français d’iOS étant plutôt doué dans le domaine musical.
En fonction de vos habitudes de « consommation » musicale, passer par Siri pour lancer la musique pourra couler de source ou au contraire être un peu déstabilisant. Personnellement, j’ai l’habitude de faire défiler ma longue liste d’albums classés par année ou par genre et de lancer la lecture complète de l’un d’eux.
Face aux HomePod, je n’ai plus cette liste de jaquettes sous les yeux et je me retrouve un peu démuni. Ma mémoire me jouant parfois des tours sur les noms des albums (quand ce n’est pas mon accent anglais qui pose problème), je demande le plus souvent de jouer une liste de lecture automatique d’un artiste (« Hey Siri play U2 ») plutôt qu’un de ses disques particuliers. Si vous avez déjà l’habitude d’écouter essentiellement des listes de lecture thématiques ou basées sur des artistes, passer par Siri vous simplifiera la tâche.
En dehors de la musique, on peut s’enquérir des choses suivantes auprès de Siri : bulletins d’actualités, questions de culture générale, trafic routier, points d’intérêt à proximité, météo, résultats sportifs, bourse, conversion d’unités et traduction en plusieurs langues. On peut aussi définir un minuteur, une alarme et un chronomètre.
Le HomePod sait aussi contrôler tout l’équipement HomeKit et prendre en charge quelques actions personnelles : lecture et envoi de messages ainsi qu’ajout de notes et de rappels. Le problème, c’est que n’importe qui connecté au réseau Wi-Fi du HomePod peut utiliser ces actions, car il n’y a pas d’identification vocale.
Le problème est un peu diminué par le fait qu’il faut que votre iPhone soit connecté au réseau Wi-Fi pour que les demandes personnelles soient exécutées, mais imaginez un peu la soirée entre amis durant laquelle un des convives éméché lance « Dis Siri, envoie un message à patron “je démissionne, gros naze” ».
D’après nos informations, l’identification vocale était en expérimentation chez les bêta testeurs du HomePod avant la sortie du produit. On devrait donc avoir cette amélioration un jour ou l’autre, le plus tôt étant le mieux.
Par ailleurs, la presse américaine a largement critiqué les carences de Siri par rapport à Google Assistant et Alexa. La situation est différente en France où Google Assistant est bien présent, mais pas dans une enceinte d’aussi bonne qualité que le HomePod, et où Alexa n’est pas encore là. Cela va toutefois changer dans les prochains mois, peut-être même d’ici le lancement du HomePod, avec l’arrivée de l’assistant d’Amazon et l’intégration de Google Assistant dans le Sonos One. La comparaison sera pertinente à ce moment-là.
Pour conclure temporairement
Le HomePod est le produit Apple par excellence : il est simple, performant et ne dévoile tout son potentiel qu’à l’intérieur de l’écosystème de la Pomme. Il fait (temporairement) l’impasse sur des fonctions secondaires qui font tout l’intérêt de la concurrence.
Si vous êtes déjà lové dans le cocon Apple, le HomePod est une évidence. Siri est suspendu à vos lèvres, prêt à vous faire profiter d’Apple Music avec un son impressionnant à défaut d’être neutre, et à vous rendre quelques menus services supplémentaires.
Si vous êtes abonné à Spotify ou que la stéréo et le multi-room font partie de vos priorités, l’enceinte d’Apple ne tient pas la comparaison face à une paire de Sonos One. Le HomePod est toutefois amené à se bonifier dans les prochains mois. Outre tester les capacités de Siri en français, le lancement en France au printemps sera l’occasion de voir si les promesses de progrès sont tenues.
Un grand merci à Robert et Nathalie pour leur support logistique lors de notre escapade en Angleterre.